Jérémy Decerle, président des JA
Hisser le réseau en compétences

Nouveau président national des Jeunes agriculteurs, élu lors du congrès annuel à Mâcon début juin, Jérémy Decerle a présenté les priorités de sa mandature pour les deux ans à venir. Et cela dans un contexte difficile pour l’ensemble de l’agriculture française. Installation et structuration des filières restent les principaux combats des JA. Interview.
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Quelle est la priorité du nouveau conseil d’administration JA ?
Jérémy Decerle : le renouvellement des générations en agriculture reste et restera bien évidemment notre priorité, et cela comme à chaque mandat. Si nous voulons inverser cette tendance démographique dramatique, nous avons besoin d’agriculteurs dans nos campagnes. Et la seule véritable richesse de notre profession, ce sont les hommes et les femmes qui la composent. Sinon, sans renouvellement, c’est un métier qui se meurt.
D’autant que les perspectives et les opportunités existent, il suffit de savoir les saisir, en mettant en place les politiques pertinentes. C’est peut-être un vœu pieux, mais nous nous y croyons aux JA et nous entendons garder à ce titre notre utopie légendaire. Tout simplement parce que les utopies d’aujourd’hui seront les réalités de demain !
Dans ce contexte on ne peut plus morose, nous avons la volonté d’amener un minimum d’optimisme, même si ce sera difficile. Il faudra être solide et plus que convaincu pour rester convaincant aussi.

Quels seront les autres axes d’actions ?
J. D. : il y a nombre de sujets urgents à traiter, comme le dispositif des prêts bonifiés ou la transmission, sur laquelle nous avons la volonté de travailler de façon plus énergique, plus volontaire et plus dynamique, avec l’idée de construire un accompagnement type pour les futurs cédants. Beaucoup de choses existent, mais il faut les mettre davantage en cohérence, prévoir des incitations pour que les cédants transmettent plus facilement.
Nous entendons aussi, dans la lignée du rapport d’orientation voté à Mâcon en juin dernier, continuer le travail sur la structuration des filières. Par exemple, en se réappropriant le monde coopératif, en s’y investissant davantage. En lien avec ce sujet, nous voulons travailler sur trois axes :
- la contractualisation, car tout le monde en parle mais peu de choses existent ;
- la massification de l’offre à travers une meilleure organisation, pour être meilleurs dans les négociations ;
- et la recherche de valeur ajoutée, par la promotion du "Manger français" et l’étiquetage.
Tous ces éléments doivent être travaillés ensemble.
Et il faut aussi que l’on discute de la demande en face, de l’adéquation de notre offre, à la fois sur le marché intérieur, mais aussi sur le marché international.
Parallèlement enfin, nous insistons sur la formation pour être à même de faire face aux interlocuteurs qui se trouvent devant nous. Il faut accompagner le réseau, le faire monter en compétences aux niveaux local et national, c’est un de nos fondamentaux qui a été un peu mis de côté ces dernières années. On ne peut en effet pas aller manifester partout sans un minimum de connaissances. Nous avons des propositions à faire, plus conséquentes, plus courageuses, plus visionnaires.

Qu’attendez-vous des politiques en cette année d’élections présidentielles ?
J. D. : je suis assez dubitatif sur le courage des politiques… Nous sommes un peu déçus de leur comportement en général.
Certes, nous travaillerons à leur refaire passer nos messages, mais ce que nous entendons surtout leur dire, c’est « ayez un peu de décence vis-à-vis du monde agricole ! ».
Comment se fait-il aujourd’hui que, dans une profession plus qu’en crise que jamais, on arrive encore à mettre des bâtons dans les roues des paysans ? Par exemple, il y a un an, le Gouvernement décidait de mettre en place un comité pour simplifier les normes mais, parallèlement, la loi Biodiversité - qui vient tout juste d’être votée - rajoute une nouvelle couches de contraintes…
Au lieu d’entendre les candidats dire qu’ils nous comprennent, nous attendons bien davantage qu’ils reprennent nos propositions, les travaillent et les mettent en application. Nous entendons être porteurs d’espoir et d’optimisme, mais ça ne viendra pas du monde politique. Il nous faudra aussi secouer le monde économique.

C’est-à-dire ?

J. D. : depuis le 3 septembre 2015, tout un tas d’annonces ont été faites pour compléter les mesures d’urgence. Le plan était difficilement applicable et tout le monde n’a pas encore touché toutes les aides qu’il devait toucher… L’Etat y a mis du sien et si, structurellement, tout n’a pas été fait, le monde économique a sa part de responsabilité. On ne en effet peut pas dire qu’il soit particulièrement force de propositions… C’est pour cela qu’il faut en face d’eux des gens organisés, notamment à travers le monde coopératif. Nous avons en effet besoin de la coopération pour aller "serrer la gueule" à ceux qui font la pluie et le beau temps dans la commercialisation de nos produits. Pour le moment, ils ont tout le loisir de faire ce qu’ils veulent.

Avez-vous des inquiétudes pour la rentrée ?
J. D. : les récoltes sont délicates, les rendements ne sont pas bons, la qualité n’est pas exceptionnelle… Le climat est partout tendu, il va falloir prendre une position courageuse. Pour l’instant, nous sommes en train de voir ce qui se passe pour décider de ce qu’il faut faire. Voir, juger, agir, c’est un ancien slogan des JA. Il est toujours d’actualité.

Puisque l’on parle de syndicalisme, qu’est-ce qui a personnellement motivé votre engagement aux JA ?
J. D. : j’ai toujours pensé que l’engagement était indispensable au maintien d’une profession.
Les JA, c’est une école de formation. C’est grâce au syndicalisme que bon nombre de jeunes sont accompagnés financièrement et humainement au moment où ils entrent dans le métier.
Les JA, c’est le combat d’une génération pour la suivante, avec la possibilité de participer à des évènements conviviaux, enrichissants, qui permettent de sortir la tête du guidon. C’est gratifiant de s’engager pour aider ses collègues, mais aussi de travailler pour ceux qui sont derrière nous.





« Bien évidemment, je garde un œil attentif sur l'actualité concernant notre région, notamment tant en ce qui concerne l’évolution de la filière bovine que l’évolution du dossier de l’avenir des zones défavorisées... », note Jérémy Decerle, interrogé sur l’agriculture de Saône-et-Loire.