Coûts alimentaires
Tirer meilleur profit de l’herbe enrubannée

La ferme expérimentale de Jalogny a montré que de l’herbe enrubannée précocement pouvait générer des économies substantielles de concentrés dans la finition de vaches ou la repousse de broutards.
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Un meilleur usage de l’herbe enrubannée est une piste parmi d’autres pour réduire les coûts d’alimentation dans des exploitations allaitantes herbagères de type charolaises. Telle est la démonstration faite par la Ferme expérimentale de Jalogny à l’issue de cinq années d’essais menés par la chambre d’agriculture et l’Institut de l’élevage. Ces essais ont porté sur la finition de femelles adultes ainsi que la repousse de broutards. Dans les deux cas, les animaux ont reçu de l’enrubannage de prairie permanente plutôt que le foin traditionnel. En augmentant la qualité de l’enrubannage à travers des fauches plus précoces, on a pu générer des économies de concentrés substantielles, permettant ainsi de tendre vers davantage d’autonomie alimentaire.

Jusqu’à 300 kg de concentrés par vache économisé


La comparaison a porté entre un foin de première coupe fauché à floraison (1) et des enrubannages de première coupe récoltés début floraison (2), à épiaison (3) et début épiaison (4). Par rapport à une finition au foin, l’enrubannage précoce a permis d’économiser jusqu’à 300 kg de concentrés par vache finie, avec un fourrage récolté début épiaison. D’autre part, par rapport à une finition avec de l’enrubannage récolté début floraison, un enrubannage récolté plus tôt – début épiaison ou épiaison – a fait baisser la consommation de concentrés de 90 à 230 kg par vache finie. L’enrubannage de qualité supérieure peut même permettre de supprimer l’apport de tourteau.

Pour des exploitations qui enrubannent déjà


L’enrubannage de fauche précoce n’a d’intérêt que si l’exploitation pratique déjà ce mode de récolte de fourrage, précise toutefois Thierry Lahémade de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. En effet, un élevage qui ne fait que du foin n’a aucun intérêt à investir dans l’enrubannage uniquement pour finir vingt vaches, met en garde le technicien qui indique que les gains de concentrés escomptés ne couvriraient pas les frais de mécanisation supplémentaires engendrés par un tel chantier. En revanche, dans le cas d’une exploitation qui pratique déjà l’enrubannage et qui, de ce fait, supporte déjà les frais de mécanisation liés à cette technique, l’introduction de fauches plus précoces offre un levier pour économiser des concentrés.

Trier ses fourrages selon leurs qualités


Traditionnellement, l’enrubannage est utilisé pour rechercher quantité et qualité. Récolté début floraison, il équivaut à un foin humide et offre de ce fait, une alternative technique au foin, faute de fenêtre météo adéquate. Dès lors, avancer la date de fauche d’une quinzaine de jours est facile avec une économie de 25 à 30 euros par vache finie à la clé, confie Thierry Lahémade.
« L’idée n’est pas de faire de l’enrubannage à 800°C pour tout le cheptel ! », tempère-t-il. Ce fourrage de meilleure qualité est à réserver aux animaux à forte croissance : vaches et génisses en finition, broutards. Pour certaines catégories d’animaux, un fourrage d’une telle qualité impose parfois de remettre de la paille dans la ration. Tout cela incite à trier les bottes suivant la qualité récoltée, de sorte à pouvoir réserver les meilleures aux animaux à besoins plus élevés, recommande Thierry Lahémade qui ajoute que la démarche implique aussi de faire analyser ses fourrages.
(1) à une somme de température de 1.200 degrés correspondant à la première quinzaine de juin ; (2) 1.000°C - fin mai début juin ; (3) 900°C - deuxième quinzaine de mai ; (4) 800°C - première quinzaine de mai.

Repousse des broutards
« La croissance au pas de sénateur n’est pas ringarde ! »


La repousse des broutards pèse lourd dans les coûts d’alimentation des exploitations allaitantes. Pour produire des broutards repoussés de 420-440 kg vifs (naissance en début d’année, sevrage à 8 mois), des écarts considérables de concentrés distribués sont constatés entre exploitations : 300 à 800 kg par tête ! Les essais menés à la ferme expérimentale de Jalogny montrent que des économies sont possibles. La solution passe à la fois par la distribution de fourrages de meilleure qualité (herbe enrubannée et fauche précoce comme évoqué plus haut) et par un allongement de la période de repousse. 130 à 300 kg de concentrés peuvent ainsi être économisés par broutard. Un message qui bouscule quelque peu les certitudes, reconnaissent volontiers les responsables de la ferme de Jalogny. Le culte des gros GMQ et des conduites intensives en prennent un coup quand on s’aperçoit que des exploitations réalisant des croissances modérées s’en sortent mieux que les autres... Plus que la performance, c’est la notion de rentabilité qui entre en jeu. « Tant que la sortie du broutard tombe à une période commerciale intéressante et que le prix de l’animal n’est pas dégradé, le pas de sénateur n’est pas du tout ringard ! », résume Julien Renon de la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. Avec des fourrages de qualité, un allongement de la durée de repousse ne coûte pas forcément plus cher. L’économie de concentrés compense le surplus de fourrage ingéré.