Bruno Dufayet, président de la FNB
« Les prix, les prix et encore les prix ! »

Éleveur de salers à Mauriac dans le Cantal, Bruno Dufayet a été élu président de la Fédération nationale bovine (FNB). Une mission à forts enjeux alors que l’élevage français est dans la tempête.
133469--2741_Elevage_FNB_Dufayet.jpg
Qu’est-ce qui a présidé à votre candidature ?
Bruno Dufayet : ce n’est pas Bruno Dufayet qui était candidat mais toute une équipe d’administrateurs avec l’objectif de défendre les éleveurs bovins français en étant représentatifs de l’ensemble des systèmes de production et des régions françaises. C’est la force de notre équipe qui comprend des naisseurs purs, des engraisseurs spécialisés, avec une diversité de races, de tailles d’exploitation...

Vous prenez les rênes de la FNB dans un contexte particulièrement dégradé pour les éleveurs. Quelles sont vos priorités ?
B. D. : l’axe principal de notre mandat, c’est les prix, les prix et encore les prix ! C’est un enjeu primordial quand on voit le niveau de revenus des éleveurs français. Ce sera notre cheval de bataille autour de la démarche "Cœur de gamme" déjà engagée et dont le but est de créer de nouvelles relations commerciales, plus saines, entre éleveurs, abatteurs et distributeurs.
Tout le monde doit comprendre que l’enjeu, aujourd’hui, c’est le maintien d’une production bovine française.

Qu’est-ce qui bloque pour voir cette démarche aboutir à son terme ?
B. D. : ce n’est pas un blocage en tant que tel, mais un nécessaire changement de logiciel de la filière qui aujourd’hui bugge. Il faut accompagner le mouvement mais c’est un pari qui nous semble complètement jouable. Le "Cœur de gamme" est aussi une démarche tout à fait en phase avec les demandes du consommateur qui veut une garantie que le produit rémunérera bien le producteur. C’est aussi la mise en avant de nos systèmes de productions vertueux, qui répondent à des notions de bien-être animal via des exploitations à taille humaine...

Une heure seulement après votre élection, le CETA (traité commercial entre l’UE et le Canada) était signé. Un mauvais signal ?
B. D. : c’est tout le paradoxe du discours politique : d’un côté, on nous parle de proximité, et dans le même temps, nos parlementaires européens ouvrent les vannes à 70.000 tonnes de viandes majoritairement engraissées au maïs OGM, aux antibiotiques et aux farines animales, qui vont venir déséquilibrer un marché sous haute tension. C’est un mépris total du monde de l’élevage et de la situation économique que connaissent les éleveurs sur leur ferme depuis plusieurs années déjà. L’élevage a servi de monnaie d’échange pour l’industrie et d’autres secteurs d’activité. Et nous sommes extrêmement inquiets des conséquences de cet accord. C’est pourquoi nous demandons au commissaire Hogan une enveloppe spécifique, prise en dehors des fonds européens dédiés à l’agriculture, pour compenser ce manque à gagner pour l’élevage français et européen. C’est un nouveau combat qui s’ouvre.

Et l’export ?
B. D. : avec le "Cœur de gamme", c’est une autre priorité : nous sommes toujours dans une stratégie de développer les exportations vers les pays tiers. On sait qu’on a des produits de qualité dont les marchés sont demandeurs, il faut donc tout mettre en œuvre avec les pouvoirs publics français pour accélérer et intensifier ces échanges.

On a le sentiment que ce dossier patine depuis deux ans...

B. D. : il y a quelques signaux positifs avec Israël ou le Liban qui recommencent à acheter français... mais il faut passer à la vitesse supérieure !

Il y a aussi le dossier des attaques incessantes contre l’élevage...
B. D. : il y a une initiative engagée par la filière, via Interbev, au travers d’un pacte avec la société. La FNB doit en être un acteur majeur, en étant en mode écoute sur les interrogations de nos concitoyens. On a peut-être subi une déconnexion entre l’élevage et la société, un lien qu’il faut très vite recréer.