Vie du sol
Gare aux Plathelminthes terrestres !

Les plathelminthes terrestres invasifs représentent une réelle menace pour l'écosystème. La vigilance des agriculteurs de Saône-et-Loire est utile pour suivre à la trace ce prédateur de vers de terre, déjà observé dans les départements limitrophes de l’Ain ou du Rhône…
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Voilà déjà trois ans que le premier plathelminthe non-autochtone a été découvert en France métropolitaine. Ces animaux sont aussi appelés vers plats. Leur représentant le plus célèbre est sans doute le fameux tænia parasite de l'Homme, mais certaines espèces terrestres de cet embranchement n'en sont pas moins dangereuses. Certes, l'animal n'est pas inconnu en France, mais les plathelminthes indigènes répertoriés chez nous sont de taille réduite (10 à 20 mm de long), mangent des petits invertébrés du sol en rapport avec leur taille, et passent totalement inaperçus.

Prédateurs de lombrics


Or il n'en va pas de même des huit nouvelles espèces découvertes depuis 2013 (la dernière a été annoncée le 4 décembre 2015…), introduites vraisemblablement par le commerce internationalisé des végétaux ou dans la terre importée. Dans les quelques pays où des espèces proches ont été récemment détectées, comme en Angleterre, on observe une quasi-disparition de sa proie (les lombrics), causant des pertes agronomiques et des déséquilibres majeurs sur les milieux naturels. Ces nouveaux plathelminthes se distinguent de nos espèces locales par leur grande taille (30 à 50 mm, jusqu'à 20, voire 40 cm pour une espèce) et leur voracité.
L'origine de ces plathelminthes invasifs serait l’hémisphère sud, probablement la Nouvelle-Zélande, d'après le spécialiste français du sujet, Jean-Lou Justine, du Museum national d'histoire naturelle. Là-bas, dans son aire de répartition naturelle, les lombrics ont développé des stratégies d’évitement qui leur permettent de se maintenir malgré ce prédateur. Mais en Europe, les lombrics ne sont pas préparés à cette menace et ils succombent donc massivement à la voracité de ces vers plats.
Et l'intérêt agronomique des lombrics n'est plus à prouver : ils creusent des galeries qui aèrent le sol et permettent la circulation de l’eau, ils réassimilent la matière organique du sol, la rendant disponible et exploitable par les végétaux. « L’impact de leur disparition, autant pour les systèmes agricoles que naturels, serait un désastre », avertit Jean-Lou Justine. « Les lombrics sont par ailleurs considérés dans beaucoup d’écosystèmes comme la biomasse animale la plus importante. Ils sont donc une ressource déterminante dans les chaînes alimentaires, permettant à de nombreux prédateurs naturels d’exister (insectes, oiseaux, mammifères, amphibiens…) ». Une catastrophe comparable à celle, beaucoup plus médiatisée, qui menace l'abeille domestique avec l’introduction de l’acarien Varroa destructor, puis du frelon asiatique (Vespa velutina) et plus récemment encore du petit coléoptère Aethina tumida…

Le Rhône et l'Ain déjà impactés


Depuis trois ans, un suivi est donc mis en place pour surveiller l'extension de ces vers plats qui sont parfaitement adaptés pour voyager dans la terre des pots. « Une jardinerie infestée va contribuer à répandre des plathelminthes dans toute une région », pouvait-on lire dans un article de Phytoma en mai 2014. À petite échelle, on peut tenter de piéger les plathelminthes avec des appâts : limace ou ver de terre écrasé par exemple.
Dans tous les cas, il est important de noter leur présence et de la communiquer aux organismes à vocation sanitaire (la Fredon en Bourgogne) ou directement au Museum national d'histoire naturelle (voir encadré ci-dessous). La dernière carte publiée (octobre 2015 fait déjà état de la présence des plathelmminthes invasifs dans le Bas-Rhin, l'Ain et le Rhône, l'Yonne... Il serait étonnant que la Saône-et-Loire soit longtemps épargnée…
À vos observations donc pour contribuer à cartographier cet envahisseur indésirable et organiser la lutte qui s’imposera alors.



Que faire si je trouve un plathelminthe ?


D'abord, bien vérifier que c'est un Plathelminthe invasif terrestre en comparant avec les photos des espèces publiées sur le site de Jean-Lou Justine (www.bit.ly/Plathelminthe). Généralement, un Plathelminthe terrestre est allongé, plat, d'aspect lisse, un peu gluant. Il ne possède ni pattes, ni anneaux, ni yeux visibles, ni bouche. Il ne bouge pas très vite.
Les confusions sont possibles avec d'autres animaux, mais aucun n'est plat comme un Plathelminthe : limaces (mais elles ont des cornes), vers de terre (mais ils ont des anneaux), chenilles (mais elles ont des pattes), sangsues (c'est rare ! Et les sangsues sont aquatiques et ont des ventouses).
Ensuite, noter l'endroit (votre jardin, dans la terre, sous un pot de fleurs, ailleurs ?), et faire des photos de près - un bon smartphone fera une photo tout à fait convenable. Pensez à placer un objet pour montrer les dimensions : un mètre-ruban, du papier quadrillé, ou une pièce de monnaie. Envoyez la photo et vos coordonnées par mail à justine@mnhn.fr. Pensez à indiquer votre nom, la commune et le département, le nombre d’individus que vous avez trouvés, où, comment… Tous les renseignements peuvent être utiles.
Si possible, récolter le ver avec beaucoup de soin (ne pas l'écraser, le casser). Le mettre dans une boîte avec un peu de papier absorbant humide, mais pas d'eau. La boîte doit être bien fermée pour garder l'humidité - ne faites pas de trous dans le couvercle. Garder la boîte au frais (cave, pièce fraîche, votre jardin à l'ombre, bas du réfrigérateur) mais ne pas le congeler. Demander les instructions à Jean-Lou Justine.
Plus d'informations : www. bit.ly/Plathelminthe