Cadences et doses phytosanitaires
Jusqu’où les réduire sans risque ?

Publié par Cédric Michelin
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Cette année, la pression cryptogamique est à l’opposée de la campagne "saine" de 2015. Si ce n’est une bonne nouvelle pour personne, cela permet de tester jusqu’où l'on peut réduire les doses de fongicides sans prendre de risque. Testeurs volontaires, Jean Manciat de Charnay-les-Mâcon et Jean-Pierre Mortet de Romanèche-Thorins, ont témoigné lors d'Innovaction. Avec deux approches différentes, les réductions de doses sont possibles sous certaines conditions…
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Le 21 juillet à Charnay-les-Mâcon au Domaine Manciat, les rampes AB Most étaient pour une fois de sortie. Car Jean Manciat n’est pas un adepte des traitements. Loin de là. Son IFT (indicateur de fréquence de traitement) « record » 2015 –soit le nombre moyen de doses de références appliquées pendant une campagne– se situe à peine à 4,7 (-60 %). « Trois traitements anti-mildiou –voire deux sur certaines parcelles– et quatre anti-oïdium », explique-t-il. Ce n’est pas un kamikaze pour autant. « Lorsque le risque est plus important, ça coince. Comme cette année, je n’ai pas fait le premier traitement et ai réduit les doses de 50 % en début de campagne. Lorsque j’ai vu le "raté" en mildiou, je suis revenu à des doses à 100 % », reconnaît-il. Pourtant, à voir ses parcelles, s’il y a bien des tâches sur feuilles, les grappes, elles, sont intactes.
Son véritable secret n’en n’est pas un en fait. Il a remplacé en 1991 son canon Berthoud pour utiliser maintenant les rampes AB Most du constructeur. « Je pulvérise plus près et plus régulièrement qu’avec une turbine », se félicite-t-il, avec aussi l’avantage de passer avec un peu de vent, limitant autant la dérive de produits. Surtout, lorsque la végétation n’est encore pas haute, « jusqu’au premier relevage », cela ferme les sorties supérieures.

Jouer avec les cadences mais…


« Le but est quand même d’assurer la récolte », témoignait à son tour Jean-Pierre Mortet, viticulteur à Romanèche-Thorins. Lorsqu’il rachète l'exploitation, il fait le choix de restructurer le vignoble en arrachant un rang sur six. Dès lors, se pose la question de garder la même dose de traitement par hectare... Il intègre alors le réseau Dephy après avoir acheter un pulvérisateur face par face chez Grégoire « avec des doigts qui peuvent être fermés ». En 2010 et 2011, la réduction de 30 % des doses marche « bien ». Mais en 2012, il tente de repousser les « cadences à l’extrême ». « Je me suis trompé » et depuis il affine encore sa stratégie. S'il ne « joue plus trop avec les cadences », il continue « d’aller plus loin » côté doses, en les abaissant de 50 % jusqu’au premier rognage. « Dans le Beaujolais, les problèmes viennent plus du mildiou que de l’oïdium, donc j’assure la protection pour que la floraison se passe bien. Pour ça, je ferme des doigts et garde la même concentration puisque la partie de produit qui partait dans l’air –et qui ne servait à rien donc– est désormais économisé ». S’il "relâche" d’habitude après la fleur, il n’a toutefois pas fait d’impasse jusqu’à la fin du mois de juillet.

La maîtrise de l’herbe ensuite


Les deux vignerons reconnaissent que le matériel fait beaucoup. Mais les réglages tout autant !
Même sortie constructeur, il vaut mieux contrôler. « Je n’étais pas homogène sur chaque buse », se souvient Jean-Pierre Mortet qui prête une grande importance à l’entretien de son matériel. Il faut également apprendre à manœuvrer ces pulvérisateurs, car la casse peut se produire du fait de leur encombrement. « C’est surtout une habitude à prendre en bout de rang », relativise Jean Manciat qui exploite 9 hectares.
Tout deux s’attaquent maintenant au travail du sol. Jean-Pierre Montet cherche les bonnes variétés à implanter dans ses rangs en gobelet bas. Peut-être du micro-trèfle partout pour éviter des passages de tondeuses. En terre argilo-calcaire du Mâconnais, Jean Manciat réfléchit, lui, toujours sur la manière pour bien maîtriser l’herbe. « Le désherbage, c’est le plus difficile. Cela prend beaucoup de temps –3 heures par ha– et il faut un deuxième tracteur car le premier doit être prêt à partir traiter », conclut-il, fort de sa propre expérience depuis 2008.


Cinq ans pour gommer l’écart de prix


Jean-Noël Pascal, de l’équipe mixte Sicarex-IFV, utilise depuis cinq ans et « sans souci » une rampe Précijet de chez Tecnoma à jet porté. « C’est la même efficacité qu’un pneumatique mais en ne faisant qu’un traitement localisé », compare-t-il. Pour lui, les pulvés en jet porté ont également l’avantage d’être « progressif » pour moduler les doses selon les périodes et la densité du couvert végétal. Que ce soit un jet porté Tecnoma ou GRV (Grosjean), « l’économie de produit en cinq-six ans permet d’amortir la différence de prix » avec une voute ou un canon, traitant par dessus.