Eau et électricité en production laitière fermière
Des consommations à repenser

En production laitière fermière, les consommations d’électricité et d’eau prennent des proportions conséquentes. La fromagerie et ses dispositifs de séchage et affinage s’avèrent particulièrement gourmandes. Sensible « à la raréfaction des ressources et au renchérissement du coût de l’énergie », la filière fermière s’est lancée dans des travaux visant à mieux connaître les consommations dans les exploitations. Ceci pour mieux cibler les postes où des économies sont possibles.
132291--DSC_0036.JPG
Le 9 juin au lycée de Davayé, une journée technique était consacrée à la maîtrise des consommations d’eau et d’électricité en production laitière fermière. Elle était organisée par l’Institut de l’élevage et la Fnec (fédération nationale des éleveurs de chèvres), en collaboration avec le PEP Caprin, le Centre fromager de Bourgogne et la chambre régionale d’agriculture.
Yves Lefrileux de l’Institut de l’élevage, Guillemette Allut du Centre fromager de Bourgogne et Marion Pétrier du Centre technique fromager caprin ont notamment présenté une étude sur les « consommations en eau et énergie en production fermière ». Des travaux qui sont nés de la volonté de la filière fermière de « s’approprier le défi énergétique face à la raréfaction des ressources et au renchérissement du coût de l’énergie », introduisait Yves Lefrileux.

La nécessité d’un comptage séparé


La base de la démarche est une connaissance fine des différents postes de consommation, ce qui implique en premier lieu l’existence d’un comptage séparé pour la partie production fermière (séparé de la partie habitation, gîtes, autres…). Un dispositif qui ne serait présent que dans environ une exploitation sur cinq - et ce tant pour l’eau que pour l’électricité - révélait une enquête réalisée en 2006.
Selon la même source, la consommation en électricité irait de 133 à 1.600 watts par an par litre de lait transformé en fromage. Une grande variabilité liée au type de production avec une moyenne de 400 Wh par litre.
En eau, la consommation irait de 2 à 20 litres par litre de lait transformé, hors abreuvement, avec une moyenne de 4 litres.
D’autres travaux ont montré que les systèmes caprins fermiers consommaient deux à trois fois plus d’électricité au litre de lait que des caprins lait ou ovins lait et même quatre fois plus que des systèmes bovins lait. Des données corroborées par les réseaux Idele avec le chiffre de 593 KWh par 1.000 litres de lait soit presque trois fois plus qu’en caprin laitier. Avec une consommation de 30.000 kWh pour 82 chèvres et 50.000 litres de lait produits et transformés.

Fromageries : plus de 75 % de l’électricité consommée


Deux programmes Casdar sont en cours pour affiner la connaissance des consommations. En filière caprine fromagère, des systèmes de comptage et d’enregistrement ont été installés dans trois fermes expérimentales : au Pradel (Ardèche), à Mâcon-Davayé et au Blanc (36). Une vingtaine de capteurs - eau et électricité - ont ainsi été posés dans chacun des trois sites. Ils touchent différents postes de l’élevage, du bloc traite, de la fromagerie…
Depuis que ces mesures ont débuté, les premiers résultats révèlent des consommations électriques de 123 KWh par jour ou 0,35 KWh par litre de lait transformé pour le Pradel et 148 KWh par jour ou 0,5 KWh par litre de lait transformé pour Davayé.
Dans les trois sites, la fromagerie est de loin le premier poste de consommation électrique avec plus de 75 % de la consommation totale de la ferme (soit plus de 100 kWh/j). En fromagerie, ce sont les séchoirs qui consomment le plus, suivis des chauffe-eau et autres lave-batterie (lave-vaisselle). Hâloir et chambres froides sont aussi des postes importants sur certains sites de même que la climatisation.
Ces consommations se caractérisent aussi par de grandes variations. Au séchoir, la consommation dépend beaucoup du volume de fromages présent. Aux hâloirs, la conception même de l’outil joue beaucoup : selon le système de régulation de l’hygrométrie : dynamique ou statique… L’isolation du bâtiment est un autre paramètre déterminant ; de même que le positionnement des groupes froid ou même de la pièce elle-même vis-à-vis du soleil, des points cardinaux, des obstacles naturels…
Les consommations d’eau mesurées vont de 5,31 litres par litre de lait transformé (1,86 m3/jour) au Pradel à 7,38 litres (2,21 M3/jour) à Davayé. Dans les deux cas, un peu moins d’un mètre cube jour est absorbé par l’abreuvement des animaux (120 et 180 chèvres), soit environ 45 % de la consommation totale. Le reste (environ 55 %) est consommé par la fromagerie et le bloc de traite (1 m3/j au Pradel et 1,25 à Davayé). A Davayé, la fromagerie vient juste derrière l’abreuvement en termes de volume d’eau consommé avec 0,68 m3/j, soit 31 % de la consommation totale.

La chasse aux gaspillages dès la conception


De ces premiers résultats expérimentaux, il ressort déjà des tendances quant aux postes à surveiller de près en matière de dépenses en électricité ou en eau. Séchoirs, hâloirs, climatisation, équipements froids sortent du lot comme des postes sensibles à cibler.
Pour consommer moins, la première mesure à prendre est la chasse aux gaspillages. Fuites d’eau, portes ouvertes, durée de traite excessives… sont à proscrire. En fromagerie, les défauts d’isolation, générateurs de ponts thermiques et autres anomalies de conception telles un groupe froid mal ventilé, une chambre froide mal orientée…, sont autant de sources de dépenses.
Pour les éviter, la conception des locaux doit le prendre en compte très en amont, conseillent les professionnels.
A ne pas négliger non plus la variation saisonnière de la production fermière induisant des outils sous-utilisés la plupart du temps. Il existe des matériels (compresseurs de froid) dotés de variation de puissance et de vitesse, signalent les équipementiers. Dans la conception des fromageries, le choix des matériaux est décisif mais la qualité de pose aussi, assurent les professionnels.

Récupérateurs de chaleurs


Des équipements voient le jour pour produire de manière plus économe. Exemple : un récupérateur de chaleur sur le compresseur de chambre froide ; il peut permettre de diviser au moins par deux - voire par trois - la consommation d’énergie d’un chauffe-eau avec un retour sur investissement de 5 à 8 ans, subvention déduite. Un chauffe-eau solaire peut permettre d’économiser moitié moins d’énergie qu’un chauffe-eau conventionnel avec un retour sur investissement de 15 à 25 ans. D’autres équipements ont leur intérêt comme le pré-refroidisseur de lait permettant des économies au niveau du tank à lait. Il n’est pas interdit d’imaginer non plus des solutions faisant appel au photovoltaïque, voire à la méthanisation.


Contrat d’électricité
Plusieurs fournisseurs sur le marché


Depuis le 1er juillet 2007, le marché de l’électricité est ouvert à la concurrence. Aussi des offres au tarif de marché complètent désormais les tarifs réglementés des fournisseurs historiques. S’il existe désormais plusieurs fournisseurs d’électricité, en revanche, il demeure un seul gestionnaire de réseau, en l’occurrence ENEDIS, anciennement ERDF, filiale d’EDF. L’opérateur historique n’est donc plus le seul fournisseur d’électricité sur le marché. A Mâcon, le particulier a le choix entre douze fournisseurs différents et le professionnel entre quinze !, illustre Jérôme Tardivat de l’Espace Info Energie. Parmi cette nouvelle offre, il existe des fournisseurs d’électricité "verte", provenant exclusivement de sources d’énergie renouvelable. « Le surcoût des offres vertes par rapport aux offres standards permet de contribuer au développement de la production d’électricité d’origine renouvelable », explique Jérôme Tardivat.