Le modèle français du vin
Trop centré sur le marketing de l'offre

Publié par Cédric Michelin
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La filière française du vin a entamé une réflexion sur ses atouts et faiblesses face à la concurrence internationale, avec la restitution aux professionnels d’une analyse des filières vitivinicoles des principaux pays producteurs dans le monde, a indiqué FranceAgriMer le 19 décembre. Un trait majeur qui ressort de cette étude est que le modèle français est trop centré sur le marketing de l’offre. Cette réflexion sera poursuivie sous le pilotage conjoint du Cniv et de FranceAgriMer.
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Une étude, commandée par FranceAgriMer et le Cniv (Comité national des interprofessions viticoles), montre que le modèle français est trop centré sur le marketing de l’offre, une attitude qui, au lieu de partir des attentes du marché, propose des innovations pensées par la production.
Cette étude a pour objectif de rendre compte de l’état de la concurrence sur le marché mondial du vin. Cela à partir de l’analyse détaillée des filières vitivinicoles dans le monde. Elle a été présentée aux représentants de la filière viticole le 1er décembre. Elle porte sur dix pays : Afrique du Sud, Argentine, Australie, Chili, Chine, Espagne, États-Unis, France, Italie et Nouvelle-Zélande. Cette étude, accessible sur le site de FranceAgriMer, contient une synthèse de 27 pages, puis l’analyse comparée des filières, et enfin dix analyses de pays.

L’étude, qui a passé en revue les différents facteurs de succès de la France et de ses concurrents dans le secteur viticole, passe d’abord au crible la compétitivité des coûts de revient. Sur ce point, l’Afrique du Sud et le Chili ont la compétitivité la plus forte grâce à des rendements élevés et des coûts faibles de production de raisin et de vin. L’Espagne parvient aussi, et souvent par l’irrigation, à maintenir un coût de revient « particulièrement bas sur le vrac ».

La France valorise moins sa diversité que l’Italie



Sur un facteur de succès important, la diversité de l’offre, la France dispose d’un avantage compétitif : « Elle présente la meilleure couverture en termes de couleurs et de niveaux de prix, suivie par l’Italie et les États-Unis ». Mais « elle ne parvient pas à proposer les bonnes combinaisons par marché, pour bénéficier de la croissance mondiale ». L’Italie « a certes une couverture de son offre un peu moins importante que celle de la France, mais elle propose une variété supérieure ». La Nouvelle-Zélande « est très compétitive » avec une stratégie de niche et une offre réduite, positionnée sur des prix supérieurs. Tournée vers les marchés avec un marketing de la demande (versus marketing de l’offre), tout comme les États-Unis et l’Australie, elle a développé une offre très caractéristique de vins blancs haut de gamme et s’est de plus clairement orientée vers la notion de développement durable. L’Afrique du Sud dispose d’un potentiel d’adaptation grâce à une réglementation souple, et d’une capacité à arracher et replanter les cépages en fonction de la demande. Cependant, son offre « est en décalage avec les typologies favorables » de vin recherchées par le marché mondial.


L’offre italienne « particulièrement agressive en milieu de gamme »



Facteur de succès particulièrement crucial, la capacité des opérateurs à conquérir les marchés est un domaine dans lequel l’Hexagone pourrait faire mieux. La France se fait distancer par les opérateurs italiens, chiliens et néo-zélandais. L’Italie joue à la fois sur la diversité de ses vins, sur « sa culture du vin marquée » liée à sa gastronomie, tout en renouvelant son image auprès des consommateurs et des distributeurs, et avec une offre « particulièrement agressive en milieu de gamme ». Cela bien qu’il reste à l’Italie à améliorer sa compétitivité « coûts ». Les leaders chiliens « ont la capacité d’investissement pour soutenir la notoriété de leurs marques au niveau mondial », par exemple avec Concha y Toro. De plus, le Chili a clairement intégré les accords de libre-échange comme outil de développement et de compétitivité de sa filière : c’est le seul des pays étudiés qui bénéficie de droits à taux zéro dans les cinq principaux pays importateurs. Pendant ce temps, la Nouvelle-Zélande a construit des marques fortes (Delegat, Kim Crawford) et développé la notoriété du Sauvignon blanc, et elle utilise le démantèlement tarifaire comme instrument de compétitivité.




La France moins dépendante de l’export que la Nouvelle-Zélande, le Chili et l’Espagne



L’étude montre aussi les différents profils de dépendance des pays par rapport à l’export. La Nouvelle-Zélande, le Chili et l’Espagne sont des pays dont la part des exportations est la plus élevée par rapport à leur production. La Nouvelle-Zélande, avec un taux de dépendance de 83 % donc le plus sensible aux retournements de marché. La France, l’Italie et l’Afrique du Sud « sont plus robustes, grâce à l’équilibre entre leurs marchés » (taux de l’export peu ou prou similaire à celui du marché intérieur). La filière américaine est très peu dépendante de l’exportation, la part des exportations étant faible par rapport au total de la production, du fait de la taille du marché intérieur américain, le premier mondial et en croissance (+26 % ces dix dernières années et +1,7 % entre 2013 et 2014).