4e Journées Pontus de Tyard
La biodiversité, auxiliaire de la vigne

Publié par Cédric Michelin
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Les 12 et 13 juin, les journées Pontus de Tyard, au château du même nom à Bissy-sur-Fley, se sont penchées sur les liens entre biodiversité, patrimoine et viticulture. Ces 4e Rencontres ont ainsi donné la parole à des experts reconnus et des initiatives locales.
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C’est ainsi que Roger Coussy, animateur de l’association "Paysage de Corton" en Côte d’Or, a témoigné de l’engagement des vignerons pour mettre en valeur « paysage et biodiversité ». « L’impulsion s’est faite de la base et n’a pas été imposée par l’Etat », insiste l’ancien Régisseur des Hospices de Beaune. L’œnologue en profitait pour saluer Denis Fetzmann, directeur à la retraite des Domaines Latour, qui en a été « l’initiateur » en 2009. Avec cette association et cette démarche, les vignerons « passent du terroir (550 ha) au territoire (1.000 ha) » et dépassent le simple cadre du "cahier des charges" de l’appellation d’origine pour se projeter « au delà » de la vigne et du vin pour ainsi « penser les relations et interactions avec le reste de son environnement ». Très vite, se rajoute, l’Interprofession (BIVB), les trois communes (Aloxe Corton, Ladoix-Serrigny et Pernand Vergeless), les quatre ODG (avec ODG Grands Crus) et les « traditionnels » partenaires (Etat, Région, Département, Communauté d’agglomération, Pays Beaunois). Sont mis dans la boucle, les "scientifiques" (chambre d’Agriculture, Université de Dijon, IFV, Comité de rivière…). « Si on n’a pas de sources scientifiques avec des faits étayés, on est vite pris de court », analyse-t-il. Mais ce sont toujours les 54 Domaines qui restent à la manœuvre. « C’était important de travailler avec tous pour déterminer les enjeux et faire ressortir ce qui intéressaient les vignerons », se souvient-il. Des thèmes comme l’érosion et l’enherbement sont retenus par exemple après un premier « diagnostic territorial » en 2010. Quatre ateliers sont créés à la suite mais il faut aussi structurer cette « opération pilote ». Une association née pour pouvoir « recevoir des fonds » (Pays Beaunois, Europe, BIVB, membres fondateurs…) et fonctionner.

Le bois de Corton en premier



En janvier 2011, la première action concrète voit alors le jour. A la suite d’un changement de propriétaire, la défense du bois de Corton s’organise pour garder ce réservoir de biodiversité qui joue aussi un « grand rôle contre l’érosion ». Un bordelais dans la salle objectera qu’il pouvait aussi s’agir « d’éviter l’arrivée de nouveaux volumes dévaluant l’appellation ». Qu’importe puisque le nouveau propriétaire a adhéré depuis à l’association et s’est engagé, en signant la motion, à préserver son bois avec un plan de gestion.
A l’automne 2012 et au printemps 2013, la deuxième action est plus « visible » puisqu’il s’agira de plantation de haies et d’arbres. 319 mètres linéaires au total constituant autant de nouveaux « habitats pour les animaux et les insectes ». Les essences sont variées : cornouiller sanguin, prunellier, églantier, alisier blanc, noisetier, bourdaine, charme, fusain d’Europe, Viorne lantana, troène naturel…et des arbres (116 au total) « plus pour le côté esthétique » : amandiers, pêchers, cerisiers, acacias, pommiers, prunus, figuiers, tilleuls, mirabelliers. « Même si certains ont été volés… plusieurs fois de suite », s’énervait-il.
A tout cela, se rajoute encore la biodiversité des couverts végétaux intra-parcellaires, des tournières, des murets de pierres sèches, des murgers, des fossés… « Heureusement les mentalités ont changé. Dans les années 80, quand on voyait un poil d’herbe, c’était considéré par les vignerons comme un échec ». Ce n’est plus (trop) le cas aujourd’hui. De plus, les murs en pierre et murgers « apportent une rupture visuel dans le vignoble et des qualités esthétiques au paysage », argumente-t-il. Une formatrice est venue en 2014 pour la restauration de murs en pierres sèches. Deux cabotes ont été restaurés sur le chemin des cabans. Et visiblement, les touristes apprécient…



Peu de miel issu des fleurs de vigne



Un programme apicole a permis également d’installer huit ruches sur Corton, « pour voir le comportement des abeilles dans les vignes ». Si « quelques précautions » (réduction des doses pulvérisées…) ont été nécessaires, les abeilles « vivent très bien » dans leur nouveau milieu. Les récoltes de miel ont été analysées. Le miel de printemps a pour principale origine le colza (88%) se trouvant en plaine non loin. Puis prunier, poirier, érable… et « un peu de fleur de vigne mais pas énormément ». Peu importe...
Apiculteur professionnel en Côte d’Or, Philippe Gaulard voyait là « derrière, une diversité pollinique qu’offre cette remise en culture de la biodiversité », se réjouissait-il. L’occasion d’annoncer la création d’un label "Bee Friendly", jeu de mots en anglais mariant abeille (bee) pour être amis (friends). Les premiers a en bénéficié sont les vignerons du Buzet (47). Car, les abeilles « contribuent à la reproduction et à la survie de 80 % des espèces et plantes à fleurs » à côté du vent, oiseaux et autres chauves-souris. Autant dire que l’agriculture serait en situation de « vulnérabilité face au déclin des abeilles ». Pour lui, vice-président du GDSA (Groupement de défense sanitaire apicole) de Côte d’Or, « rotation des cultures, agro-foresterie, agro-écologie… sont autant de politiques à encourager ».