Lutte contre la flavescence dorée en 2016
Des amendes à venir ?

Publié par Cédric Michelin
-
Le 14 décembre à Mâcon, les organisations professionnelles, la Fredon et le Sral faisaient le bilan 2016 de la lutte contre la flavescence dorée en Bourgogne cette année. Si les résultats sont « stabilisés », les responsables communaux déplorent un « essoufflement » de la part de certains vignerons. De nouveaux foyers sont à craindre, comme l’histoire l’a toujours prouvé dans les autres vignobles infestés. Pour garantir une prospection de qualité, plus de formations à la détection des symptômes sont prévues, mais également des amendes « dissuasives » pour ceux qui ne viendraient pas aux prospections collectives obligatoires.
133152--DSC_0037.JPG
En première ligne pour organiser la prospection, les responsables communaux, piliers de la lutte contre la flavescence dorée, en ont assez. « Ce n’est plus possible. Avec la taille des secteurs parfois à prospecter, on n’est que 4 à 5 à le faire. On cavale dans les vignes. Attention danger ! Surtout, ceux qui ont des grandes surfaces de vignes, parfois, n’envoient qu’un salarié une demi-journée. Il faut qu’ils mettent du monde en proportion de leurs surfaces. Idem pour les vignerons qui ont des vignes, mais dont le siège d’exploitation est ailleurs. Enfin, j’espère que ceux qui rigolent en nous voyant prospecter et qui ne prospectent pas auront une amende. Certains le font depuis quatre ans, il y en a marre », résumait Christine Bourgeon, viticultrice et maire de Mancey.
La salle approuvait. Tous réclamaient du changement. Président de la Commission technique de la CAVB, Jean-Hugues Goisot ne le sait que trop bien : « cela fait partie des points faibles par endroit. L’essoufflement de la mobilisation des vignerons pour prospecter est inquiétant, surtout dans la zone du foyer historique. Si la prophylaxie est faible, on risque de le payer vite ». La représentante de la CAVB, Véronique Lacharme, rappelait l’envoi de milliers de courriers « à tous ceux qui ont des parcellaires sur communes » pour les informer de l’obligation légale de la prospection collective. Fredon et Sral vont aussi « travailler sur les absents ». Reste que, pour les récalcitrants, « il faut une constatation par des agents assermentés, et pas seulement une absence sur une liste d’émargement », regrettait Jean-Hugues Goisot.

Pour une solidarité accrue


Nouveau chef du Pôle "Santé végétale, environnement, contrôles" à la Draaf SRAl, Dominique Crozier entend s’appuyer sur l’arrêté « obligeant à prospecter » chaque année. Les agents du SRAl se sont d’ailleurs rendus dans certaines communes « sous-mobilisées » pour constater les cas flagrants de non participation. Ils ont ensuite envoyé des courriers et des avertissements administratifs. « On peut aller plus loin. La prochaine fois, ce sera des procès verbaux », met-il en garde. Et d’expliquer le cours actuel de ce dossier : « on travaille actuellement sur les suites judiciaires, notamment sur la transaction pénale qui est une alternative aux poursuites. Ainsi, si les procureurs se montrent réceptifs au travail que nous avons engagé, des amendes forfaitaires seront proposées aux viticulteurs ne prospectant pas. Les montants et la réactivité des services devront être dissuasifs. En cas de refus, les contrevenants iront en audience avec le risque de peines plus élevées ».
Il y a lieu, selon Dominique Crozier, de pointer « les comportements individualistes qui nuisent à la poursuite d'un intérêt général reconnu par la profession, et de communiquer sur les enjeux et la désinvolture de certains ». Dominique Crozier indique en outre que « faire un procès verbal est un échec tant pour l'Administration que pour les responsables professionnels. En effet, cela veut dire que nous n’avons pas réussi à faire comprendre l’intérêt de prospecter collectivement. La flavescence dorée reste bien présente en Saône-et-Loire et il ne faut pas se relâcher ».
Le renforcement en 2017 des effectifs du SRAl, tout particulièrement ceux du Pôle "Santé végétale, environnement, contrôles", devrait permettre de faire davantage de contrôles et d'améliorer la vérification du bon arrachage des pieds marqués (rubalises), de s'assurer de la participation des viticulteurs à la prospection collective ou du respect des traitements dans les zones obligatoires.

26 cas positifs et deux nouvelles communes


Malgré des problèmes récurrents et en augmentation dans certaines communes de Saône-et-Loire, la mobilisation pour les prospections collective reste forte au niveau régional et progresse même dans certains secteurs.
La Saône-et-Loire et plus largement la Bourgogne ensuite ont été « exemplaires » jusqu’à présent, comparativement aux autres vignobles infectés en France. Le vignoble bourguignon doit maintenant relever son prochain défi : la lutte contre la flavescence dorée est une course de fond en équipe.
Bien que la situation soit « stabilisée », onze communes (26 échantillons) ont encore été contrôlées positifs. « Nous avons même deux nouveaux foyers - des pieds isolés - à Saint-Maurice-de-Satonnay et à Senozan. Et attention, malgré 2.131 analyses, nous ne pourrons jamais prélever toutes les parcelles et tous les pieds. De plus, des analyses peuvent revenir négatives et la commune se trouve ainsi classée, mais cela ne veut pas dire que la maladie n’y est pas présente », insistait Claudine Ninot-Lopez, la nouvelle technicienne de la Fredon Bourgogne, soulignant la difficulté de définir le risque réel.
Sans oublier que tous les vignerons bourguignons sont attendus au tournant par les opposants dogmatiques aux traitements phytosanitaires. « C’est de la provocation de vouloir revenir à trois traitements obligatoires pour tous », critiquait Jean-Hugues Goisot qui concluait fièrement une diminution de 88 % des traitements depuis la première année de lutte, qui avait été décidé en l’absence de prospection, permettant de calculer les risques de contamination.



Beaucoup de doutes…


Les référents communaux l’avouaient - sans toujours le dénoncer -, ils leurs arrivent de retrouver des pieds marqués (avec rubalise), mais non arrachés, comme l’oblige la loi. « On a eu beaucoup de doutes encore cette année, avec beaucoup d’expression de symptômes de jaunisse », expliquait l’un d’eux. Au regard des enjeux, des formations supplémentaires devraient voir le jour début d’année prochaine, tant pour les vignerons que pour leurs salariés. Pas de temps à perdre en effet, alors que François-Michel Bernard de l’IFV faisait un rappel sur les jaunisses de la vigne. Les symptômes sont communs au bois noir et à la flavescence dorée : changement de la coloration et enroulement des feuilles, rameaux non aoutés ou partiellement, rafle se dessèche... « et tous les rameaux du cep ne sont pas forcément atteints, parfois seul un entre-cœur est atteint avec quelques feuilles symptomatiques ». Dès lors, beaucoup de confusions sont possibles entre enroulement viral, Esca, BDA, carences, accidents de circulation, blessures… Et de rappeler qu’il n’est « pas possible visuellement de faire la différence des symptômes entre flavescence dorée et bois noir. Seule une analyse en laboratoire peut faire la différence ».

Le BIVB a décidé d’aller plus loin et finance des recherches sur les différents génotypes des phytoplasmes "vectorisés" par les cicadelles de la flavescence dorée. « Nous étudions aussi avec les chambres d’Agriculture l’Inra de Bordeaux notamment, les liens avec d’autres plantes environnantes et la possibilité du passage du phytoplasme de ces plantes à la vigne, même si cela reste très ponctuel », précisait Corinne Trarieux, responsable de la coordination technique au pôle Technique du BIVB. L’interprofession des vins de Bourgogne cofinance (projet Damav) par ailleurs des recherches de solutions pour la détection automatique des maladies de la vigne, notamment avec des drones « autonomes et capables de voler à basse altitude au plus près des vignes, avec une géolocalisation pour repérer les pieds ». Là encore, les chambres d’Agriculture sont impliquées, mais sur le marquage précoce des pieds. L’Université de Bourgogne a fourni une caméra « spectromètre » en 2015-2016 pour mesurer les ondes lumineuses des feuilles tout au long de la saison. Le traitement des données en cours doit tenter de trouver « des différences entre pieds sains et pieds malades de manière précoce » et permettre d’identifier les pieds atteints avant l’expression des symptômes.