Loi Evin
Fin de l'auto-censure ?

Publié par Cédric Michelin
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Lors de l’examen en deuxième lecture du projet de loi Macron, le 11 juin, les députés ne sont pas revenus sur l’amendement introduit en mai par Gérard César au Sénat, amendement qui proposait de modifier la loi Evin pour mieux distinguer publicité et information sur l’alcool.
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La présidente du groupe viticulture à l’Assemblée nationale, la députée socialiste de Charente-Maritime Catherine Quéré, avait appelé quelques jours plus tôt à voter en faveur de cette « clarification responsable de la loi Evin » qui « garantit un cadre clair pour la survie de notre viticulture », face à « l’insécurité juridique dans laquelle la filière est plongée ». Suite à la requalification d’articles en tant que publicité pour l’alcool, plusieurs journaux – Paris Match, le Parisien, Les Echos - avaient été condamnés en 2007 et 2013. Le Gouvernement s’était en revanche prononcé contre cette modification de la loi Evin, la ministre de la Santé Marisol Touraine, soutenue par Stéphane Le Foll, ayant appelé les députés à « ne pas changer la loi ». L’association Vin & Société a salué en ce vote « un juste retour à l’esprit initial de la loi Evin : encadrer la publicité mais ne pas interdire toute forme de communication sur le vin », ajoutant qu’il ne s’agit pas d’assouplir la loi Evin « mais au contraire d’en favoriser l’application dans un contexte règlementaire clair, stable ». Interrogée par Le Monde le 11 juin, la ministre de la Santé a déploré « un coup dur porté à la santé publique » et regretté que « la loi Macron serve à détricoter la loi Evin ».

Cafouillis gouvernemental



A l’occasion de l’inauguration du salon Vinexpo à Bordeaux, le 14 juin, le président de la République a affirmé qu’il pouvait être question de « clarifier » la loi Evin, actuellement en débat, mais qu’il entendait la préserver d’abord. « Ma position est simple, déclarait François Hollande : nous devons garder les équilibres de la loi Evin, préserver ce qu'elle prévoit aujourd'hui, et s'il y a des précisions, il faut les engager avec de grandes précautions: clarification oui, préservation de la loi Evin oui aussi, oui d'abord ! ». Dans la même journée, la ministre de la santé Marisol Touraine revenait à la charge et prévenait qu’elle allait faire tout ce qu’elle pouvait pour revenir au texte initial de la loi, autrement dit obtenir la suppression de l’amendement voté par les députés visant à assouplir son application.

Quelques heures après l'inauguration du salon, le président de la filière viticole, Jérôme Despey, a donc appelé les parlementaires et le gouvernement à clarifier « une fois pour toutes » la loi Évin, dont l'interprétation s'est durcie selon lui au fil des ans. Ce mardi 16 juin, l'Assemblée nationale, en séance plénière, se prononcera sur cette "clarification". « Nous souhaitons qu'enfin soit éclaircie la différence entre la publicité et la communication institutionnelle, et il ne faut plus qu'on reparte dans des discussions interminables », a souligné Jérôme Despey, qui s'est exprimé en tant que président du conseil spécialisé viticole de FranceAgriMer et président de la commission viticole de la FNSEA. Le gouvernement « doit prendre ses responsabilités et envoyer un signal positif », en termes d'emploi et de notoriété internationale de la filière française, a-t-il ajouté pour clore le débat.

Rebondissement jusqu'au 49-3



Mais il n'en n'était rien. Le gouvernement a finalement déposé mardi un amendement relatif à la « clarification » de la loi Evin qui devrait être intégré à la loi Macron en cours d’adoption en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Le texte vise à protéger le contenu des publicités pour les boissons alcoolisées « disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine, ou protégée ». Les messages pour ces produits ne seront pas considérés comme de la publicité ou de la propagande dès lors qu’ils sont relatifs « à une région de production, à une toponymie, à une référence ou à une indication géographique, à un terroir, à un itinéraire, à une zone de production, au savoir-faire, à l’histoire ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés ». La loi exonèrerait ainsi en particulier les communications en faveur de l’œnotourisme.

L’amendement n°1195 remplacera ainsi au sein de la loi Macron celui adopté par les sénateurs en mai dernier et qui bénéficiait du soutien du monde viticole. Le gouvernement ayant engagé sa responsabilité (article 49-3) sur le projet de loi et à moins d’un très improbable vote de censure, c’est donc cette formulation qui devrait être retenue dans la loi. Le président de la République a émis le souhait que la loi entre en vigueur avant le 14 juillet prochain.


La presse quotidienne nationale (SPQN) soutient le premier amendement





Le Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) soutient l'amendement des parlementaires (article 62 ter du projet de loi Macron), qui distingue l'information et la publicité sur l’alcool, a-t-il indiqué le 15 juin. Cela à la veille d'un débat à l'Assemblée en séance plénière sur les clarifications à apporter à la loi Évin. « Aujourd’hui, un contenu journalistique, dès qu’il porte sur des questions liées à l‘alcool, est assimilé à de la publicité, a fortiori illégale puisque seule la présentation des caractéristiques techniques d’une boisson alcoolique (degré alcoolique, origine, dénomination…) est autorisée », souligne le syndicat.