Forum Vitagora
Qui sont les consommateurs 3.0 ?

Publié par Cédric Michelin
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Toujours plus mobiles, toujours plus connectés... Les modes de consommation, et les attentes des consommateurs, ne cessent d'évoluer. Une thématique qui sera au coeur du Forum Vitagora 2015. Avant cet événement, le pôle de compétitivité propose une infographie qui croque les nouvelles habitudes pour savoir qui sont les nouveaux consommateurs. Une infographie complétée par une interview exclusive de Philippe Moati, Co-Fondateur de l'Observatoire Société & Consommation, qui avec son oeil expert éclaire sur les enjeux à venir pour la filière agro-alimentaire et donc agricole.
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Une nouvelle version du consommateur, que certains qualifient déjà de « consommateur 3.0 » en référence à Internet, est-elle en train d'émerger ? Pour l'Observatoire Société et Consommation, l'ObSoCo, créé en 2011, il est certain que notre société s'écarte de plus en plus du modèle de consommation de masse qui a fait les beaux jours des « Trente Glorieuses » pour s'orienter vers un autre modèle dont les traits ne sont pas encore complètement définis mais qui semble beaucoup plus personnalisé. Co-fondateur de cet observatoire et professeur à l'Université Paris Diderot, l'économiste Philippe Moati, qui participera au Forum Vitagora en avril prochain, évoque cette mutation profonde qui devrait permettre à terme de retrouver la vraie finalité de la relation commerciale entre fournisseur et client.

« On s'achemine progressivement vers un modèle de consommation dans lequel le produit va retrouver sa vraie place, c'est-à-dire où des fournisseurs accompagnent les clients dans la résolution de leurs problèmes », déclare d'emblée Philippe Moati. Cette logique consistant au passage de la vente de produits à l'apport de solutions dans le cadre d'une relation de service a d'abord émergé sur les marchés BtoB (du particulier au particulier) où elle tend aujourd'hui à devenir la norme. Cette vague est en train d'atteindre les marchés de consommation. Et Philippe Moati d'expliquer que les enquêtes que réalise l'ObSoCo montrent une montée de la déception dans la population vis-à-vis de la consommation depuis quelques années, ce qui a favorisé peu à peu l'exploration de nouvelles pratiques ou de pratiques anciennes revisitées qui expriment une envie de « consommer autrement ». Un mouvement de fond que la crise et la baisse du pouvoir d'achat ne fait qu'accentuer. Cette évolution des attitudes et comportements des consommateurs incite les entreprises à réviser leurs stratégies. La tendance générale à l'orientation « client » observée déjà depuis quelques années les aide à comprendre que, pour les consommateurs, le produit importe moins que les bénéfices retirés de leur consommation, que le fait de trouver des solutions à leurs problèmes de consommation.

Dans ce passage du produit à la solution, du moyen à la finalité, certains envisagent, entrevoient déjà, une sorte de dématérialisation de la valeur qui permettrait alors de pouvoir continuer à consommer plus mais différemment, tout en réduisant l'impact environnemental de cette consommation mieux maîtrisée. Cette mutation en cours prend évidemment des formes très différentes selon les secteurs. Ainsi, en agroalimentaire, l'engouement montant pour les circuits courts en est la manifestation la plus visible. Mais d'ores et déjà des évolutions plus radicales encore pointent à l'horizon. « A plus ou moins long terme, ce secteur ne vendra plus seulement des produits alimentaires mais apportera également des solutions nutritionnelles, ou bien de solution de ravitaillement de la maison, associées en particulier à des objets connectés », estime Philippe Moati qui perçoit que le mouvement est enclenché dans ce secteur et qui, s'il devait se prolonger, pourrait déstructurer les filières actuelles. Le modèle producteur, transformateur, distributeur, consommateur serait alors complètement bouleversé. « Cela pourrait faire émerger de nouvelles concurrences inattendues et déstabiliser les positions acquises de certains », ajoute-t-il. D'où l'importance pour les acteurs de l'agroalimentaire d'y réfléchir dès aujourd'hui afin de s'y préparer au mieux. L'enjeu est d'autant plus colossal que cette mutation profonde pourrait conduire à moyen long terme à la disparition de la distribution, entendu comme l'intermédiaire faisant circuler les produits des producteurs vers les consommateurs, Philippe Moati en est convaincu.