André Accary, président du Départemental
Un travail de fond et de proximité

Alors que l’assemblée départementale se réunit ce vendredi dans la foulée de la Rencontre des territoires du 8 septembre, André Accary, président du Conseil départemental, nous accorde un entretien. Il revient sur l’actualité agricole de cette rentrée et sur la politique que la collectivité entend développer à son sujet.
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Voici près d’un an et demi qu’une nouvelle majorité s’est installée aux commandes du Département. Quels enseignements en tirez-vous ?
André Accary : le constat est là : la situation agricole cumule les crises, des crises dont vraiment les exploitants n’ont aucune maîtrise.
Elles trouvent leur origine dans la politique extérieure, tant celle de Bruxelles que de la France. Je pense notamment à l’embargo contre la Russie et à ses conséquences. Mais aussi à la gestion avec la Turquie.
Les conséquences sont là, avec un effondrement des prix et nos agriculteurs sont victimes de choix politiques dont ils subissent seuls les conséquences.
Là dessus se sont ajoutés les problèmes sanitaires, climatiques… qui affectent toutes les productions. Bref, on enchaîne tout.
Une seule demande devrait être audible, celle portée par les agriculteurs eux-mêmes et qui réclament de pouvoir vivre de leur métier. Un agriculteur me confiait récemment avoir honte et ne plus même oser demander de l’aide…
Notre agriculture a pourtant des atouts, mais le constat est là : les producteurs n’arrivent pas à en vivre ! Dîtes-moi quelle profession accepterait de dégager moins de revenu en 2016 qu’en 1980 ?


Face à cette crise, quel rôle le Département entend-il remplir ?

A. A. : le Département a, hélas, dans ses compétences peu de moyens pour agir. Nous n’en avons pas moins la volonté de venir en aide à notre agriculture.
La loi NOTRe est une chose, notre volonté politique en est une autre. Le Conseil départemental reste la collectivité de proximité s’il en est une avec la commune et, à ce titre, nous entendons rester aux côtés des gens et être le plus efficace possible avec les moyens qui sont les nôtres.
Nous entendons agir, par exemple, en développant les filières courtes, dont on parle mais qu’il faut développer. Ainsi, ce vendredi l’Assemblée départementale se prononcera-t-elle en mettant au vote notre adhésion à AgriLocal, un site qui a fait ses preuves ailleurs et dont attendons qu’il permette l’essor des approvisionnements de proximité au sein de nos collèges. Et si nous atteignons les résultats escomptés, cela sera étendu aux autres établissements qui relèvent de notre compétence, comme les EPHAD notamment.
Ce vendredi, nous présenterons aussi notre projet pour le Laboratoire départemental d’analyses qui, si nous ne faisions rien, était condamné à moyenne échéance. Certains départements ont fait ce choix et laissent tomber leur laboratoire, ce n’est pas notre choix : nous faisons au contraire le choix d’investir, par la construction d’un nouveau bâtiment. Le Laboratoire est certes un outil indirect, mais majeur de soutien à nos filières agricoles et viticoles. Notre ambition est de donner une solution pérenne à cet outil, au travers d’un partenariat avec un acteur privé dont cela est le métier, tout en développant les synergies avec les laboratoires des départements voisins de l’Ain et du Jura, lesquels ont, eux aussi, de sérieuses compétences.


Vous et vos vice-présidents réaffirmez régulièrement votre soutien à l’Agriculture. Comment envisagez-vous cela alors que la loi NOTRe a rebattu les cartes des interventions tant de la Région que des Départements ?
A. A. : avec la loi NOTRe, la compétence économique n’est plus du ressort des Conseils départementaux, mais relève désormais des Conseils régionaux. A ce titre, j’aimerais bien connaître les intentions de la Région en matière d’Agriculture.
La loi NOTRe nous interdit d’intervenir directement auprès des professionnels de l’Agriculture. Elle ne nous empêche en revanche pas d’accompagner des intervenants, comme nous l’avons fait avec la Chambre d’Agriculture dès 2015 pour financer des diagnostics d’exploitations. Ainsi, une aide ciblée sur une entreprise, nous n’en avons pas le droit, mais pour le reste, les Départements le peuvent. Et c’est que nous faisons en Saône-et-Loire avec l’aide aux diagnostics d’exploitations développés par la Chambre. C’est aussi ce que nous continuerons à faire au travers du Laboratoire départemental d’analyses dont chacun connaît les compétences en matière d’œnologie mais aussi dans le cadre de crise sanitaire comme, récemment, celle de la FCO. C’est encore ce que nous faisons en portant le développement du Très haut-débit sur l’ensemble du territoire : les exploitants ont besoin de ce Très haut-débit et aider à sa mise en place est aussi une aide économique indirecte comme l’est l’entretien du réseau routier partout sur le territoire départemental.
Dans tous ces domaines, notre ambition est d’impulser de vraies dynamiques, tout en conservant et en renforçant là où elle est déjà notre proximité avec les acteurs de terrain, dont le monde agricole et viticole.


Quelles articulations avec la Région sont-elles envisagées ?

A. A. : la Région est désormais - comme l’Etat - directement en première ligne pour gérer la crise agricole, laquelle relève de ses compétences du fait de ses nouvelles attributions en matière économique. Le chef d’orchestre dans cette compétence - face à la crise agricole - reste l’Etat et l’Union européenne. Ils ont la puissance de feu pour venir en aide au secteur agricole. En second lieu, la Région interviendra, car elle a aussi cette compétence.
J’imagine donc que le Conseil régional va proposer un plan d’urgence et alors nous regarderons comment, au Département, nous pourrons nous y associer.
Dans cette crise et au regard de son intensité, il nous faut être le plus réactif possible. Il y a urgence à agir. Les agriculteurs ont alerté depuis longtemps sur ce qui se passait et sur ce qui se profile…


En cette rentrée, vous avez évoqué la lutte contre les fractures territoriales, notamment en mettant en avant le développement du Très Haut-débit. Comment entendez-vous décliner celle-ci ?

A. A. : le Très haut-débit est stratégique pour nos territoires, pour tous nos territoires. A ce titre, nous nous sommes organisés - au travers d’une SPL que je préside - à l’échelle de sept des huit départements de Bourgogne Franche-Comté pour peser le plus lourd dans le cadre de notre appel d’offre et ainsi être susceptible d’intéresser les opérateurs. Au final, le THD représentera pour la Saône-et-Loire plus de 172 millions d’€ d’investissements d’ici 2022, dont 60 millions apportés par le Département, autant par l’Etat, 25 millions par les Communautés de communes, 11 autres par la Région et le reste par l’Europe.


La Saône-et-Loire a choisi d’adhérer à AgriLocal. Comment envisagez-vous le concept de circuits courts ? Quels sont les objectifs en matière d'approvisionnement de proximité pour les cantines des collèges ? Le département encadre les EHPAD, quelles intentions en matière d'approvisionnement de proximité pour ce secteur ?

A. A. : le circuit court, c’est permettre à tous les producteurs locaux - dans le cadre de la loi - de répondre à la demande d’une collectivité ou d’un collège.
Le schéma doit être à la fois fiable et viable pour tout le monde. Ce n’est pas "un jour il y en a", et "un jour il n’y en a pas"… On parle de flux d’approvisionnement en vue d’alimenter près de 16.000 collégiens par jour dans les 51 collèges que compte la Saône-et-Loire.
Pour aboutir à un résultat à la hauteur de nos attentes parce que ce dossier est stratégique dans l’ancrage territorial des approvisionnements, nous espérons que tous les producteurs soient informés de notre démarche. Et si le succès est au rendez-vous, ce que nous espérons vivement, la dynamique sera par la suite en effet étendue à l’ensemble des établissements dont le Conseil départemental.
Cette politique doit être excellente en matière de retombées économiques et d’image pour nos producteurs, et ainsi ancrés localement du travail sur nos territoires. En parallèle, notre démarche s’accompagne d’une dynamique de formation à destination des cuisiniers des restaurants des collèges, lesquels sont demandeurs, eux aussi, de cette formation pour mieux répondre aux enjeux actuels.
Dans ce dossier, comme dans tous les autres, nous essayons d’appliquer un principe de réalité et de bon sens, et bien entendu de l’efficacité. A ce titre, si je sais bien que nous n’avons pas au Département de "baguette magique" pour changer les choses, nous entendons agir avec pragmatisme et renforcerons, chaque fois que nous le pourrons, notre agriculture et nos agriculteurs.
Nous voulons, avec les conseillers départementaux, mettre en place des politiques de fond structurantes qui puissent perdurer dans le temps et doter notre territoire de Saône-et-Loire de réels atouts pour l’avenir.