Pascal Bruckner
Le fanatisme de l’Apocalypse

"La planète est malade. L'Homme est coupable de l'avoir dévastée. Il doit payer. Telle est la vulgate répandue aujourd'hui dans le monde occidental. Le souci de l'environnement est légitime, mais le catastrophisme nous transforme en enfants qu'on panique pour mieux les commander. Haine du progrès et de la science, culture de la peur, éloge de la frugalité : derrière les commissaires politiques du carbone, c'est peut-être un nouveau despotisme à la chlorophylle qui s'avance. Et rend plus urgent l'instauration d'une écologie démocratique et généreuse. Une course de vitesse est engagée entre les forces du désespoir et les puissances de l'audace."
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Dans un ouvrage passionnant et savamment argumenté, le romancier et essayiste Pascal Bruckner livre une démonstration intéressante sur la pensée écologiste contemporaine. Prenant le contrepied de l’écologisme ambiant, l’auteur ose interroger sur les travers d’une idéologie discutable. Citant nombre de thèses et écrits d’auteurs et théoriciens verts, Pascal Bruckner montre les limites du genre ; sa part d’ombre ; les similitudes évidentes entre le discours écologiste radical et les idéologies extrémistes.
Analyse philosophique à l’appui, l’auteur démontre toute l’absurdité morbide de nombre de thèses écologistes très en vogue. Parce que « le vrai désir de cette mouvance –qualifiée aussi de philosophie du crépuscule– n’est pas la sauvegarde de la nature mais le châtiment de l’Homme », dénonce l’auteur.
Le livre est ainsi étayé de nombreuses citations édifiantes jalonnant les ouvrages les plus aboutis du genre : « la disparition complète de l’espèce humaine ne serait pas une catastrophe morale mais plutôt un évènement que le reste de la communauté de vie applaudirait à deux mains ». Tout aussi ahurissant est le « mouvement pour l’extinction volontaire de l’humanité, rassemblement d’individus qui ont décidé de ne pas se reproduire ! ».
Au-delà du côté quasi burlesque des affirmations apocalyptiques de nombre de prédicateurs verts, Pascal Bruckner alerte sur les mécanismes d’un discours propagandiste empruntant les mêmes ficelles que des sectes... Sous couvert d’une vérité sacrée prétendument scientifique, l’idéologie écologiste fait peser sur l’Homme une culpabilité écrasante. La promesse du cataclysme imminent réduit les citoyens à de pauvres pêcheurs tout disposés à expier leurs fautes. Et à se soumettre à une dictature liberticide…
A contre-courant de la pensée dominante, Pascal Bruckner a le mérite d’interpeller les citoyens sur l’illusion terrifiante qui pourrait bien les menacer derrière ces discours faussement sympathiques.
« Nous vivons le temps des avant-gardes régressives : faute d’inventer, elles dénigrent », pointe à juste titre l’auteur. Sous prétexte de dénoncer le consumérisme, des écologistes aisés voudraient « refuser la féerie marchande aux peuples qui en sont privés ». Ou encore « les verts sont aussi les adaptateurs de la nouvelle donne économique qui permet à une minorité de nantis de décupler leur fortune tandis que les autres doivent se serrer la ceinture. Ils entérinent la situation du blocage des jeunes générations qui n’ont plus l’assurance de vivre mieux que leurs parents et doivent se résigner à cette infortune », analyse-t-il.
Démasquant la grande « régression ascétique » que les alternatifs rêveraient d’infliger au monde développé, Pascal Bruckner s’amuse des formules improbables que ces idéologues inventent pour enrober de mots doux leurs pulsions morbides et totalitaires : « on va donc célébrer la frugalité heureuse, l’austérité juste, la sobriété joyeuse, l’abondance frugale, et pourquoi pas la misère riante, la mort rigolote, la famine sympa ? ».
Avec son ouvrage "Le fanatisme de l’Apocalypse", Pascal Bruckner donne matière à réflexion dans un domaine où le débat est depuis longtemps interdit. Il fait entendre un point de vue original, quitte à se faire mal voir des milieux prétendument intellectuels et alors même que les médias se font les colporteurs d’un conformisme de pensée affligeant.
Dans un style littéraire qui tranche avec l’inculture de nombre de best-sellers, Pascal Bruckner délivre un message qui invite, avec intelligence, à reprendre confiance en l’humanité. Un ouvrage à lire pour sortir de l’ornière apocalyptique. Et reprendre goût à la vie.

Le fanatisme de l’Apocalypse, Sauver la Terre, punir l’Homme, de Pascal Bruckner aux Editions Grasset.