Elevage laitier
Du confort et du bien-être pour produire

Pour bien produire, les vaches laitières ont besoin avant tout de confort et de bien-être. C’est ce que développe Yves Debeauvais, vétérinaire, après avoir expliqué la métamorphose du métier de vétérinaire passé d’une pratique très curative à une mission beaucoup plus préventive.
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Le 24 mars, la quatrième édition des "Journées Grands Troupeaux" avait lieu à Beaune sous l’égide du fabricant d’équipements laitiers BouMatic (lire notre édition du 7 avril en page 7). C’était la première fois que ce rendez-vous technique national venait à la rencontre des éleveurs de l’Est de la France. Parmi les intervenants de renom, le docteur Yves Debeauvais, vétérinaire en Haute-Savoie, qui a expliqué comment « optimiser la santé des animaux pour rationaliser les coûts vétérinaires et obtenir un meilleur rendement de l’exploitation ». Une « gestion des troupeaux dont les facteurs clefs du succès sont management, confort, alimentation », expliquait le Docteur Yves Debeauvais.

La santé plus importante que les maladies


Ce dernier a d’abord retracé l’évolution de la pratique vétérinaire depuis les années 80 en imaginant ce qu’elle deviendrait à l’horizon 2020. Clairement, on est passé d’une pratique vétérinaire se limitant à traiter des vaches malades à un rôle d’assurance de la santé, peut-on résumer. « On s’est aperçus que la santé était plus importante que les maladies », reconnaît Yves Debeauvais. Le vétérinaire des années 80 administrait des antibiotiques en quantité ; assurait les prophylaxies des maladies réglementées ; réalisait des euthanasies, sans autopsie… C’est avec les années 2000 que le vétérinaire "moderne" a commencé à prendre le pas sur son aîné. Le parage a, par exemple, commencé à s’imposer comme un précieux moyen de prévention. Aujourd’hui, la pratique vétérinaire comprend des visites d’élevages, occasions de diagnostics globaux. Des visites thématiques consacrées à la santé des pieds, des génisses…, mais aussi des suivis de qualité du lait, de la santé des mamelles…
Dans les années 80, le curatif représentait 80 % des frais vétérinaires, constitués pour l’essentiel de médicaments. Le vétérinaire était alors un « coût subi », analyse Yves Debeauvais. A partir des années 2000, les choses se sont équilibrées entre préventif et curatif. Le coût moyen en frais vétérinaires s’élève à 150 € par vache laitière, mais avec d’énormes disparités, précise le praticien.

Prévenir plutôt que guérir


Se projetant vers 2020, l’intervenant imagine des exploitations de taille diverses où l’on préfèrera « optimiser l’efficacité (alimentation, génétique, bâtiment, foncier…) plutôt que saturer les moyens de production ». Les charges seront plutôt vues comme des « ressources » et la taille ne devrait plus être un facteur de risque puisqu’on s’appuiera sur la santé des animaux, pressent-il. Les frais vétérinaires devraient se maintenir aux alentours de 150 € par laitière, mais avec des vaches qui produisent plus de lait, estime Yves Debeauvais. Dans ce coût, le préventif devrait l’emporter sur le reste. « Il faudrait que les frais vétérinaires curatifs consacrés aux veaux soient proches de zéro », illustre par exemple l’intervenant. « Le vétérinaire servirait davantage à surveiller et à éviter les dérives. Une assurance santé en somme », résumait Yves Debeauvais.
La transformation du rôle des vétérinaires dans les élevages est la conséquence d’un certain nombre d’évolutions réglementaires et notamment de la montée du bien-être animal. Les restrictions en matière de médicaments et la lutte contre l’antibiorésistance y sont aussi pour beaucoup. Le dépistage en amont a pris de l’importance. L’évolution des moyens diagnostics, un meilleur échange d’information, des visites d’élevages, des formations ont joué aussi.

Performance = vaches qui vont bien


« Dans vos élevages, beaucoup de potentiels ne sont pas exprimés. Souvent, on dirait que vous faites tout pour ne pas faire de lait ! ». C’est par ce constat volontiers provocateur qu’Yves Debeauvais introduissait ses recommandations aux éleveurs. Une « sous-production multifactorielle » qui nécessite « une approche spécifique à chaque élevage » et qui ne connaît « pas de recette miracle », prévenait le vétérinaire.
De sa démonstration, il ressort néanmoins que la notion de confort est prépondérante dans les préconisations. « La santé est le socle de la pérennité de l’élevage » et cette santé passe par le respect du bien-être animal, lequel suppose « manger et boire suffisamment ; du confort ; pas de maladie ; des comportements normaux d’espèces ; un ressenti positif », énumérait le docteur Debeauvais. Loin d’être une contrainte réglementaire punitive, le bien-être animal est avant tout « le stade ultime de la bonne santé », faisait remarquer le vétérinaire. Et la performance en élevage résulte de vaches « normales qui vont bien avec de la nutrition (soignez vos fourrages) et du confort », insistait l’intervenant.

Un emploi du temps d’herbivore


« La vache normale est un herbivore ! », posait d’emblée le vétérinaire qui incite à optimiser la fermentation. Et pour ce faire, il faut veiller à ce que « cette vache normale ait un emploi du temps normal ! Le pire pour une vache laitière est de lui faire faire des gros repas et de les espacer », mettait en garde Yves Debeauvais décrivant le phénomène d’acidose puis alcalose ruminales qui en découlent avec au bout la « mort du rumen ». Le praticien pointe aussi le manque de sel - très fréquent dans les élevages - ou le manque d’eau… Il dénonce aussi le manque de repos, très répandu en France avec, par exemple, des stations débout prolongées engendrant des problèmes de pieds… Une prévention des boiteries qui passe, estime le vétérinaire, par les choix génétiques, le bon élevage des génisses, la bonne préparation au vêlage et à la lactation… Par le confort aussi et le fait de moins forcer sur la nutrition…

Vêlage précoce impose confort


Avantageux à bien des égards, le vêlage précoce (dès 22 mois) implique toutefois une maîtrise intraitable du confort des génisses, mettait en garde Yves Debeauvais. Compétition, couchage, chargement en font partie. Ce confort est un préalable indispensable pour atteindre les objectifs de 220 kg à six mois pour un GMQ de 900 grammes par jour, rappelait l’intervenant. Un élevage des génisses qui implique une distribution de colostrum en quantité, en qualité et dans les délais : 4 litres dans les deux heures. Une alimentation au lait. Un concentré 1er âge. De l’eau et du sel. Le vétérinaire recommande de ne pas sevrer trop tôt les génisses. Il préconise par ailleurs une « socialisation précoce » ; pas trop de froid et de « ralentir à la puberté ». Partant du principe que tous les métabolismes fabriquent de l’acide, Yves Debeauvais incite à rdr« minéraliser ».

Du confort pour les productrices


L’exigence de confort se retrouve bien évidemment pour la préparation au vêlage et la lactation. « Obligatoire le plus souvent, l’intensification n’admet pas de compromis », estime le praticien. « Des vaches qui dévorent ont besoin de confort ! Un mètre carré par 1.000 litres de lait ; 85 cm à l’auge pour des vaches taries souvent plus larges… ». Le vétérinaire met en garde contre le stress des boxes de vêlage ainsi que la chaleur. Il incite à ne pas concentrer la ration durant les huit derniers jours de gestation au risque de les voir moins manger après, explique-t-il. En lactation, Yves Debeauvais conseillait de laisser les vaches laitières « entre copines » avec « une seule ration pour produire du lait du début à la fin ». Concernant la taille des lots, un seuil se situe vers 80 – 100 vaches. Au-dessus de 100, les vaches n’ayant pas la capacité à mémoriser plus de cent congénères, le phénomène de hiérarchie se dilue. En dessous de 80, la hiérarchie est plus stable mais il est plus difficile de réintroduire une nouvelle vache, confie le vétérinaire.
Dans tous les cas, le confort est primordial. Un couchage confortable est essentiel, martelait Yves Debeauvais. Accès, ergonomie, alimentation optimisée, abreuvement à volonté avec au minimum 10 cm d’abreuvoir par vache laitière… « Si les vaches sont présentes 21 heures sur 24 à l’étable, alors la ration doit être disponible 21 heures sur 24 ! », préconisait le spécialiste.

Trop de murs !


L’ambiance est un autre point clé du confort. Le renouvellement de l’air est crucial. Pour Yves Debeauvais, les étables françaises ont « trop de murs ! ». Et pour assurer un renouvellement d’air, « il faut de la vitesse », insistait le vétérinaire.
Dans tous les cas, l’observation des animaux est essentielle. La vache laitière doit se coucher, manger, boire, produire. « Une vache qui rumine debout dans sa logette, c’est anormal », illustrait le vétérinaire. « L’observation des pieds est un puissant indicateur », assure-t-il. « L’observation du pied raconte presque toute la vie de la vache. Plus de 80 % des causes de boiterie relèvent du confort ».