Accord de libre-échange transatlantique
Pas en 2016…

Certains se réjouiront d’avoir éloigné quelque peu le danger : il n’y aura pas d’accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’union européenne en 2016, pour cause d’élections présidentielles américaines. Mais après ? Le danger est le même, fut-il repoussé. Pire, l’appétit des Américains n’en sera qu’accru…
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Il porte un nom à coucher dehors TTIP - pour "Transatlantic Trade and Investment Partnership" - et pourrait bien, à terme, bouleverser totalement l'ensemble des règles commerciales entre l'Europe et les Etats-Unis. L'accord de libre-échange transatlantique entamera sa 12e table ronde le 22 février à Bruxelles mais, selon des sources proches de la Commission européenne - qui cherche à enrayer la vague d’inquiétudes et de rejet dans l’opinion publique européenne -, les deux partenaires ne prévoient pas de conclure d’ici à la fin de l’année comme certains pouvaient le croire ou le redouter. Et pour cause, en premier lieu, d’élections présidentielles américaines en novembre de cette année…

Dogmatisme et absence de discernement


On peut toutefois penser qu’un accord devrait être signé avant le 31 octobre 2019, fin du mandat de la Commission actuelle. Elle mettra en effet le paquet pour conclure ce dossier qu’elle a elle-même engagé et qui s’inscrit dans son dogme ultralibéral d’ouverture des marchés. Son absence de discernement ne l’interpelle pourtant pas, alors même que les Américains ont sorti une étude prouvant qui seraient gagnants, largement gagnants de cette nouvelle ouverture…
Reste que, in fine, ce seront les pays de l’UE et les députés européens qui décideront ou non d’approuver l’accord…
Négociées dans le plus grand secret, les tractations ont commencé à l'été 2013 avec la Commission européenne aux manettes pour représenter le Vieux continent. L’objectif serait de créer un marché commun de 820 millions de consommateurs, en allégeant les tarifs de douane et les réglementations de part et d'autre de l'Atlantique. Avec, à la clé selon les experts, plus de 100 milliards d’€ de flux commerciaux nouveaux par an de part et d’autre, selon Bruxelles, ainsi que 2 millions d’emplois potentiels : le chiffre de 120.000 a même été cité pour la France… Cet accord prévoit aussi la mise en place d'un mécanisme de règlements des différends entre entreprises et Etats. Sur des sujets comme les hormones ou les OGM, l’Union européenne et les Etats-Unis ont en effet adopté des options radicalement opposées, et ce mécanisme déshabillera un peu plus encore les élus de leurs prérogatives en les attribuant à une instance administrative.
A la Commission européenne, on cherche à apaiser. De notre côté, ne soyons pas dupes : une fois les élections présidentielles américaines passées, Bruxelles et Washington auront les coudées franches pour faire aboutir, contre l’avis de l’opinion publique - une fois encore, serait-on tenté d’ajouter - un accord qui portera un rude coup à l’agriculture et à l’agroalimentaire européennes, et tout particulièrement françaises…


Importations agricoles et alimentaires
70 % à droit nul


En valeur, quelque 71 % des produits agricoles et alimentaires importés par l’Union européenne en 2014 bénéficiaient d’un droit de douane nul. 20 % seulement acquittaient le tarif plein…
En 2014, environ 71 % des produits agricoles et alimentaires importés dans l’UE, soit une valeur de 72 milliards € (Mrd€), sont entrés sur le marché à droit zéro, selon les services de la Commission européenne. 43 %, soit quelque 44 Mrd€, bénéficiaient de ce tarif nul au titre de la clause de la nation la plus favorisée (MFN) de l’Organisation mondiale du commerce, en vertu de laquelle toute concession spéciale octroyée à un membre de l’OMC doit être étendue à tous les autres. 38 % des importations totales (40 Mrd €) étaient soumis à un traitement préférentiel - exemption de droit ou tarif réduit.
Seuls 20 % des produits agricoles et alimentaires importés dans l’UE sont entrés sur le marché à droit plein en 2014, sans aucune forme de préférence.

La viande importée favorisée


Les fruits, les légumes, les noix et leurs préparations sont les produits qui ont le plus bénéficié d’un accès préférentiel au marché, selon la Commission. Les préparations alimentaires sont le second secteur à avoir le plus disposé de réductions tarifaires bilatérales, tandis que les huiles végétales (en particulier l’huile de palme) et les produits non comestibles (tabac brut et fleurs coupées) étaient les autres produits profitant le plus du système des préférences généralisées appliqué par l’UE (facilité octroyée aux pays en développement).
Enfin, en valeur, les contingents tarifaires ont facilité l’accès au marché communautaire principalement pour la viande (bovine, de volaille et ovine) et les préparations de viande (volaille), les céréales (le blé aux deux tiers, le maïs pour un quart et le riz pour le reste), le vin et le miel.
Sans aucun commentaire quand on sait que Bruxelles entend aller plus loin encore en matière d’ouverture de ses frontières… On marche sur la tête depuis trop longtemps. Et les paysans paient les pots cassés et la politique ultralibérale de Bruxelles…







Bien en mesurer les conséquences !


Le 4 février, les sénateurs ont adopté la « proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire » présentée par Michel Billout, sénateur du groupe "Communiste, républicain et citoyen". Sa proposition insiste sur la nécessité de conclure un accord qui « préserve les modèles agricoles européens et français dans toute leur diversité d’activité ». Les sénateurs demandent « le maintien de normes de haute qualité » au niveau de la production et de la transformation, la préservation du « système européen de signes de qualité et du régime du certificat d’obtention végétale ». Par ailleurs les sénateurs souhaitent plus d’« ouverture et transparence » à l’égard des parlementaires européens et demandent que soit faite « une étude complète sur l’impact d’un accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne sur l’agriculture ».