Un message qui sonne si juste
A l’adresse de ceux qui "savent"

Ancien président de la FDSEA de l’Yonne et actuel président de la section des Anciens exploitants, Marcel Huré est un homme de bon sens. Il vient de coucher sur papier une lettre ouverte « A l’adresse de ceux qui "savent"… et aux autres donneurs de leçons ». Un message fort et bien campé qui met en exerce deux questions que se pose le monde paysan :
- comment faut-il le dire pour se faire entendre ?
- comment faut-il faire pour être compris ?
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« La crise agricole est profonde, mais aussi dramatique pour bon nombre. L’arrêt d’activité pour manque de rentabilité n’est-elle pas quelque part une mort implacable, même si elle n’est pas physique humainement parlant... Quoi que... ?
Les promesses du ou des ministres du gouvernement et même du Président de la République ne sont que des promesses : elles n’ont pas besoin d’être tenues… Il faut d’abord rassurer.
Mais concrètement parlant, comment s’en sortir si le produit du paysan est mis sur le marché à 1 € alors qu’il coûte 1,20 € à produire ? Aucun producteur ne compte ses heures et bon nombre ne peuvent plus se verser de salaire. Qu’adviendra-t-il s’ils s’en vont grossir un peu plus les rangs des chômeurs dans un pays où l’emploi n’est plus au rendez-vous ?
Il y a bien des années - je suis déjà un vieux paysan -, l’Agriculture était le "pétrole vert de la France", venant garnir abondamment le plateau positif de la balance commerciale. Où en est-on aujourd’hui ? Qu’ont fait nos décideurs et que nous proposent-ils maintenant pour les cinq, dix, vingt prochaines années ?
Je n’ai personnellement pas la solution, mais quand j’ai entendu à la radio qu’une cigarette coûtait plus cher au consommateur qu’un litre de lait payé au producteur, j’ai eu un haut-le-cœur et la colère est montée, montée, montée… L’un est pourtant plus utile à la santé publique que l’autre !
Par quels margoulins sommes-nous dirigés ?
Pour le profit de qui ? Et au nom de quels principes ?
J’ai vécu ma vie de paysan avec envie, passion, détermination. Quand je vois la situation actuelle, j’ai envie de hurler : "halte-là ! Ca suffit comme ça !"
La mémoire s’altère avec l’âge, c’est bien connu, mais je vous rappelle que dans mes tout débuts de la vie, j’étais titulaire d’une carte d’alimentation, comme tous les citoyens de la République d’alors. La République d’aujourd’hui ne devrait-t-elle pas serrer les rangs ?
Suite aux événements de novembre dernier à Paris - dramatiques -, l’état d’urgence a été décrété et prorogé récemment. Ne faudrait-il pas aussi décréter l’état d’urgence pour sauver les paysans – ou ce qu’il en reste ! - en ce moment ?
Le lien qui nous unit est irréfutable, quel avenir pour la France sans paysans pour la nourrir ?
L’état d’urgence est pensé pour nous protéger tous et nous devons tous être unis pour protéger notre pays. Il faut se réjouir que la pénurie alimentaire n’existe plus et s’en souvenir lorsque l’on "veut" prétendre mettre en place une Politique agricole commune, fut-elle à 28 Etats européens. Cette même Europe qui nous a exhortés à produire et qui nous tourne le dos aujourd’hui. Elle devrait au contraire nous guider, nous donner le cap à tenir pour solidariser société et paysannerie.
Mais à quand une once de bons sens… paysan ?
».


Dans l’éditorial de Marcel Huré, chacun y lira la réaction pleine de bon sens d'un paysan retraité qui ne voit plus les perspectives offertes actuellement aux actifs. Si certains décideurs veulent entendre ces propos, peut être que l'on aura fait un pas…