Bourgogne du Sud
Comment gérer l’ingérable ?

Publié par Cédric Michelin
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Vendredi à Chalon-sur-Saône, la coopérative Bourgogne du Sud tenait son assemblée générale pour faire un point sur l’exercice allant du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015. Encore une année compliquée à tous les niveaux. A l’image des cours mondiaux, le moral et les trésoreries varient entre « espoirs et déceptions ». Ce qui remet au passage en question la fixation des prix et des ristournes aux coopérateurs…
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L’inverse de 2015. La récolte 2014 fut impactée par les conditions humides au moment de la moisson. La qualité meunière des blés chute –avec son taux de Hagberg– et amène Bourgogne du Sud à collecter 45 % de blé « dégradés » en fourragers. Les rendements sont moyens (71 qx/ha) en blés comme en orges. Heureusement, ils sont « très satisfaisants » en colza (40 qx/ha), « très bons » en maïs (108 qx/ha) et en soja (32 qx/ha). La collecte enregistre une hausse sensible (+22%) « mais le chiffre d’affaire est en baisse de 25 % », à 203.518.000 €, résumait le directeur. L’occasion pour Michel Duvernois d’insister à nouveau sur l’importance des taux en protéines qui sont dorénavant la clé pour accéder aux meilleurs marchés en terme de valorisation. Les blés meuniers ont été réservés à la meunerie française et notamment, pour les moulins Nicot à Chagny « qui a joué le jeu ».
Mais encore une fois, c’est l’offre et la demande sur les marchés qu’il fallait essayer de devancer. L’abondance de céréales fourragères et les perturbations sur les cotations de référence du Matif blé n°2 en début de campagne ont été difficiles à gérer. Heureusement, la baisse de l’€ par rapport au $ a permis aux cours de se redresser. Cerevia a trouvé des débouchés à l’export. D’ailleurs, l’Union de coopératives tend « à se rapprocher de (ses) clients même s’ils sont de plus en plus éloignés ».

Tristes records



Toutefois, avec l’importante collecte, la nécessité de stocker s’est traduite par des charges d’exploitation plus conséquente (200 millions €). Dans le même temps, les ventes d’appro ont reculé de 5 % (87 millions d’€) avec des consommations d’engrais en diminution. En viticulture aussi, qui a enfin vu la pression parasitaire baisser. Seul l’élevage a fait plus souvent appel aux services coopératifs autour de l’alimentation (analyse fourrage, plan de rationnement).
Enfin et même si la coopérative n’en est « pas fier », les créances et les agios des adhérents sont en « progression », symbole d’une « forte dégradation », « record » (voir aussi notre article en page 3), de la trésorerie des exploitations agricoles. Conscient des problèmes de ses adhérents, le conseil d’administration a décidé de ristournes céréales (2 millions €) et approvisionnement (789.000 €).

74 % du résultat redistribué



Au final, "seulement" un quart du résultat sera mis en réserve sur le résultat total de l’exercice (4.026.000 €). « Dans le contexte actuel, nos adhérents souffrent beaucoup. Ils ont besoin qu’on redistribue le plus possible. Nous redistribuons donc 74 % » du résultat, expliquait Didier Laurency. Le président en profitait pour rappeler ainsi les valeurs de la coopération. Surtout en ces années qui « se suivent avec espoirs et déceptions ». Du coup, passé inaperçu presque, on en oublierait presque que la collecte en maïs a dépassé celle en blé sur le secteur de Bourgogne du Sud. Un symbole auquel se rajoutent des aléas climatiques « pénalisants » et une économie mondiale « convalescente » (crise financière 2008, guerre Ukraine…). Autant de changements qui interrogent la coopérative sur la construction même de ses prix d’acompte (alors que le prix définitif est connu 1,5 an après), sur la construction de ses prix d’appro, sur ses investissements… « Stratégique » à plus d’un titre, le développement des semences « continue sa croissance ».
En élevage "viande", la FCO est venu se rajouter à « des marchés sans appétit ». En lait, la fin des outils de gestion des marchés a fait « s’écrouler » les prix. « L’enjeu majeur sera dorénavant dans l’accord avec son transformateur », estime Didier Laurency. Mais cela risque de ne pas suffire. En production porcine, les prix ne couvrent toujours pas les charges. Seuls, le secteur viticole et les ateliers "volailles" dégagent des résultats positifs, concluait-il. Mais, là encore, « la fiscalité n’aide pas » à lisser des revenus de plus en plus variables d’une année à l’autre, voire « d’un mois à l’autre ».
Pour essayer d’apporter de la stabilité à tous, l’Union Area cherche à « sécuriser l’appro en engrais. C’est vital et possible avec les coopératives voisines ». Une autre forme d’organisation se fait avec Extrusel - « rentré au capital de Sofiproteol » - pour développer la filière soja non-OGM et ainsi répondre à la « demande locale » en tourteaux, après ceux de colza.

Piqures aux futurs élus régionaux



Alors que seul le sénateur Emorine était présent, Didier Laurency semblait s’inquiéter du « gros déficit de nos élus qui ne savent pas de quoi ils parlent » en matière d’agriculture en cette veille des élections régionales. Régions qui verront pourtant leurs « compétences renforcées » sur ce secteur. Et que dire de la Cop 21, conférence sur le climat : « l’agriculture est pourtant plus une solution que le problème », expliquait-il alors que les grands médias diffusent des messages décourageants. « Comment se faire entendre ? », s’interrogeait Didier Laurency avant d’égrener les preuves de réalisation en faveur d’environnement et de société : nourriture, énergie solaire, plateforme Artemis « pionnière » de l’agro-écologie, valorisation de la biomasse avec le lancement « cet hiver des bois plaquettes pour valoriser les haies bressanes, surtout pour les chaufferies collectives »…. Dernière preuve concrète, chacun des participants à l’AG se voyait remettre un pot de miel, abeilles nourries avec des essences de fleurs sélectionnées spécialement. Loin, très loin donc des clichés de "méchants pollueurs".
La réponse se trouve peut-être dans la dernière activité des coopératives pour maîtriser la chaine de A à Z. En 2015, l’ouverture du magasin Frais d’Ici à Chenove (Côte d’Or) a marqué le retour de la coopération dans le secteur de la grande distribution, après les réussites de son réseau Gamm Vert pour les jardineries.