Ventes des Hospices de Beaune
Le feu couve aux Hospices

Publié par Cédric Michelin
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Charité bien ordonnée commence par soi-même dit l'adage. C'est ce qu'a reproché le président de l'Interprofession des vins de Bourgogne, Claude Chevalier à l'attention de Christie's. Si depuis 2005, la célèbre société a modernisé la traditionnelle vente aux enchère des vins des Hospices de Beaune, les prix ne reflètent plus les cours à venir mais une tendance générale. Les négociants de Bourgogne avaient eu beau annoncer vouloir une stabilité des enchères, surtout en rouge, les prix sont encore à la hausse, malgré des volumes disponibles supérieurs à l'an passé.
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L'ancien président du BIVB, Pierre-Henri Gagey ne voulait pas que les vins de Bourgogne tombe dans le et la luxure. Vendredi, lors de la 142e Fête des Grands vins de Bourgogne, organisé par la CAVB, dont il fut président, c’est une véritable "bombe" médiatique qu'il a allumé avant la vente de charité du weekend. Claude Chevalier, actuel président des Vins de Bourgogne, interrogé par creusot-infos n'a pas pris de gants et a attaqué les pratiques de Christie’s. Il s’insurge ouvertement conte la flambée des prix à la vente des Hospices de Beaune, orchestrée - selon lui - par Christie’s. « Je sais que je ne vais pas me faire que des amis, mais ce n'est pas grave, j'assume... » . Une vraie déclaration de guerre même qui se soldera par des discussions houleuses avec la direction des Hospices quelques heures plus tard.

La luxure de Christie's



Il faut se souvenir qu’Alain Suguenot, le Député-Maire de Beaune, quand il avait confié les clefs de la vente à la maison Christie’s, voulait donner un coup de fouet à sa ville via la vente de charité, dont il était établi qu’elle donnait la tendance des cours pour l’année à venir. Une vente qui s’effectuait d’abord sur le critère de la qualité, même si certains suspectaient des négociants de pactiser pour éviter que les prix ne s’envolent. Mais, depuis que la célèbre maison organisant des ventes aux enchères a pris le contrôle de la vente des vins des Hospices de Beaune, les prix des pièces de vins mises aux enchères ont flambé avec l’ouverture sur le monde, et sur de riches investisseurs, que la maison Christie’s a en portefeuille clients. Les négociants ont alors perdu la main. De 2009 à 2013 le prix moyen d’une pièce a plus que doublé, en passant de 6.189 euros à 12.868 euros l’année dernière : +100% en quatre ans. « Trop c’est trop » alertait Claude Chevalier. « Dimanche on attend de la stabilité au niveau des cours, si on ne veut pas affoler les marchés », a-t-il déclaré, allant dans le même sens que l'Union des Maisons des vins de Bourgogne (ex-FNEB). « Le problème, c’est que les acheteurs privés font grimper les enchères à des niveaux qui ne se justifient pas », selon lui. Et Claude Chevalier de refaire l'histoire : « Moi je ne suis pas d’accord que l’on ai changé les choses. C’était aussi bien avant, car au moins les cours reflétaient le marché et étaient en adéquation avec la qualité des millésimes ». Un pavé dans la marre qui allait faire des remous tout le long du weekend.

Vers un boycott des négociants ?



« Même nos clients traditionnels ne comprennent pas la flambée des prix. On est rentré dans l’irrationnel. Ce n’est plus possible de continuer sur cette voie », lâche un négociant, acheteur de longue date qui pèse lourd sur la place de Beaune. Certains acheteurs menaçant même d’appeler un jour à un boycott de la vente... Pour Claude Chevalier, « il faut agir si on ne veut pas que la vente perde de son sens originel. Il faut repenser les choses ou alors la vente telle qu’elle a perduré depuis près d’un siècle et demi est appelée à mourir » et d'avancer un compromis : « Il faudra sans doute arriver à deux ventes. Une privée ouverte au monde entier et à toutes les enchères même les plus folles. Et une vente publique dans le respect des traditions ». « Si ça continue, dans moins de dix ans, la vente n’existera plus. Entendez qu’elle sera seulement virtuelle. Les vins s’achèteront par téléphone ou par internet, depuis Singapour, les Etats-Unis, le Japon, ou les pays du Golfe. Il sera alors trop tard », glisse un spécialiste des vins de Bourgogne.

De l'eau dans le gaz ou dans le vin ?



Anthony Hanson, consultant chez Christie’s a répondu à la polémique dimanche matin devant les journalistes venus du monde entier en tentant de calmer la polémique et en mettant de l’eau… dans sa vente des vins. « Il s’agit d’une pièce de charité, on ne l’achète pas pour faire du commerce mais pour d’autres motivations », a indiqué l’expert en soulignant : « Dans le temps, la vente des vins était un thermomètre mais le thermomètre est cassé, là, il s’agit plus d’un baromètre ». Histoire de dire que cette partie de la vente était très spécifique. Reste que médiatiquement, le public ne retient pourtant que celle ci et, par voie de conséquence laisse toujours l’idée de vins de Bourgogne « chers ».
Claude Chevalier, président du BIVB est revenu à la charge en rappelant qu’il représentait les viticulteurs mais que l’affaire concernait surtout le monde du négoce « qui achètent les pièces ». Il laissait alors entendre qu’il avait « d’autres choses à dire »… avant d’être habilement suppléé à la tribune par le représentant, justement, du monde du négoce, Louis-Fabrice Latour. Le président-délégué du BIVB se montrait plus diplomate et rappelait qu’historiquement, l’opération était avant tout « un mariage à trois » entre Christie’s, la ville de Beaune et le BIVB. Un « mariage » dans lequel il reconnaît « quelques tensions ». « Mais nous, les négociants, c’est nous les acheteurs, il faut juste que nous arrivions à un bon compromis ». La vente 2015 s'annonce d'ores-et-déjà comme un cru prometteur...



Des hausses partout



Ces déclarations n'ont pas empêché la tenue de la 154e vente de charité, avec en tête d’affiche Adriana Karembeu, Michel Drucker, Tina Kieffer, Teddy Riner… Alors que les négociants annonçaient une stabilité, voire des baisses des enchères, il n'en fut rien. Les 417 pièces de vins rouges et les 117 pièces de blancs totalisent 7.856.475 euros (frais inclus)*. La Pièce des Présidents a été adjugée à 220.000 euros, à la maison Albert Bichot.


Au final, le prix moyen pour une pièce grimpe à 13.750 euros, soit +5.66% (13.013 euros en 2013). La hausse est même sensible pour les vins blancs, de +14.57% (comparé à 2013) et sensible pour les vins rouges : +3.37%. Le montant total des enchères s'élève à 8.082.525 euros (frais inclus). Antoine Jacquet, Directeur des Hospices de Beaune déclarait à l'issue de la vente : « Nous sommes très heureux du résultat record obtenu pour la troisième année consécutive. Les négociants (62% en valeur) étaient encore une fois présents au téléphone, sur le net et dans la salle pour soutenir les enchères des 534 pièces proposées, aux côtés des collectionneurs privés (38% en valeur). Ce montant historique permettra à l’hôpital d’assurer le financement des importants travaux de modernisation qu’il a engagés cette année ». A noter également, le record absolu pour une pièce vendue à la vente des Hospices de Beaune avec le Clos de la Roche cuvée Cyrot-Chaudron vendue 74.900 euros.


Pour l'heure, la campagne vrac sur le terrain n'a pas vraiment commencé pour l'heure mais s'annonce sous ces bons Hospices... * total comprenant les frais, la Pièce des Présidents et les alcools