Méthanisation en BFC
Premier bilan contrasté

Ce premier bilan régional Bourgogne Franche-Comté n'a pas manié la langue de bois. L'Ademe et ses partenaires ont voulu communiquer largement sur ce qui marche, sur ce qui ne marche pas, mais aussi sur les obstacles et les pistes d'amélioration en matière de méthanisation.
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Si l'Ademe a déjà consacré cinq journées au thème de la méthanisation, cette sixième journée - organisée le KK mars dernier à Beaune - balayait un plus vaste territoire, celui de la Bourgogne Franche-Comté. L'occasion de dresser le bilan des installations qui tournent et d'envisager les perspectives de développement de la technique à l'échelle de la région.
Côté bilan, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est très contrasté, l'Ademe n'entend pas « nier les difficultés », mais au contraire « identifier, analyser, communiquer sur ce qui marche et ce qui ne marche pas ». Illustré par deux tables rondes, ce point d'étape l'une plutôt encourageante avec des témoignages positifs, l'autre montrant que la prudence s'impose dans le choix des matériels et des constructeurs alors que certains process comme la méthanisation par voie sèche nécessitent encore de sérieux ajustements et un fort investissement en recherche et développement.
Les projets actuels de méthanisation, que ce soit en France ou dans la région BFC, restent essentiellement agricoles. En dix ans, trente-cinq des quarante installations de méthanisation construites en région sont dans les secteurs de la production laitière ou en polyculture élevage, du fait notamment de la difficulté dans les exploitations d’élevage allaitant de trouver des co-substrats et d'alimenter en continu, en qualité et en quantité le méthaniseur. Autre difficulté récurrente, la viabilité économique des projets est conditionnée à la valorisation de la chaleur produite. L'essentiel des installations fonctionne sur le modèle de la cogénération alors que seules deux installations injectent le gaz produit dans le réseau.
La réussite des projets repose sur deux points essentiels : le bon choix technique des intervenants et du matériel d’une part et, d’autre part, un montage de projet innovant lié souvent à une diversification de l'activité agricole, pour utiliser et rentabiliser au mieux la chaleur produite. Par exemple : la construction d'une serre, le séchage de plaquettes de bois ou de foin en grange…
Si le coût médian d'une installation se situe autour de 1,6 million d’€, on constate « une grande disparité de coûts et de rentabilité entre les installations ». Il est d'autant plus important « de bien déterminer le périmètre réel de l'installation, les matières entrantes (substrats et co-substrats), le potentiel énergétique disponible, celui qu'il faut sécuriser par des contrats, la destination de l'énergie produite ».

Du cas par cas


Ce sont autant de difficultés potentielles qui amènent à bien analyser les pré-projets. « La pré-étude brise quelques rêves » concède une intervenante de la chambre d'agriculture du Doubs Territoire de Belfort, « mais c'est indispensable pour éviter le risque de se retrouver dans une impasse ».
En matière de projet d'installation de méthanisation, « pas de copier-coller » possible, l'accompagnement doit se faire au cas par cas. Attention au choix du constructeur, à la sécurisation des gisements d'intrants par voie contractuelle si nécessaire, au potentiel méthanogène des matières, à l'envergure du projet, « car il faut bien évaluer en amont le volume de travail et la nature de l'astreinte ». Certains "oublis" dans le montage financier peuvent coûter cher, comme le curage (de 15.000 à 25.000 €) lequel est indispensable au bon fonctionnement dans le temps du digesteur.
La rentabilité d'une installation reste cependant difficile à évaluer. Certains coûts peuvent avoir été sous-estimés comme la maintenance et les réparations. D’où des situations très contrastées. Mais, dans leur majorité, les producteurs semblent plutôt satisfaits et envisagent pour certains une augmentation de leur capacité de production.

Une sécurisation attendue


La méthanisation agricole pourrait plutôt s'orienter vers de petits projets en voie sèche discontinue, plus intéressants pour les zones d'élevage allaitant qui produisent davantage de fumier que de lisier. Encore faut-il que la Recherche et Développement (R&D) avance rapidement en la matière, car les installations de ce type sont peu nombreuses : seulement trois à ce jour dans la région. Ceux qui s'y sont engagés estiment avoir pas mal « essuyé les plâtres ». Le déploiement de cette technique repose sur les producteurs d'énergies eux-mêmes, certains étant totalement investis dans le développement de ce process comme le Gaec Schneider à Salives (21). Plateforme de recherche sur la méthanisation par voie sèche discontinue installée sur le site d'Agronov à Bretenière en Côte-d'Or, MéthAnov travaille maintenant au développement et à la sécurisation économique et technique du process par voie sèche discontinue. Il devrait ainsi à terme enrichir les données actuelles et permettre d'optimiser la rentabilité des installations.
Au final, le bilan régional de la méthanisation en Bourgogne Franche-Comté s’avère contrasté, bien que la majorité des installations finissent par trouver leur vitesse de croisière et que les difficultés rencontrées font alors manifestement progresser l'ensemble des dispositifs.



Tables rondes
Les enseignements


Retours d'expériences et témoignages au menu des deux tables rondes qui ont permis de mieux appréhender les différentes facettes d'un projet de méthanisation agricole et l'importance d'avoir, dès le départ, un bon dimensionnement et une vision de l'avenir de l'activité.

Les plus...


 SARL Méthalait créée par l'EARL Fercoq à Grignon (21)

L'installation d'une unité en cogénération par turbine à gaz a représenté « une belle opportunité pour le passage en bio » de l’élevage laitier, témoignait Christophe Fercoq. Autonome en matières méthanisable (fumiers, pailles mouillées, inter-cultures énergétiques, herbe), la SARL a privilégié la sécurité en choisissant un système à deux micro-turbines, qui compense sa moindre productivité par un entretien limité et des charges qui le sont tout autant. Un contrat de service sécurise l'ensemble du dispositif. Le réseau de chaleur alimente dix maisons du voisinage.

 Gaec de l'Aurore à Reugney (25)

Là, la méthanisation a été menée en parallèle avec l'installation d'une serre de 850 m2 et la formation au maraîchage de l'un des associés. « La demande est là », le nouveau métier s'apprend et l'installation résiste pour le moment à l'épreuve du temps après six ans et demie de fonctionnement. Les problèmes rencontrés sont inhérents « à une activité qui fonctionne en 24 h/24 » et « à la complexité du facteur biologique ».

 SCEA des Longchamps, portée par le Gaec Ferme Bellerive (90)
L’unité de méthanisation est l'une des rares installations à injecter le biogaz directement dans le réseau GRDF. Le process est un peu plus complexe car le gaz doit être irréprochable, c’est-à-dire parfaitement épuré et la production est contrôlée en continu. Le conseil de David Peterschmidt : « bien évaluer et budgétiser les coûts de maintenance ».


Et les moins


 SARL BMETHAPC, portée par le Gaec Blanchot, à Pierre-Fontaine-lès-Varans (25)
L’élevage laitier a joué de malchance : le projet tenait la route, avec 4.600 tonnes d'effluents et une autonomie d'intrants totale. Un moteur de 50 kW électriques complétait le dispositif. Mais, dès le démarrage, tout s'est compliqué, le moteur est tombé en panne, le prestataire n'a alors pas assumé ses responsabilités et la production a été stoppée pendant six mois… L'achat d'un nouveau moteur a généré des problèmes financiers et d'assurance. L'installation fonctionne certes à nouveau, mais la puissance a dû être portée à 105 kW électriques pour être vraiment sécurisée et économiquement viable.

 Gaec Schneider à Salives (21)

Il fallait tout le dynamisme et la détermination des associés du Gaec pour supporter le choc en retour des nombreuses difficultés qui sont venues contrarier un ambitieux projet de méthanisation par voie sèche discontinue. Tout avait été bien pensé et dimensionné : les intrants (effluents d'élevage, fumiers, menues pailles…), le moteur mixte fioul/huile de colza (les tourteaux étant destinés aux bovins à l'engraissement), le système en trois garages, l'utilisation de la chaleur pour sécher du bois bûche et des plaquettes... Tout, sauf la résistance des murs « qui ont bougé », « les problèmes d'étanchéité des portes », et le manque de recul et de références sur un process peu développé à ce jour, témoignait Victor Schneider. « Tout a été remis à plat et nous avons mené la R&D en interne ». Le nombre de garages a été porté à quatre, « on a appris à mieux piloter la température que l'on a augmentée ». Le Gaec a « essuyé les plâtres », mais a su s'adapter en attendant que des solutions soient trouvées.