Robotique agricole
Quels "models" demain ?

Publié par Cédric Michelin
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Les "robots" ne sont pas nouveaux en agriculture : Dac, nettoyage, traite… Les machines semi-autonomes ont déjà trouvé une place dans les fermes. Mais les robots autonomes - vraiment autonomes - vont-ils demain envahir les prés, les champs et les vignes ? Pas dans l’immédiat mais la recherche mondiale - militaire et civile - est en plein boom. Pour un retour sur investissement incitatif, les constructeurs pourraient changer de "business model" en vendant, non plus "que" du matériel ,mais aussi de nouveaux services.
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L’agriculture familiale « travaillant 70 heures payées 35 en épuisant le conjoint ou la conjointe, les familles, les retraités, les apprentis… se meurt ». La compétition mondiale se renforce. Le constat est dur mais réaliste au vu des crises. L’économie numérique avec la robotique - qui permet d'automatiser les travaux - va-t-elle alors contredire ce dessein ou l’accélérer ? Les réponses divergent. Par le passé, la mécanisation a joué un rôle positif et négatif.

Robots libérés ; agriculteurs…


Reste que l’agriculture s’est modernisée malgré tout. L’Irstea estime que 5.000 robots de traite sont actuellement en service en Europe par exemple. Désormais, de nouveaux "outils" veulent sortir des fermes et gagner en liberté dans les prés, les champs et les vignes.
Mais sans doute pas tout de suite encore, alors que Cédric Tessier, d’Effidence, parle de 15 à 20.000 € la débardeuse, susceptible de porter 200 kg de raisins en caissettes, mais pas encore vraiment autonome. Il s’agit encore du tarif d’un prototype et à ce stade le retour sur investissement demeure incertain.
« Les constructeurs vont chercher à faire accepter ces surcoûts technologiques en vendant un autre modèle d’affaire, lequel peut être des services supplémentaires ou des locations ». Ainsi donc, sur sa durée de vie, le "robot" pourrait-il avoir un prix abordable au départ, mais bien plus élevé au final. Un peu comme les machines à café dont les dosettes sont sept fois plus chères…
Ce n'est pas tout. Avec le numérique, « l’économie de la fonctionnalité va rebattre les cartes des acteurs des filières », préviennent les experts, les données collectées (big data) valant de l’or pour celui qui les possède et les revend. Un moyen de « fidéliser » un agriculteur à un "univers" serviciel et pour lequel il devient ensuite difficile d’en changer. Une vraie question lancée lors de ce séminaire de l’Irstea le 4 octobre à Montoldre (Allier).

Ferme collaborative


A l’origine de cette journée, et aussi pour éviter ces "mains-mises", la FNCuma insistait sur son modèle de « fermes collaboratives », lequel a fait ses preuves.
Reste la question première qui est celle de l'amélioration des conditions de travail et de productivité. Les agriculteurs et salariés font en effet de nombreuses tâches répétitives, avec les maladies associées (TMS…) voire les dangers dans certains cas (toxicité…). Comment alors réduire ces risques ? Avec l’aide de robots… En clair, l’Homme avec la machine et non l'un contre l'autre.
Naïo, qui s’est fait connaître avec son robot de désherbage mécanique en maraîchage, travaille maintenant avec l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) sur la viticulture de précision. Avec son architecture en arche - pour enjamber le rang de vigne -, le débit de chantier atteindrait 5,5 ha par jour à une vitesse d'avancement de 3 km/heure. L’aspect économique de la motorisation électrique « permet d’envisager plus d’interventions et de surface allouée », met en avant la société toulousaine. Dès lors, par exemple, les fréquences de tonte peuvent être plus élevées, ce qui permet d’étudier des couverts différents avec une concurrence mieux maîtrisée. Si des problèmes de puissance restent cependant à résoudre pour l’épamprage ou la pulvérisation, il est clair que de tels robots constituent un « accès à des alternatives aux traitements phyto et pas que pour les vignobles "haut de gamme" ». Un argument pour répondre à la « pression sociétale » et aux polémiques sur ce sujet.

Une question aussi de formation


Mais un robot n'est pas qu'une machine car il est doté d'une "intelligence" artificielle.
Pour l’Irstea, un robot est un « dispositif chargé d’effectuer une ou plusieurs tâches de manière autonome ». Et les agriculteurs restent bien meilleurs que les robots quand il s’agit de travailler en extérieur considéré - encore - comme des « environnements imprévisibles » pour les robots.
L'Irstea présentait des machines "maître-esclave" permettant de piloter plusieurs machines en même temps. Utile lors des moissons ou des ensilages par exemple. Sur ce sujet, les chercheurs buttent cependant encore, non pas trop sur des problèmes matériels ou informatiques, mais plutôt sur des questions de sécurité ou de pertes économiques. En cas d'accident, qui serait alors responsable ? Et comment assurer le risque zéro utopique ?
Si la présence d’Agrosup Dijon démontrait que la question de la formation demeure centrale, les concessionnaires devront aussi revoir leurs services après vente, avec de plus en plus d’informatique, d’électronique, de logiciels… Et cela en plus de la mécanique.

Les limites de l'Homme


Ce n'est pas les seuls. Comme le rappelait un éleveur laitier, « les robots de traite marchent très bien maintenant », soulignant au passage les écueils du départ, « mais il y a plein de détails que l’Homme doit encore gérer. Si l’outil est dans les mains d’un "bon" éleveur, les gains peuvent être extraordinaires ».
Le chef d’exploitation doit être compétent techniquement sur son métier premier et de plus en plus sur la gestion de l'exploitation, mais il devra demain l'être certainement aussi aussi sur tous ces nouveaux outils et services. Compliqué et complexe donc.
« Aujourd’hui, tout le monde n’est pas capable, ne serait-ce que de paramétrer son réseau wifi », s’inquiétait-il, voyant là un problème de temps, de motivation et de démotivation, pour se former ou ne pas le faire. Et ceci n’est pas forcément une question de génération… Finalement, ce ne sont pas les robots qui font peur aux hommes mais bien la prise de conscience de ses propres limites.


Bientôt le « côté obscur »


« Gare aux effets d’annonce », prévient l’Irstea. Car de nombreuses startups cherchent actuellement à attirer des investisseurs pour se faire racheter au prix fort. Un grand nombre de ces entreprises vont disparaître… Le « côté obscur » de la course à l’innovation. Mais cela pourrait aller vite… Notamment lorsque ces technologies découlant de la recherche militaire (drone, logistique…), au sujet desquelles actuellement « des millions de dollars sont dépensés » pour construire notamment « les briques » (logiciels, capteurs…) des futures voitures autonomes. Dès que les questions de sécurité et de responsabilité seront levées, alors une nouvelle génération de "robots" sera commercialisée. Les plus optimistes parient pour… 2017. Et l’agriculture serait un marché prometteur. Dans ce domaine, les Américains sont en avance. Pour preuve, New Holland ou Case IH qui ont présenté cet été leurs concepts de tracteurs "sans chauffeurs"...


Histoire de robots


Aristote (384-322 av. J-C) est le premier à théoriser la mécanique et à établir le concept d’automatisme : « si chaque instrument pouvait, par ordre ou par pressentiment, accomplir son œuvre propre, si [...] les navettes tissaient d’elles-mêmes et les plectres jouaient de la cithare, alors les maîtres d’œuvre n’auraient nul besoin de manœuvres, ni les maîtres, d’esclaves. Les vrais hommes abandonneraient les tâches viles, si indignes d’eux, pour ne plus se consacrer qu’aux activités de citoyens et à la recherche du savoir et de la sagesse qu’il procure ». Ce n’est qu’au milieu des années 1970 avec l’arrivée des micro-ordinateurs et des micro-processeurs, que les robots vont pouvoir gravir un échelon supplémentaire de l’intelligence artificielle. Les robots embarquent désormais des composants de taille raisonnable sur lesquels tournent des logiciels de plus en plus perfectionnés. Sans nous en rendre compte, aujourd’hui, nous nous déplaçons tous avec un concentré de technologie en poche, nos téléphones mobiles. Il y a là les deux clés de la robotique du futur : miniaturisation et connectivité. En termes de connectivité, nous commençons à peine à exploiter les possibilités de l’univers du tout-connecté. Wi-Fi, 4G, WiMax, Bluetooth, RFID, sont les protocoles sur lesquels se basent les objets intelligents de demain.

Qu’est-ce qu’un robot ou un robot ?


Le dictionnaire Larousse donne plusieurs définitions dont celle-ci qui rappellera des moments à tous : « personne qui agit de façon automatique » comme dans les films de science-fiction qui ont populariser ce terme. Mais sinon, il s’agit « d’appareil automatique capable de manipuler des objets ou d'exécuter des opérations selon un programme fixe, modifiable ou adaptable ». Sachant qu’actuellement, la recherche accélère sur une intelligence informatique autonome capable de s’adapter d’elle-même. Enfin, des robots virtuels (les machines sont des serveurs à distance) envahissent les sites web. Ces e-robots interagissent notamment avec les internautes (relation client, moteur de recherche…) de façon humaine (textes, voix, VR, AR…).