150 ans de la SAF
La SAF fête ses 150 ans et continue de défendre le progrès en agriculture

Publié par Cédric Michelin
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Face au défi de nourrir une population toujours croissante, à celui de protéger durablement les ressources naturelles, et dans un contexte de critique sociétale parfois virulente envers les pratiques agricoles, comment concilier agriculture et progrès aux yeux de la société ? 

La SAF fête ses 150 ans et continue de défendre le progrès en agriculture

« Non, ce n’était pas mieux avant ! On n’a jamais été aussi bien nourri, aussi bien soigné, logé, éduqué (…). La pauvreté n’a jamais autant reculé à l’échelle du monde que ces 30 dernières années, même la violence a diminué », souligne le philosophe André Comte-Sponville, invité aux 150 ans du think tank Saf agr’iDées, le 15 juin, pour discuter de l’idée de progrès. Un paradoxe qui s’explique car « on retient mieux le pire que le meilleur, et donc le pire paraît plus probable », poursuit-il, et « parce qu’il est plus gratifiant de dénoncer le mal que de se féliciter du bien ». Le constat ne s’applique donc pas uniquement à notre époque. Dans cette vision, le progrès, ce processus qui induit un changement vers le mieux, serait donc potentiellement dangereux. Il en serait ainsi pour l’agriculture qui a bénéficié au cours du siècle dernier d’avancées considérables : invention des intrants à la fin du XIXème siècle, puis surtout, la révolution de l’après-guerre, avec des conséquences aujourd’hui critiquées sur l’environnement notamment. « Le progrès est toujours un compromis », explique Pascal Picq, paléoanthropologue. « Quand on change l’environnement, il y a toujours de nouveaux problèmes qui se posent », comme le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, des questions auxquelles il faut rapidement trouver une solution, précise-t-il. C’est pourquoi, ajoute-t-il également, dans une entreprise, « plus on a du succès, plus il faut être auto-adaptatif, car on va davantage modifier l’environnement ». Ce qui vaut sans doute pour l’agriculture…

Progrès contre innovation 

« On trouve des lignes de réponse dans un surcroît de maitrise technique », estime de son côté Henri Nallet, ancien ministre de l’agriculture puis de la justice sous François Mitterrand. Les exigences sociétales, plus fortes sur la qualité des produits et sur les conséquences environnementales de la production, font que « nous sommes aujourd’hui à la recherche d’un équilibre entre agronomie, écologie et économie (…) qui suppose encore plus d’attention et de progrès ». On assiste cependant, concernant ce progrès technique, à un glissement sémantique qui privilégie l’utilisation du mot « innovation », constate le sociologue Gérald Bronner. « Ce n’est pas tant le mot progrès qui est en crise, mais surtout son idée » développe-t-il. Après avoir réalisé 120 entretiens sur la vision que les gens avaient de l’avenir à 10, 20 et 100 ans, « la quasi-totalité décrivaient une apocalypse en lien avec l’action de l’homme », explique-t-il. Et pourtant, ajoute-t-il, « il n’y pas de plus grand risque que de ne pas en prendre ». Des risques qu’Arnaud Rousseau, céréalier en Seine-et-Marne, est prêt à accepter si on laisse davantage de place à la confiance. Les pratiques ont en effet considérablement évolué et les agriculteurs travaillent pour limiter au maximum leur impact sur l’environnement. « On sait qu’il vaut mieux pulvériser le matin car l’efficacité est meilleure et on utilise moins de produit », indique-t-il, mais le problème, c’est que certains de ses concitoyens pensent qu’il s’agit d’une façon de cacher des pratiques peu acceptables. Alors que les agriculteurs ont nécessairement le souci de la durabilité : « mon exploitation est un outil patrimonial que j’ai envie de transmettre », souligne-t-il, poursuivant : « il va falloir mieux le faire comprendre à la société ». Marie-Thérèse Bonneau, éleveuse laitière, ne veut pas abandonner cette idée de progrès, mal résumée selon elle dans le terme innovation qui ne prend en compte que la dimension technologique. « En agriculture, le progrès, ça a été les techniques de production, mais ça a aussi été le progrès social pour les agriculteurs qui sont sortis de la paupérisation », témoigne-t-elle. La durabilité de l’agriculture passera nécessairement par une combinaison de facteurs, agronomiques notamment. Jean-François Soussana, de l’Inra, propose une piste en partant de l’aspect nutritionnel : « on peut montrer qu’il faut une diversification alimentaire et donc une diversification de production, ce qui permet de rendre les systèmes plus robustes ».

La SAF fête ses 150 ans et continue de défendre le progrès en agriculture

« Non, ce n’était pas mieux avant ! On n’a jamais été aussi bien nourri, aussi bien soigné, logé, éduqué (…). La pauvreté n’a jamais autant reculé à l’échelle du monde que ces 30 dernières années, même la violence a diminué », souligne le philosophe André Comte-Sponville, invité aux 150 ans du think tank Saf agr’iDées, le 15 juin, pour discuter de l’idée de progrès. Un paradoxe qui s’explique car « on retient mieux le pire que le meilleur, et donc le pire paraît plus probable », poursuit-il, et « parce qu’il est plus gratifiant de dénoncer le mal que de se féliciter du bien ». Le constat ne s’applique donc pas uniquement à notre époque. Dans cette vision, le progrès, ce processus qui induit un changement vers le mieux, serait donc potentiellement dangereux. Il en serait ainsi pour l’agriculture qui a bénéficié au cours du siècle dernier d’avancées considérables : invention des intrants à la fin du XIXème siècle, puis surtout, la révolution de l’après-guerre, avec des conséquences aujourd’hui critiquées sur l’environnement notamment. « Le progrès est toujours un compromis », explique Pascal Picq, paléoanthropologue. « Quand on change l’environnement, il y a toujours de nouveaux problèmes qui se posent », comme le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, des questions auxquelles il faut rapidement trouver une solution, précise-t-il. C’est pourquoi, ajoute-t-il également, dans une entreprise, « plus on a du succès, plus il faut être auto-adaptatif, car on va davantage modifier l’environnement ». Ce qui vaut sans doute pour l’agriculture…

Progrès contre innovation 

« On trouve des lignes de réponse dans un surcroît de maitrise technique », estime de son côté Henri Nallet, ancien ministre de l’agriculture puis de la justice sous François Mitterrand. Les exigences sociétales, plus fortes sur la qualité des produits et sur les conséquences environnementales de la production, font que « nous sommes aujourd’hui à la recherche d’un équilibre entre agronomie, écologie et économie (…) qui suppose encore plus d’attention et de progrès ». On assiste cependant, concernant ce progrès technique, à un glissement sémantique qui privilégie l’utilisation du mot « innovation », constate le sociologue Gérald Bronner. « Ce n’est pas tant le mot progrès qui est en crise, mais surtout son idée » développe-t-il. Après avoir réalisé 120 entretiens sur la vision que les gens avaient de l’avenir à 10, 20 et 100 ans, « la quasi-totalité décrivaient une apocalypse en lien avec l’action de l’homme », explique-t-il. Et pourtant, ajoute-t-il, « il n’y pas de plus grand risque que de ne pas en prendre ». Des risques qu’Arnaud Rousseau, céréalier en Seine-et-Marne, est prêt à accepter si on laisse davantage de place à la confiance. Les pratiques ont en effet considérablement évolué et les agriculteurs travaillent pour limiter au maximum leur impact sur l’environnement. « On sait qu’il vaut mieux pulvériser le matin car l’efficacité est meilleure et on utilise moins de produit », indique-t-il, mais le problème, c’est que certains de ses concitoyens pensent qu’il s’agit d’une façon de cacher des pratiques peu acceptables. Alors que les agriculteurs ont nécessairement le souci de la durabilité : « mon exploitation est un outil patrimonial que j’ai envie de transmettre », souligne-t-il, poursuivant : « il va falloir mieux le faire comprendre à la société ». Marie-Thérèse Bonneau, éleveuse laitière, ne veut pas abandonner cette idée de progrès, mal résumée selon elle dans le terme innovation qui ne prend en compte que la dimension technologique. « En agriculture, le progrès, ça a été les techniques de production, mais ça a aussi été le progrès social pour les agriculteurs qui sont sortis de la paupérisation », témoigne-t-elle. La durabilité de l’agriculture passera nécessairement par une combinaison de facteurs, agronomiques notamment. Jean-François Soussana, de l’Inra, propose une piste en partant de l’aspect nutritionnel : « on peut montrer qu’il faut une diversification alimentaire et donc une diversification de production, ce qui permet de rendre les systèmes plus robustes ».