Vinipôle Sud Bourgogne
De l’énergie à emmagasiner

Publié par Cédric Michelin
-
La phrase est connue mais pourtant elle mérite d’être répétée : « La première énergie économisée est celle qui n’est pas consommée », débutait Didier Sauvage, directeur du Vinipôle Sud Bourgogne. Le 2 avril à Davayé, le thème des conférences techniques était en effet "l’énergie : à consommer avec modération". L’occasion de faire un tour des "pistes à creuser" mais également des sources viticoles – ou non - pour "produire de l’énergie" sur une exploitation viticole.
130035--DSC_0063.JPG
Vastes sujets qu’a choisi le pôle de compétences pour la viticulture durable. Mais pour son président, Robert Martin, « la profession ressent les enjeux importants autour de l’énergie. S’il existe des moyens d’économiser avant de consommer, il faut le faire », encourage le vigneron de Davayé. Premier des intervenants à s’élancer dans la bataille, Jérémie Nobs, conseiller machinisme à la chambre d’Agriculture de Côte d’Or. Il a mesuré les consommations de carburant (GNR) d’enjambeurs lors de différentes opérations à la vigne. Car en Bourgogne, si le vignoble ne représente que 1,2 % des surfaces agricoles (SAU), elle consomme pourtant 11 % de l’énergie régionale du secteur agricole. « Elle est très énergivore », résumait-il en guise de premier constat.

Très variable



Sa collègue de l’Yonne, Laurence Lipp tire un constat proche. Pour elle néanmoins, la consommation d’énergie dans les chais bourguignons est « extrêmement variable d’un site à l’autre : de 5 à 350 kWh par hl vinifié ! ». Autant dire qu’il n’existe pas une solution unique mais bien un ensemble de pratiques possibles. C’est ce que détaillait Patrice Joseph, du Vinipôle, qui s’est penché sur les conduites de vinification les plus économes. « Les économies d’énergies obtenues les premières années peuvent être de 15 à 20 % et tendre à long terme vers un chai à bilan énergétique neutre » en compensant sa consommation par une « autoproduction d’énergie photovoltaïque », encourageait-il. La question mérite d’être posée pour les nouvelles constructions. De la Haute école de viticulture et d’œnologie de Changins (Suisse), Julien Ducruet précisait justement qu’il « n’est pas nécessaire de construire une nouvelle cave pour respecter et appliquer les principes d’éco-conception afin de réaliser des économies ». Les "anciens" ayant bien souvent appliqués les "sages" principes d’orientation des bâtiments ou encore l’utilisation des sources naturelles de production de chaleur, de froid et de lumière, le tout avec des matériaux locaux.

Difficile à évaluer



"Grand témoin" de la matinée, Joël Rochard expliquait que peu d’aides (FranceAgriMer) sont orientées en ce sens pour l’heure. « Mais, on peut imaginer que des aides incitatives viendront… avec une réglementation », comme c’est actuellement le cas pour les habitats des particuliers. Le chercheur au pôle développement durable de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) enchainait sur la question centrale que tout entrepreneur se pose : quel est le retour sur investissement pour économiser ou produire des énergies renouvelables ? « Difficile à évaluer financièrement sur les charges, puisqu’elles sont liés à leur coût en équivalent pétrole. Ce dernier connaît en ce moment des cours mondiaux très bas », répondait-il. Et donc, le retour sur investissement est donc aléatoire. Seul semble « fiable » pour l’heure, une contractualisation avec l’Etat, et les citoyens contribuables donc, sur le prix d’achat de l’énergie solaire ou éolien.

Freins organisationnels



Mais existe-t-il d’autres possibilités de produire de l’énergie spécifiquement en viticulture ? Oui avec les sarments de vignes. La chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire a mené une enquête sur cette "source mobilisable, mais à quelle condition ?" Pour Benjamin Alban, après avoir observé les quelques solutions en place sur le terrain, les freins sont de plusieurs ordres pour un réel développement. La nature fibreuse et l’humidité des sarments tout d’abord. Le coût des équipements ensuite : entre 10 et 20.000 € pour un broyeur ; entre 15 à 30.000 € pour une chaudière. Du coup, la mutualisation apparaît la voie à envisager. Mais là encore, pas pour tous : « les vrais freins sont organisationnels avec une surcharge de travail variable selon les exploitations ».

« Prudence »



Qu’en est-il alors de la méthanisation des marcs de raisin pour produire du gaz : énergie et chaleur donc ? La réglementation vient de changer et d’ouvrir la possibilité d’un tel projet. De l’IFV de Villefranche-sur-Saône, Sophie Penavayre reconnaît que les recherches sur le sujet « débutent » pour estimer le "potentiel méthane" des marcs de raisin. « Prudence » également sur « tout un tas de règles à respecter, notamment en matière de maîtrise des rejets », mettait-elle en garde les vignerons dans la salle, pourtant visiblement intéressés.
Pour l’Interprofession des vins de Bourgogne, Pascal Gaguin rappelait effectivement les efforts de la profession. 90 % des effluents viticoles sont aujourd’hui traités. « J’aurai aimé dire 100 % ». Il demandait alors un peu de compréhension : les vignerons devant « faire des investissements différents », les uns après les autres, mettant en balance court, moyen et long terme.

Stocker de l’énergie



Pour ne pas les décourager d’avance, Bertrand Aucordonnier les rassurait (un peu) en présentant l’organisation régionale – pilotée par l’Ademe Bourgogne – qui cherche avec le conseil Régional « à fédérer tous les acteurs » des territoires. Il faudra vraisemblablement actionner un « mix énergétique ». Pour intégrer ces énergies renouvelables, produites de façon « discontinues », « le grand chantier est le stockage de l’énergie » pour réduire la consommation des énergies actuelles (nucléaire, hydraulique, gaz).