Eric Decellières
Jusqu’au bout de l’aventure

Au vingt-et-unième siècle, il reste peu de véritables aventures. La Coupe Gordon Bennett fait partie de ces rares épreuves qui forcent l’admiration et qui transforment un homme. Comme peut en témoigner Eric Decellières.
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A 45 ans, l’âge où certains coulent une paisible retraite sportive depuis bien longtemps, Eric Decellières a souhaité relever un pari un peu fou : participer à la Coupe Gordon Bennett. Avec l’envie de penser à lui après avoir tant donné aux autres pendant plus de deux décennies. Ayant découvert dans le cadre de ses études la montgolfière lors du raid aéronautique des grandes écoles à Vittel, Eric Decellières franchit le pas en passant sa licence de pilote de ballon en 1993 et son brevet de pilote d’avion l’année suivante. A partir de ce moment-là, il s’immerge complètement dans sa passion, gravit un à un tous les échelons pour devenir, en 1998, directeur des vols du championnat de France de montgolfière. Au total, il en dirigera sept. Il s’occupera aussi de la coupe et du championnat d’Europe tout étant directeur adjoint des championnats du monde. « Ce furent des années de travail intense, mais une belle expérience. Je me suis vraiment fait plaisir ».

Des Montgolfiades bressanes


Membre du comité directeur de la Fédération française d’aérostation, il participe comme officiel aux championnats du monde en 2004 (Australie), 2006 (Japon) et 2008 (Autriche). « Paradoxalement, pendant des années, je n’ai pas beaucoup volé car j’ai donné vingt années aux autres ». En 2004, il décide de créer un bel événement au cœur de sa région d’adoption avec l’association Ballons de Bresse Bourgogne. Limitées volontairement à dix ballons, ces Montgolfiades s’installent chaque année à Saint-Germain-du-Bois. Un franc succès qui sera rehaussé par la présence de l’équipe de France de montgolfière pour des stages d’entraînement. Et ce, à trois reprises. L’année 2009 est marquée par l’arrivée de ballons à gaz. Malgré le succès, Eric Decellières choisit d’arrêter les Montgolfiades lors du dixième anniversaire. La peur, sans doute, de faire l’année de trop et la crainte, peut-être, de s’essouffler.

Au pied du podium


Alors que l’on compte environ 800 montgolfières et 1.000 pilotes en France, il n’y a, par contre, que 14 ballons à gaz pour seulement 35 pilotes. C’est le 1er décembre 1783 qu’a eu lieu le tout premier vol d’un ballon à gaz. « On vole aujourd’hui avec la même technique. Le ballon est rempli d’hélium ou d’hydrogène. Cela permet de voler très longtemps et de parcourir de longues distances. L’inconvénient est qu’il est long à chauffer, lourd et cher, avec plus d’inertie ».
Relancée en 1983 par l’aéroclub de France, la Coupe Gordon Bennett devient en septembre 2013 l’objectif d’Eric Decellières. Le 30 août 2014 à minuit, il prend son envol à Vichy en compagnie de son copilote Hervé Moine. « Tout était pesé au gramme près. Nous devions résister à la fatigue, au froid et à la chaleur. La température est tombée à -10ºC et montée à 44ºC ».
Au bout d’un périple de 59 heures et 1.335 km passé dans une nacelle de 1,10 m par 1,20 m, l’équipage se pose en Sicile. Une performance qui vaut au duo de finir au pied du podium. « Il a fallu résister physiquement et mentalement. Pour l’anecdote, nous dormions les pieds dans le vide. De cette épreuve restent des souvenirs extraordinaires. Nous étions suivis par un PC course composé de huit personnes ». Si l’aventure fut merveilleuse pour lui, elle fut beaucoup plus pénible à vivre pour sa famille. « J’ai choisi de moi-même d’arrêter l’équipe de France ». Mais loin de tirer un trait sur sa passion, Eric Decellières entend « continuer à voler pour le plaisir… Un jour, je reviendrai à la compétition, sous une forme ou une autre ».

La Coupe Gordon Bennett


Initiée en 1906 par l’aventurier James Gordon Bennett, la coupe éponyme est l’événement le plus important pour le monde de l’aérostation. Il est le défi ultime pour les pilotes de ballons à gaz. Le principe de la course est simple : parcourir la plus longue distance par rapport au point de départ. Cent huit ans après la première course qui avait vu 16 ballons décoller depuis les jardins de l’ancien palais des Tuileries à Paris, la 58e édition a rassemblé, en 2014, 17 équipages issus non seulement de France, mais aussi de Grande-Bretagne, d’Autriche, d’Espagne, d’Allemagne, d’Italie, de Pologne, des Etats-Unis, de Russie et de Suisse.