Coopérative Bourgogne du Sud
Préserver la matière organique

Publié par Cédric Michelin
-
Vendredi 23 mai à Thurey et Vérissey, Bourgogne du Sud présentait ses essais blé et colza. Les agriculteurs prenaient ainsi connaissance des variétés intéressantes pour leurs futurs assolements et correspondant aussi aux débouchés commerciaux de la coopérative. L’occasion également de plonger dans un profil agronomique ou encore de faire un point sur les marchés, céréales et engrais.
128618--DSC_0234.JPG
Chaque année, la coopérative Bourgogne du Sud met en place différentes plateformes d’essais : 3.000 micro-parcelles au final. L’objectif est de tester les nouveautés –variétés, phytosanitaires, techniques culturales– avant leur arrivée sur le marché pour les agriculteurs. Le but est d’évaluer le rapport coût/bénéfices pour maximiser le revenu des adhérents et pour répondre aux débouchés de la coopérative (meunerie, brasserie, trituration, élevage). L’occasion donc pour les agriculteurs de constater sur le terrain, quelles sont les variétés adaptées aux différents sols ou encore comment optimiser la fertilisation ou utiliser la juste dose de phytos.

Des écarts qui se creusent



Depuis 2009/2010, la parcelle de Thurey, en blé cette année, et la plateforme de Virey-le-Grand cherchent à connaître l’impact du sol, des apports de matière organique, des couverts végétaux en interculture et de la conduite culturale, ainsi que des tests de nouveaux itinéraires répondant aux Grenelle de l’environnement. Au Gaec du Bois Grillot, depuis cinq ans, les effets du travail du sol, labour ou non, sur la fertilité du sol, sur les rendements, sur la qualité des récoltes… sont suivis.
Christophe Petiot travaille donc ses limons « limite » sableux, avec 8-10% d’argile, de deux façons à Thurey. Parmi les critères faciles à surveiller, le pH évolue passant de 6,9 en 2009 à 7 en non labour contre 6,3 avec labour en 2014. Un « écart qui se creuse » donc. Même constat concernant le « garde manger » des cultures, la CEC, qui mesure la capacité à retenir les cations. La potasse augmente en non labour ; idem pour la magnésie et le calcium. Avec des apports, le phosphore reste identique entre les deux itinéraires.

Des sols ne fournissant plus



Côté vie biologique, en badigeonnant le sol avec de l’eau "moutardée", les techniciens de différentes coopératives ne constatent que peu de remontée de vers de terre que ce soit en labour ou non, ce qui faisait dire à Christine Boully que « l’excès d’eau les a peut-être asphyxiés ou repoussés en profondeur », dans ce terrain drainé. « En terme de fertilité, je mets un plus au non labour, concluait la responsable des essais mais il y a aussi des inconvénients notamment les limaces ou la difficulté de désherber les graminées même si le salissement (repousses colza, gaillets…) est le même cette année à Thurey ». Pour gérer les adventices ou le brome, intercaler les cultures de printemps et d’automne est préférable. « A moyen terme, la clé de la préservation du potentiel est de préserver la matière organique, en enfouissant les résidus, en mettant des intercultures (légumineuses) ou en apportant du fumier ou compost ».

Un drone mesurant la photosynthèse



Pesés depuis 2010, les rendements donnent un quintal de plus de maïs en non labour « avec un point d’humidité en plus » par rapport au labour, tout comme en tournesol. En 2012 et 2013 respectivement, blé et colza ont fait un quintal de plus à l’hectare avec labour. « Nous avons fait voler un drone pour chercher à déterminer la dose du dernier apport d’azote pour la teneur en protéine. Ici, nous ne voyons pas de différence selon le travail du sol mais sur la plateforme de Virey-le-Grand si », indiquait Christine Boully.
Aux premières loges, au fond de ses profils de sols, Pascal Bucheton constate qu’aujourd’hui, « dans certaines situations, les sols ne fournissent plus grand chose aux cultures. On arrive au bout du système. Il faut réagir », invitait-il. Mais, « il n’y a pas de meilleure technique culturale », concluait Christine Boully mais des adaptations à réfléchir au cas par cas.




Des engrais sécurisés



Responsable des achats des intrants, et notamment des engrais, Gilles Guillaume présentait les essais blé visant à comprendre « la courbe de réponse à l’azote ». L’objectif étant de « vous dire ce qu’il faut faire avant » plutôt qu’après-coup. Surtout que le contexte réglementaire « s’enrichit » lui. Le marché des engrais évolue également. L’urée explique en grande partie le prix des engrais. « La Chine vend de l’urée depuis deux ans et a tendance à approvisionner l’Inde, au détriment des pays du Golfe, ce qui fait qu’on a des prix assez bas en France ». La coopérative a donc été aux achats pour plusieurs milliers de tonnes « aux prix les plus bas des dix dernières années ». Potasse et phosphore connaissent également des baisses. La coopérative devrait être en mesure de « sortir des engrais complets à des prix 20 % moins cher que l’an passé ».



En parallèle, le site d’Area/Cerevia de Fos-sur-Mer a évolué pour recevoir et pouvoir stocker jusqu’à 15.000 t. « C’est un vrai progrès pour l’accès logistique aux engrais. On les sécurise. On descend du blé et remonte de l’urée, de l’ammonitrate 27 et d’autres demain », se félicitait Michel Duvernois, le directeur de Bourgogne du Sud. Reste des « inquiétudes » d’autres natures : celles réglementaires que ce soit en terme d’épandage avec des contrôles de stocks en début et fin de campagne ou que ce soit en matière de "volatilisation" sur sol nu.






Les yeux rivés sur l’Ukraine






Le directeur de la coopérative, Michel Duvernois faisait un point sur les marchés économiques des céréales et oléagineux. Sur cette « petite planète », 20 à 25 % du Matif est détenu par des financiers. S’ils ne réagissent pas aux mêmes signaux, les fondamentaux restent importants pour eux aussi. La consommation de céréales est toujours en hausse dans le monde. Par contre, la production mondiale varie « énormément ». Après un décrochage et de la production et des stocks en 2012, en 2013, ces derniers se sont reconstitués « surtout en maïs qui guide le marché » général. Avec seulement 15 millions de tonnes d’écart entre consommation et production de blé au 23 mai, « l’inconnue Ukraine/Russie fixera le prix de l’année ». Sans oublier non plus les conséquences attendues d’El niño dans l’hémisphère sud.



Sur le marché maïs, à nouveau « le vrai sujet est l’Ukraine qui a semé normalement mais avec une monnaie dévaluée, les agriculteurs n’ont plus d’argent pour les engrais ou traitements ». L’impact pourrait abaisser leur production de 20 %, libérant des marchés, notamment au nord de l’Afrique ou en Egypte.


Enfin sur le marché des oléagineux, avec des départs à 400 €/t colza en 2013, la Chine tire toujours le marché - en important 70 millions de tonnes – mais avec une production mondiale en hausse. Les tourteaux devraient « baisser normalement cette année ».