Marchés des céréales
Remous russo-ukrainiens

Publié par Cédric Michelin
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Le conflit entre l’Ukraine et la Russie ne sera pas sans conséquence sur les marchés céréaliers. Outre son impact sur la production, il pourrait entraver les exportations du pays, les régions séparatistes contrôlant la façade maritime sur la mer Noire.
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Depuis le début de l’année, la conjoncture céréalière est dominée par deux facteurs majeurs. Le premier, un « Weather Market » qui a entretenu, non sans raison, une tendance haussière fondée sur le risque de récoltes (de blé essentiellement) pénalisées par les conditions climatiques défavorables dans certains grands pays producteurs/exportateurs, dont en premier lieu, les Etats-Unis. Le second, c’est la situation politique en Ukraine, sur fond d’intervention militaire potentielle russe qui a trouvé sa première concrétisation avec l’annexion de la Crimée. Les bruits de bottes ont immédiatement provoqué une hausse brutale des prix s’ajoutant à celle consécutive à la crainte de baisse de récolte mondiale. Depuis, cette flambée des prix s’est considérablement atténuée avec des perspectives de récolte et, surtout, de stocks mondiaux abondants tandis que des livraisons de céréales ukrainiennes aux acheteurs internationaux, dont l’Union européenne se poursuivaient de manière rassurante. Mais, selon le compte-rendu de la conférence « Black Sea Grain » des 9 et 10 avril, présenté au dernier Conseil spécialisé céréales de FranceAgriMer « les événements qui malmènent l’Est de l’Ukraine incitent les opérateurs à faire preuve d’une grande prudence vis-à-vis du marché ukrainien ». Une prudence qui se justifie par l’importance du développement de la production et des exportations céréalières au cours de ces dernières années dans ce pays.

La menace des « séparatistes »




La production de blé ukrainienne a évolué en dents de scie, partant de 30 Mt au début des années 1990 à 20,5 Mt en 2012 après avoir touché le fond en 2003, avec moins de 5 Mt. La production d’orge a évolué de façon tout aussi erratique, atteignant son apogée en 1994, avec près de 15 Mt pour se situer actuellement à 7 Mt. En revanche, la production de maïs a augmenté de façon exponentielle depuis le début des années 2000, passant de 3 à 30 Mt. La même constatation vaut pour le tournesol, passé de 2 à 12 Mt en 10 ans. La part des régions séparatistes représente, selon la dernière moyenne quinquennale (1) 5,3 Mt dont 2,7 Mt de blé, 1 Mt d’orge, 0,5 Mt de maïs et 1,1 Mt de tournesol. La production totale de l’Ukraine durant cette période a été de 49,6 Mt, dont 18,9 Mt de blé et 14,7 Mt de maïs. Vu sous l’angle de la production, les conséquences possibles de la crise seraient considérables, mais elles le seraient plus encore, en matière d’exportations.


Troisième exportateur mondial de céréales



L’Ukraine était devenue en 2013, avant l’annexion de la Crimée par la Russie, le 3ème exportateur mondial de céréales avec 30,3 Mt, dont près de 20 Mt de maïs, derrière les Etats-Unis 72,3 Mt et l’Union Européenne, 38,4 Mt. A titre indicatif, la Russie ne venait qu’en 7ème position, avec 23 Mt. 90 % des grains sont exportés à travers les terminaux portuaires d’une capacité de l’ordre de 55 Mt, dont 41 Mt dans la région d’Odessa et de Nikolaïev. Or, l’annexion de la Crimée par la Russie prive déjà l’Ukraine de capacité de stockage et de manipulations portuaires de 1,9 Mt. Cette capacité est d’ailleurs, actuellement quasi inexploitable car coupée de l’essentiel de son hinterland, le port céréalier de Sébastopol étant particulièrement pénalisé. La conférence du Black Sea Grain considère que le conflit russo-ukrainien et une extension de la sécession priveraient l’Ukraine d’une grande partie de sa façade maritime et notamment de nouvelles installations portuaires telles que celles Marioupol, de Kherson, de Nikolaïev, voire d’Odessa. Dans le pire des cas, l’Ukraine pourrait perdre tous ses ports de la mer Noire, ne disposant plus comme seul débouché maritime, que de trois ports fluviaux. Ce qui réduirait considérablement ses capacités exportatrices et en augmenterait tout aussi considérablement leurs prix.
Les opérateurs ont quelques raisons de s’interroger et, surtout, les céréaliers ukrainiens de s’inquiéter alors que déjà la situation économique du pays et la chute libre de sa monnaie leur posent de graves problèmes de financement de leurs cultures, d’achats d’intrants et de semences en particulier. La production de maïs ukrainien (notre principal concurrent sur le marché de l’Union Européenne) pourrait, selon l’USDA, baisser de 5 Mt par rapport à 2013.