Alain Desbrosses, ingénieur écologue
« De quoi alimenter 280 chaudières individuelles ! »

Ingénieur écologue en Saône-et-Loire, Alain Desbrosses a réalisé une étude sur les potentialités des haies pour une valorisation en plaquettes de bois sur le territoire de la communauté urbaine Creusot Montceau. Moyennant une conversion de ces haies basses broyées tous les ans en haie haute récoltées tous les vingt ans, les exploitants du secteur pourraient tirer un réel bénéfice de cet élément de paysage.
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« Sur les 30.800 hectares agricoles que comptent les 19 communes de la communauté urbaine Creusot Montceau (CUCM), il y aurait 90 mètres de bouchures à l’hectare en moyenne, soit un total de 2.800 km », calcule Alain Desbrosses, ingénieur écologue en charge d’une étude réalisée pour le compte de la CUCM. Au rythme d’un cycle de production de vingt ans - avec des haies exploitées en haie haute, cela équivaudrait à 140 km exploitables annuellement, poursuit l’ingénieur. En prenant une production minimale estimée à 15 mètres cubes apparent de plaquettes de bois (MAP) par cent mètres linéaires*, il y aurait ainsi 21.000 MAP disponibles par an sur le territoire de la communauté de communes. De quoi alimenter « 280 chaudières individuelles de 35 kW », calcule encore Alain Desbrosses.
L’étude montre par ailleurs que ces chiffres peuvent être plus élevés pour peu que le linéaire de bouchures à l’hectare dépasse la moyenne.
Ce même bocage comporterait en moyenne un arbre de haut jet tous les 100 m soit un total de 28.000 arbres équivalent à 77.000 MAP exploitables au rythme de 3.850 MAP disponibles par an. Pour donner un ordre d’idée, l’ingénieur calcule qu’avec une densité d’un arbre tous les 20 mètres, la production annuelle peut monter à 19.250 MAP.

Gagner 81 € par km de haie



Pour l’écologue, ces données sont à rapprocher du coût annuel d’entretien des "bouchures basses". En moyenne, cet entretien effectué chaque année à l’épareuse, coûterait 380 € par kilomètre de haie basse broyée (lire encadré). C’est plus d’un million d’€ dépensés annuellement par les agriculteurs sur le périmètre de la CUCM, calcule Alain Desbrosses. Une conversion en haie haute de ces bouchures ferait gagner 81 € par km, soit plus de 224.800 € sur tout le territoire de la communauté urbaine, évalue l’ingénieur.
« Il existe un vrai potentiel sur les exploitations de la communauté urbaine. Elles pourraient déjà, dans un premier temps, devenir autonomes en énergie pour le chauffage domestique, voire même dégager un gain grâce à une utilisation de plaquettes en litière », estime Alain Desbrosses.

* 100 mètres de haie sont susceptibles de produire entre 15 et 50 MAP.

L’étude réalisée par Alain Desbrosse s’appuie sur des chiffres établis par la Chambre d’agriculture de la Nièvre, laquelle s’était attachée à montrer des leviers d'économies sur le temps et le coût d'entretien des linéaires de haie selon leur mode de gestion (haie basse / haie haute).

Moitié moins d’heures de travail et de carburant


Le coût d’entretien annuel des haies à l’épareuse (broyeur sur bras hydraulique) est évalué à environ 400 € par kilomètre de "bouchure". Le temps consacré à ce travail est estimé entre 6 et 7 heures par km de haie pour une consommation de carburant de 90 litres par km entretenu. En comparaison, dans le cas d’une haie haute entretenue pour la production de bois énergie, le temps de travail et la consommation de carburant seraient de moitié : 3 heures par kilomètre pour le temps de travail et seulement 40 litres de carburant.



« Encourager la valorisation économique des haies »



Dans le cadre d’un Plan Climat Energie territorial s’inscrivant dans le programme national Agenda 21 qui prône le développement durable, la communauté urbaine Creusot Montceau (CUCM) souhaite encourager la gestion du bocage et la valorisation économique de ses haies sur son territoire. L’objectif est « de valoriser différentes opportunités de production d’énergie renouvelable », confie Viviane Perrier-Gritti, de la CUCM. Or la communauté urbaine compte de nombreux agriculteurs dans son périmètre qui exploitent tous du bocage avec de nombreuses haies.
Une étude a été confiée à un ingénieur écologue afin de chiffrer les potentialités des haies du territoire et d’en dessiner les modalités d’entretien adéquates (lire ci-contre). Ce travail a permis d’élaborer un programme dont la première étape est de sensibiliser les agriculteurs à cette ressource sous-estimée. C’est à la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire que la CUCM a confié cette tâche. Deux journées techniques ont ainsi été organisées fin septembre à Montceau, Saint-Eusèbe et Le Rousset avec les témoignages de deux éleveurs pionniers en la matière (lire témoignages). L’étape suivante consiste à « tester des plans de gestion de haie à titre expérimental avec des agriculteurs volontaires », confie Viviane Perrier-Gritti.