Lutte contre la flavescence dorée
Démobilisation en vue ?

Publié par Cédric Michelin
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Les techniciens (Fredon, Sral, chambres, Sedarb), les élus, les viticulteurs victimes ont beau tous répéter que la lutte contre la flavescence dorée n’est pas gagnée loin de là, sur le terrain, la démobilisation semble gagner du terrain... Le 21 mai à Mercurey et le 26 à Lugny, à chaque fois, seule une petite trentaine de viticulteurs assistait aux explications pratiques de la lutte obligatoire 2014. Alors, risque de relâchement en vue ?
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« On a des problèmes pour motiver les gars sur le terrain. Suite au jugement Giboulot, qui fait un peu jurisprudence, pour 500 €, certains disent que ça ne vaut pas le coût de traiter », lance tristement un viticulteur à Lugny. Même dépit à Mercurey où les viticulteurs sentent de la part de certains de leurs confrères une certaine démobilisation hâtive.
« Partout en France, il se passe toujours la même chose. Tout le monde prospecte, traite et après se calme trop vite. Il faut rester vigilant car si on oublie les quatre piliers de la lutte, ça revient. Même si la maladie est moins visible, il faut vraiment aller chercher tous les pieds qui ont les symptômes, les marquer et les arracher », répète inlassablement Charles Chambin, de la Fredon Bourgogne.
Suite à la première campagne de lutte en 2013, la volonté de la profession en Bourgogne était claire et unanime : aménager la lutte pour permettre, dès cette seconde année, une diminution de l’utilisation des insecticides. L’exceptionnelle mobilisation des professionnels, durant la phase de prospection du vignoble en 2013, a conduit à une meilleure connaissance de la situation en Bourgogne. Ainsi, le risque de développement et de propagation de la maladie a été réévalué, secteur par secteur, permettant à la filière d’établir un dispositif de lutte et de prévention concerté et adapté à chaque situation.

Un plan de lutte concerté


Durant tout l’hiver, les professionnels ont participé à des réunions sur l’ensemble du vignoble bourguignon pour analyser les résultats de la campagne 2013 et mener une réflexion sur la stratégie à conduire en 2014. Toutes les sensibilités ont pris part au débat et ont été consultées à la construction du plan de lutte et de prévention 2014 pour chaque département.
Pour cela, tous les paramètres ont été pris en compte pour chaque secteur : présence ou non de la maladie, foyers ou pieds isolés, niveaux de population de cicadelles de la flavescence dorée, application ou non de traitement lors des dernières campagnes, discontinuité du vignoble, dispositions du nouvel arrêté ministériel...
Ce qui ne veut pas dire que la lutte est allégée pour autant. Elle repose plus sur la prospection que sur les insecticides. « A Mercurey, on a trouvé des parcelles avec des pieds isolés de flavescence dorée et d’autres parcelles avec une cinquantaine ! S’il n’y avait pas eu le traitement l’an passé sur Mercurey, on aurait eu un gros foyer certainement cette année, explosif voire dispersé, et nous serions dans une situation critique », ne rassure pas Charles Chambin.

Des comptages sur un créneau serré


Les pièges seront dorénavant posés et suivis uniquement par les techniciens. Les viticulteurs n’auront plus à s’en soucier, car ils conditionnent le déclenchement ou non de traitements obligatoires. En raison du cycle de développement de la cicadelle, les techniciens ont de très courtes fenêtres de temps pour relever les pièges, compter et retourner les décisions aux viticulteurs.
« C’est possible qu’on ait trois traitements en conventionnel et deux en bio et inversement », préviennent les techniciens Fredon, en fonction des comptages, soit des larves, soit des adultes de cicadelles. Différents messages préviendront donc les viticulteurs des dates des comptages, leur permettant de se préparer au mieux pour faire le traitement potentiel dans la semaine suivante. Les premiers comptages auront lieu la semaine de la Pentecôte, l’ordre de traitement ou non sera diffusé dans la foulée. La Fredon en profitait pour rappeler des règles de bon sens à observer si possible : « quand vous sortez d’un secteur contaminé, par précaution, nettoyez vos matériels avant de recommencer à travailler une autre parcelle sinon il y a un risque de transport de cicadelles sur les matériels », insistent les techniciens qui constatent souvent des pieds contaminés en début de rang sur plusieurs parcelles d’une même exploitation. Car, comme le soulignait plus ou moins naïvement un viticulteur de Mercurey ayant des vignes à Bouzeron, « on est étonné de ne pas avoir à traiter dans cette commune alors qu’on fait des aller-retour entre des zones à trois et zéro traitements »...

Un zonage précis


Les stratégies de lutte ont été adaptées au plus juste, non pas par département, mais par commune. « Honnêtement, après un an de lutte, “le 2 moins 1 traitement” n’a jamais été testé aussi vite en France. Mais cela donne la possibilité de ne pas le faire obligatoirement et c’est un bon compromis ».
- Saône‐et‐Loire : la partie centrale du département n’est plus soumise à aucun traitement, contre trois obligatoires sur l’ensemble du département en 2013. Le sud de la Côte chalonnaise et du Mâconnais, en raison des risques, devront effectuer deux traitements.
Une zone restreinte du département tentera le traitement “2 ‐1”, à titre expérimental.
Mêmes les zones où des contaminations plus importantes ont été découvertes ces dernières années (secteurs de Mercurey et nord Mâconnais) bénéficient d’un aménagement de la lutte.
Après les deux premiers traitements, si les populations de cicadelles vectrices ont suffisamment diminué, le troisième traitement ne sera pas appliqué (stratégie “3 ‐1 traitements”).
- Côte‐d’Or : la majorité du département n’est plus soumise à aucun traitement insecticide. Seules 13 communes du sud du département, au sein desquelles ou proches desquelles des pieds isolés de flavescence dorée ont été trouvés, sont concernées par une stratégie du “2 ‐1 traitement(s)”.
- L’Yonne n’est soumise à aucun traitement insecticide obligatoire.

Un calendrier précis


Les observations réalisées au vignoble sur le développement de la cicadelle de la flavescence dorée ont déjà conduit les services de l’Etat à lancer le premier traitement. Il a été effectué entre le 22 et le 28 mai en Côte‐d’Or et en Saône‐et‐Loire, dans les secteurs concernés. L’ensemble des mairies proches a été informé par le biais d’un bulletin d’information. Cette concentration dans le temps vise à une plus grande efficacité. Pour que le traitement soit optimal, il doit être appliqué 25 à 30 jours après les éclosions des œufs de cicadelles. Celles‐ci ont eu lieu aux mêmes dates dans les différents secteurs. D’où ce positionnement sur une période similaire et restreinte.

La Bourgogne reste unie et mobilisée


Un tel aménagement, après seulement une ou deux années de lutte, est donc bien inédit. Mais ce dispositif repose sur l’engagement de tous. La limitation des traitements s’accompagne et repose sur une prospection extrêmement rigoureuse et exhaustive du vignoble. L’application d’insecticides n’est que l’un des quatre piliers de la lutte contre la flavescence dorée. Les trois autres sont au moins aussi importants : surveillance du vignoble, arrachage des pieds atteints de jaunisse et l’emploi de plants obligatoirement traités à l’eau chaude pour toute plantation.

Schéma de prospection à caler


« Avec la précocité de la saison, nous réfléchissons encore au schéma pour la prospection 2014 », indique Anaïs Chemarin, de la Fredon Bourgogne. Et la prospection n’est pas un exercice aisé, même pour les techniciens parfaitement formés à reconnaître les symptômes précis de jaunisses. « Pas mal de secteurs seront prospectés après vendanges cette année et il faudra le faire assez rapidement car il faut garder en tête que derrière, on doit prélever après pour faire les analyses », termine la Fredon Bourgogne. La lutte continue encore donc…



Qu’est-ce que la stratégie du “2 ‐1” ou “3 ‐1 traitements” ?




Dans le souci de limiter les traitements, quand deux sont envisagés, le second peut être optionnel. Il dépendra de l’efficacité du premier traitement. Celle‐ci sera vérifiée sur le terrain par les techniciens, selon des critères objectifs de population de cicadelles. Si elle est jugée suffisante, le second traitement obligatoire n’aura pas lieu. La même stratégie est à l’œuvre pour les zones soumises à “3 ‐1 traitement”.

Il n’existe actuellement aucun traitement contre la maladie en elle‐même, une fois la vigne plantée. Que ce soit en viticulture conventionnelle ou biologique, la volonté professionnelle est de sortir le plus rapidement possible des traitements insecticides et de recourir à des méthodes non chimiques, si elles prouvent leur efficacité. Un groupe national a été créé, via FranceAgriMer, sous l’impulsion de la Bourgogne. L’un des axes des travaux qui vont être menés est la recherche de méthodes et produits alternatifs à la lutte chimique (un second axe porte sur l’étude du cycle de développement de l’insecte pour trouver le meilleur positionnement des traitements).

Pour consulter les arrêtés préfectoraux, les cartes des zones de traitements insecticides et les dates d’application, ainsi que toutes les informations relatives à la flavescence dorée en Bourgogne : www.stop‐flavescencebourgogne.fr