Terres agricoles
Plus chères et en voie de financiarisation

Publié par Cédric Michelin
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La Fédération nationale des Safer a publié ses chiffres sur les marchés fonciers ruraux 2013 lors d'une conférence de presse à Paris le 28 mai. Deux points en ressortent : les prix des terres agricoles sont en hausse ; et le développement des sociétés agricoles nuit à la transparence et à la régulation des marchés ruraux.
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« Seul le prix des terres et des prés continue d'augmenter, les vignes et forêts se sont stabilisées pour 2013 », commence Robert Levesque, le directeur du département études de la FNSafer lors de la présentation des marchés fonciers ruraux le 28 mai à Paris. En effet, le prix moyen, en 2013, des terres et prés libres est de 5.750 euros par hectare soit une hausse de 6,2% par rapport à 2012. L'augmentation de prix la plus marquée concerne le secteur de l'élevage avec 4.400 €/ha ce qui correspond à 8 à 9 % de plus qu'en 2012. « L'élevage enregistre une plus forte hausse des prix du fait des aides de la Pac qui sont en augmentation pour les zones de montagne par exemple. Les éleveurs anticipent et sont peut-être prêts à payer plus cher leur terre », explique Robert Levesque, également directeur de Terres d'Europe-Scafr. Les zones de grandes cultures ont un prix moyen à l'hectare de 6.670 €.

Pour certains départements les prix à l'hectare pour les terres et prés libres se situent au-dessus de 10.000 euros en 2013 (prix moyens triennaux) : c'est le cas des Alpes-Maritimes (11.120 €/ha), des Bouches-du-Rhône (17.880 €/ha), du Nord (10.800 €/ha), du Pas-de-Calais (11.280 €/ha), du Var (17.940 €/ha) et du Vaucluse (13.620 €/ha). La hausse est un peu moins forte pour les terres et prés loués : le prix moyen est de 4.240 euros l'hectare (+4,3%). Le fermage est en progression : 16,7 millions d'hectares sont exploités en fermage contre 10,3 millions d'hectares en faire-valoir direct. « Louer des terres est un moyen d'agrandissement des exploitations », fait remarquer la FNSafer dans son document de présentation des résultats (1). Selon Robert Levesque, « beaucoup de Safer sont interpellées par des apporteurs de capitaux qui veulent financer du foncier pour bénéficier d'un rapport locatif intéressant ».


Des formes sociétaires en hausse




La FNSafer constate une évolution importante des formes sociétaires. Même si les exploitations individuelles sont en forte baisse (340.000 en 2010), elles représentent toujours deux tiers des exploitations et restent majoritaires sauf dans le secteur laitier où un quart des formes sociétaires sont concentrées. En 2010, 146.000 exploitations sont en forme sociétaire. Les EARL en constituent plus de la moitié. Les GAEC ont beaucoup augmenté jusqu'aux années 2000 pour ensuite diminuer, on en dénombrait 37.200 en 2010.


Financiarisation de l'agriculture




« L'entreprise agricole est en voie de financiarisation », est-il écrit dans le document de la FNSafer sur la présentation des marchés fonciers ruraux 2013. Selon la Fédération, le passage à des formes sociétaires agricoles est encouragé par des mesures fiscales et sociales et permet de faciliter le financement et la transmission des exploitations. Emmanuel Hyest, le président de la FNSafer l'explique ainsi : « On assiste à une modification de la structuration des porteurs du foncier agricole en France. Avant, ce marché était défini par des porteurs physiques et aujourd'hui pour échapper à la possibilité de passer dans la régulation des Safer, beaucoup de gens transfèrent leur foncier sous forme de part sociale. C'est un transfert sans déclaration, le contrôle n'est plus possible, l'Etat ne sait plus ce qu'il a comme foncier. Dans l'agriculture, personne ne sait qui détient le capital foncier dans les exploitations ». Pour lui, cela pose un « problème de sécurité alimentaire pour le pays » car, à terme, l'Etat risque de « se rendre compte que beaucoup d'étrangers auront acquis des terres et feront sortir des produits agricoles pour leur pays ». Emmanuel Hyest espère que la loi d'Avenir fera évoluer la législation en obligeant à déclarer les transferts de foncier.


Stabilisation du marché des terres pour les vignes et les forêts



Vignes : Elles représentent 10,8 % des transactions soit 4,6 % des surfaces et 19,7 % du marché foncier agricole total. Les vignes AOP sont stables avec un prix moyen de 131.600 €/ha et de 59.600 €/ha hors champagne. 8.550 transactions ont été enregistrées pour 2013, malgré une hausse de 2,6 %. C'est un des niveaux les plus faibles depuis 20 ans.

Forêts
: C'est un marché plutôt stable, le prix moyen à l'hectare est de 3.990 euros/ha (+1,6 % par rapport à 2012) mais il existe une grande diversité des prix selon les biens et les régions : entre 600 et 11.000 €/ha. Les particuliers, y compris les agriculteurs, continuent à être les acteurs majoritaires sur ce marché mais les personnes morales (agricoles et forestières, investisseurs privés et secteur public) se renforcent progressivement.

Aujourd'hui, les sociétés d'exploitation agricole détiennent 10 % des surfaces en faire-valoir direct et cela interroge la FNSafer sur la pérennité de l'exploitation familiale en France.




(1) Le prix des Terres. Analyse des marchés fonciers ruraux 2013. Editions Mai 2014.