Bénévolat, prestation de services, entraide...
Le point sur les autres formes d'emploi

Publié par Cédric Michelin
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Pour les vendanges, plutôt que d’embaucher des salariés par le biais d’un contrat-vendange, certains peuvent être tentés de recourir à d’autres formes d’emploi de main d’œuvre. Il convient alors d’être tout particulièrement prudent, car ces autres types d’emploi de main-d’œuvre sont très encadrés réglementairement, voire impossible pour l’emploi de vendangeurs. Le point avec la Direccte Bourgogne
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Le risque pour le viticulteur qui ne respecterait pas ces règles serait alors de se voir poursuivi pour le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, rappelle la Direccte Bourgogne.

Le bénévolat (ou le coup de main occasionnel)



Il n’existe pas de définition légale du bénévolat. Selon la jurisprudence, le bénévole apporte un concours :
- non sollicité,
- spontané,
- désintéressé.
L’aide fournie doit demeurer sans contrepartie financière (ou en nature). Les exemples d’aide bénévole sur une exploitation agricole correspondent à des cas d’urgence, comme aider à récupérer les animaux qui se sont échappés de leur enclos et vagabondent, ou aider l’exploitant ou son subordonné en cas d’accident survenu au tracteur. Il s’agit donc de ce qu’on appelle le coup de main occasionnel ou bénévole qui peut être donné par un voisin, un ami, un cousin… Ce coup de main est par nature de très courte durée. Le bénévole, victime d'un accident de travail, peut engager la responsabilité du bénéficiaire de l'aide. Ce dernier doit alors indemniser l'accidenté. Il appartient à chaque exploitant de se rapprocher de son assureur afin de s'assurer que sa responsabilité civile couvre bien les aides bénévoles et occasionnelles. Le véritable bénévolat n’est par ailleurs admis que pour les associations à but non lucratif, dans le cadre de l’absence d’utilité économique : association humanitaire, caritative ou d’œuvre sociale, éducative, culturelle sans but lucratif.
La Cour de Cassation, depuis l’arrêt du 14 mars 1973 (Cass Soc 14/03/73 MERCIER c/ URSSAF du Cher) a affirmé l’incompatibilité du bénévolat avec une société commerciale. Le bénévolat ne saurait être utilisé pour participer à la réalisation d’un profit recherché par une structure à but lucratif relevant du secteur marchand.  La jurisprudence exclut donc le recours à des bénévoles dans les structures économiques à vocation lucrative qu’elles soient individuelles ou sous forme de sociétés (EARL, SCEA, SCEV…). L’emploi de bénévoles n’est de fait pas possible pour les vendanges (cela concerne aussi par exemple les clients ou wwoofers…).
En cas de contrôle de l’entreprise, tout agent de contrôle de la Direccte, de la MSA ou de la gendarmerie pourra constater le caractère illégal du recours à « un/des bénévole(s) » sur une exploitation agricole à vocation lucrative, notamment en vérifiant les éléments de requalification de cette situation en contrat de travail (travail, subordination, rémunération). Les exploitants agricoles qui auraient ainsi recours à « des pseudo-bénévoles » ou ne déclareraient pas des personnes en raison de « leur intervention à l’activité de l’entreprise à titre bénévole » encourent le risque d’un procès-verbal pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, du fait du recours à un faux statut non ouvert à leur profession. D'autre part, l’établissement de DPAE avec la mention « bénévoles » n’est pas compatible avec la définition même de la DPAE établie pour une embauche de salarié.


Le prêt de main d'oeuvre à titre gratuit



Egalement appelé « mise à disposition », le prêt de main d’œuvre consiste, pour un employeur, à mettre à disposition un ou plusieurs de ses salariés au profit d’un autre professionnel (l’utilisateur). Contrairement à l’intérim, l’employeur, qui n’est pas une entreprise de travail temporaire, prête son salarié à titre gratuit (sans but lucratif). Un contrat de travail doit exister entre le salarié et l’employeur qui met à disposition le salarié. Le prêt de main-d'œuvre doit obligatoirement être à but non lucratif pour l'entreprise qui prête la main-d'œuvre. Celle-ci facture, pendant la mise à disposition, uniquement les salaires versés aux salariés, les charges sociales qui y sont liées et les frais professionnels remboursés au salarié.
Surtout, le salarié doit exprimer son accord explicite et, s'il refuse, ne peut pas être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire.
Il doit signer un avenant au contrat de travail, qui indique obligatoirement :
- les tâches confiées dans l'entreprise utilisatrice,
- les horaires et le lieu d'exécution du travail,
- les caractéristiques particulières du poste de travail.
À l'issue de la période de prêt, le salarié retrouve son poste de travail d'origine, sans que l'évolution de sa carrière ou de sa rémunération n'en soit affectée.
L'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice doivent signer une convention qui précise les éléments suivants :
- la durée de la mise à disposition,
- l'identité et la qualification du salarié (la convention ne peut en aucun cas concerner plusieurs salariés).
- le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels facturés à l'entreprise utilisatrice par l'entreprise prêteuse, et éventuellement la période probatoire, au cours de laquelle il peut y être mis fin à la demande de l'une des parties (période obligatoire lorsque le prêt de main-d'œuvre entraîne la modification d'un élément essentiel du contrat de travail).
Sous réserve de respecter les conditions ci-dessus (les agents de contrôle pourront vous demander les documents requis), le prêt de main d’œuvre est donc possible pour les vendanges. Cette forme d’emploi parait toutefois peu pertinente pour un simple emploi de vendangeur.



Le wwoofing ou l'oenotourisme



Le Wwoofing « World-Wide Opportunities on Organic Farms » concerne à la base un réseau de fermes travaillant en agriculture biologique et dans lesquelles des bénévoles viennent s’impliquer pour découvrir, au plus près du terrain, les modes de vie et de travail agricoles, en participant délibérément à des récoltes. Les hôtes fournissent alors gîte et couvert.
Il convient d’être très vigilant concernant ce mode de fonctionnement qui pourrait s’apparenter à du faux-bénévolat et qui est peu compatible avec la réglementation française.

L’oenotourisme est une pratique qui consiste à proposer des formules « découverte de la région et du vin avec coupe du raisin de l’exploitation puis dégustation ». L’oenotouriste est donc un client, et c’est le viticulteur qui lui doit une prestation.
Le touriste ne peut donc en aucun cas fournir un travail subordonné. Cette pratique peut s’apparenter à de la fausse prestation de service ou du faux-bénévolat.

Les agents de contrôle seront très vigilants sur ces pratiques, surtout dans la mesure où elles auraient pour objectif d’éluder l’application des règles du droit du travail.

En outre, l’attention des viticulteurs est particulièrement attirée sur les risques encourus au cas où l’une de ces personnes serait victime d’un accident du travail.





Entraide familiale : qu'aux parents au premier degré



En dehors des coups de mains occasionnels de très courte durée, l’entraide familiale ne peut exister qu’entre parents au premier degré. Il s’agit d’une tolérance, sauf à ce qu’elle soit faite sous statut d’aide familial.
Aides familiaux (article L722-10 2° du Code rural). Ce statut est limité à 5 ans. Ce statut qui donne certains droits en termes de retraite doit être déclaré auprès de la MSA :
– Un ascendant, un descendant, un frère, une sœur ou un allié au même degré du chef d'exploitation ou d'entreprise ou de son conjoint ;
– Âgé de plus de seize ans (les jeunes de 14 à 16 ans peuvent donner des coups de main) ;
– Vivant sur l'exploitation ou l'entreprise et participant à sa mise en valeur sans y avoir la qualité de salarié (en principe non rémunéré).
L'aide apportée ne doit être ni durable ou régulière, ni accomplie dans un état de subordination, ni se substituer à un poste de travail nécessaire au fonctionnement normal d'une entreprise ou d'une activité professionnelle. Ainsi, si les relations entre des membres d'une même famille peuvent justifier une aide spontanée, désintéressée et libre, cette prestation de travail ou de service peut cependant, selon les conditions de son accomplissement, établir l'existence d'un contrat de travail dès lors que les critères du salariat, déterminés par le juge, sont réunis. Pour les vendanges, l’entraide familiale ne pourra donc être tolérée que pour les parents au premier degré.




Entraide entre agriculteurs



A la différence du coup de main occasionnel, l’entraide entre agriculteurs ne concerne pas les cas de coup de main occasionnels, mais peut être plus régulière. Ce système est prévu par le Code rural et correspond impérativement à des échanges de services entre personnes ayant le statut d’agriculteurs, et implique donc gratuité, réciprocité et équivalence des échanges. Il peut ainsi exister une entraide avec le retraité qui possède une parcelle de subsistance, mais pas avec un exploitant forestier.
Selon l'article L325-1 du Code rural et de la pêche maritime : « L'entraide est réalisée entre agriculteurs par des échanges de services en travail et en moyens d'exploitation. Elle peut être occasionnelle, temporaire ou intervenir d'une manière régulière. L'entraide est un contrat à titre gratuit, même lorsque le bénéficiaire rembourse au prestataire tout ou partie des frais engagés par ce dernier. […] »
L’entraide entre agriculteurs est donc possible pour les vendanges.