Attractivité des métiers de l’élevage
Le défi français

Publié par Cédric Michelin
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Trois axes de réflexion autour de l’image du métier d’éleveur, de ses conditions de travail et de l’accès à la profession ont été traités lors de la journée débat "Attractivité des métiers de l’élevage" organisée par l’Idele. Positiver sur les atouts de la filière doit être une priorité. Les écoles agricoles ont un rôle prépondérant à jouer dans ce domaine. Rester positif en pleine crise est bien le défi français à relever.
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Être éleveur aujourd’hui, cela veut dire quoi ? Le métier pâtit trop souvent d’une image en lien à des conditions de travail pénibles et à des revenus faibles et incertains. Et pourtant, les métiers du secteur se composent de nombreux atouts pas assez valorisés selon la profession qui s’est réunie à l’occasion d’une journée débat organisée par l’Institut de l’élevage (Idele), en partenariat avec l’Itavi et l’Ifip le 17 mai.
« Une première du genre », avouaient les organisateurs qui souhaiteraient réitérer l’opération. « Positivons nos métiers, positivons sur ce que l’on fait », mettait ainsi en avant Martial Marguet, président de l’Idele, qui souhaite rendre plus lisible le cadre des métiers proposés et renforcer le rôle clé de la formation. Car en dépit des lourdeurs administratives, donner envie aux jeunes de s’installer reste le défi numéro un.
Synonymes de passion, d’autonomie, de cadre de vie unique… les métiers des filières animales regorgent d’avantages. Et certains chiffres même le démontrent encore. « Chez les herbivores, il y a une certaine attractivité malgré les contraintes de l’élevage. On a eu 4.200 nouvelles installations par an entre 2000 et 2010, un chiffre au-delà de la moyenne des autres filières agricoles », observe Christophe Perrot du Service économique à l’Idele. Même si parler de l’attractivité des métiers de l’élevage reste un « sujet très englobant », dixit Emmanuel Béguin chef de service à l’Institut de l’élevage (Idele), le renouvellement des générations constitue bien l’enjeu premier des années à venir. Un défi qui dépasse les simples frontières hexagonales. « Dans l’Union européenne, seuls 7 % des éleveurs ont moins de 35 ans », indique Karl Walsh, attaché agricole à l’ambassade d’Irlande. Les enjeux de demain sont communs à toutes les filières de l’élevage français : inspirer de nouvelles vocations, améliorer la qualité de vie des éleveurs et faire face aux concurrences européenne et mondiale.

Une image trop négative en France…


La crise actuelle endommage fortement l’image de l’élevage. Un secteur qui néanmoins doit apprendre à devenir "schizophrène", analyse un représentant de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Car l’élevage est pris en ballotage, tiraillé à la fois par l’obligation de dire quand ça va mal et qui se doit dans un même temps de s’auto-promouvoir pour attirer de nouveaux jeunes. « En Bretagne, l’image de l’éleveur est médiocre à cause de la communication de l’éleveur lui-même ! », affirme Jeltsje Algera, éleveuse néerlandaise installée en Bretagne. Pourtant, les occasions de communiquer positivement ne manquent pas. Par exemple, « aux Pays-Bas, les troupeaux passent 8 % du temps en pâturage et 92 % dans les stabulations », développe Jeltsje Algera, « en France, on est bien meilleur, mais on n’en parle pas ! ».

… à l’opposé de l’Irlande ou des Pays-Bas


« Aux Pays-Bas, l’image du métier est très bonne. Lorsqu’ils rentrent dans les syndicats, les agriculteurs reçoivent des formations pour apprendre à communiquer », explique Jeltsje Algera. Par ailleurs, « près de 75 % du lait est exporté, ce qui les oblige à en parler davantage positivement », renchérit-t-elle. A l’école primaire, au moins une visite de ferme est obligatoire pour les élèves.
En Irlande, raconte Karl Walsh, la crise de 2008 a réorienté les investisseurs vers le secteur agricole. Le soutien du ministère de l’Agriculture aux jeunes agriculteurs ainsi que plusieurs dispositifs tels que le "Young Farmers scheme" ont facilité les démarches pour les jeunes générations. Pour autant, près de 40 % des agriculteurs irlandais, informe Karl Walsh, cumulent un autre emploi. « Beaucoup sont dans la construction. Au-delà d’un revenu complémentaire, cela leur permet surtout de rompre l’isolement ».

Témoignages d’éleveurs


Des éleveurs issus de tous types de filière, brebis, porc, volaille, bovin viande ou lait étaient venus présenter leurs parcours, souvent atypiques, qui les ont amenés à devenir éleveur.
Certains reprenaient la ferme familiale, d’autres partaient de zéro en créant une nouvelle activité, parfois sans bagage technique.
« Notre génération a fait des sacrifices que les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas prêts à faire », remarquait une éleveuse qui souhaite encourager les agriculteurs à parler encore plus avec leurs voisins pour établir des relations de confiance. Un autre éleveur témoignait de sa reconversion dans la volaille. « J’ai appris sur le tas » se souvient-il, expliquant avoir créé une salle entièrement dédiée à la communication pour le grand public. « Il y a une réelle demande, de curiosité des gens de savoir ce qui se passe dans ces bâtiments ».
Un autre producteur, basé en Bretagne, était précédemment technicien d’élevage avant de devenir son propre patron. « L’attractivité pour moi était de travailler pour moi » résumait-il, expliquant qu’aujourd’hui « on n’est plus dans un métier de tradition mais dans un métier de choix ». Tous s’accordent pour dire que l’accès au métier ne peut-être fait sans aides financières et un accompagnement via des formations adaptées.