Fédération nationale bovine à Nevers
Un prix à reconstruire, un consommateur à séduire

Publié par Cédric Michelin
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Depuis des années les éleveurs achoppent sur la question du prix de leur production. Acculés financièrement, après le coup de massue de 2016, ils n'ont plus d'autres choix que d'exiger un nouveau mode de construction du prix de la viande, sans complément de prix, mais intégrant les coûts de production et la valeur de leur travail. Un changement de paradigme qui devra bien aboutir en 2017.
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Après le coup de massue de 2016, voici venu le temps de la riposte. 2017 sera l'année de la reprise en main de leur avenir par les éleveurs. Une évidence se détache du congrès FNB qui vient de se tenir à Nevers les 1er et 2 janvier : les éleveurs représentés au sein de la Fédération nationale bovine ne lâcheront rien sur les prix et ne se contenteront plus de mesurettes ou de rustines inefficaces. « Des prix fermes et définitifs et plus aucun complément de prix », le message porté par Jean-Pierre Fleury, président de la FNB, sonne comme un avertissement à l'aval de la filière, face « au dysfonctionnement de la chaîne alimentaire ».
Pour construire il faut d'abord déconstruire, inverser la logique de construction du prix qui désavantage aujourd'hui l'éleveur, coincé entre la position dominante du premier industriel de l'abattage et un système de formation du prix qui pénalise systématiquement l'acte de production.
A trop vouloir gagner d'un côté on désespère l'éternel perdant, qui ne voit une issue que dans la construction de nouveaux équilibres plus équitables. Le salut n'est pas possible sans la revalorisation du prix et la prise en compte des coûts de production. Car les éleveurs ont beaucoup investi dans leur métier, ils se sont adaptés et ils s'adapteront encore. De fait, pour le président de la FNB « les éleveurs de France sont bien dans le monde d'aujourd'hui, moderne, connecté, en adaptation permanente, en pointe sur les technologies modernes, au rendez-vous de la compétitivité ». Sur ce dernier point ils n'ont pas à recevoir de leçon..

Les lignes bougent...



A force de démonstrations sur le terrain et à force de pression syndicale, du local au national, « les lignes bougent ». Certaines avancées se confirment comme autant de chantiers à poursuivre : relèvement du seuil ICPE, clôture du contentieux nitrates, fumiers au champ, arrêté de surveillance de la faune sauvage, observatoire de la viande à Bruxelles, référentiel coût de production, indicateur steack hâché, étiquetage des viandes comme ingrédient, auto-vaccination, avancée sur le dossier de la révision des zones défavorisées... Les lignes bougent sur le plan réglementaire et sur le plan d'un meilleur positionnement commercial des races à viande aussi, grâce à la démarche « coeur de gamme » qui monte en puissance et grignote ses parts de marché dans l'ensemble des grandes enseignes, à deux exceptions près...

... le monde aussi bouge



Invité à témoigner, Serge Papin, président du groupe coopératif Système U, insiste : « nous sommes tous dans le même bateau », obligés de trouver de nouvelles propositions de produits pour répondre à la baisse tendancielle de la consommation de viande bovine. Une baisse qui correspond d'abord à un changement dans nos modes de vie et de consommation et aussi à cette difficulté bien française à faire évoluer les schémas traditionnels, à sortir de notre conception par trop étriquée du repas à la française, alors que les modes de consommation se sont mondialisés. Sur ce plan, renchérit Denis Lerouge (directeur de la communication produits marketing d'Interbev) « nous sommes des dinosaures », nous n'avons pas pris la mesure des changements culturels et sociétaux radicaux de ces dernières décennies. Les jeunes générations sont plus « nomades », elles préfèrent le snack et les repas pris sur le pouce à la tradition du déjeuner ou même du dîner bien composés. Et quand on sort de l'hexagone, c'est encore plus flagrant, « le repas à la française n'existe qu'en France. Sur la viande bovine on a intérêt à regarder ce qui se passe ailleurs dans le monde », renchérit Emmanuel Bernard, président de la commission export d'Interbev. L'Asie notamment, apparaît comme un réservoir intéressant de nouvelles propositions de préparation ou de consommation de la viande bovine. Côté production, un constat s'impose : « il est temps de passer d'une culture des volumes à une culture de la valeur ».


Un impératif : ne pas décevoir le consommateur



Même Mc Do, représenté par Rémy Rocca, directeur des achats, s'inscrit dans cette démarche qualitative, du « moins mais mieux ». L'enseigne qui constate une perte de 8% de la consommation de viande bovine dans ses fast food depuis 2012 a mis en place un burger haut de gamme « Signature », à base de viande charolaise premium. Reste à savoir maintenant comment la valeur ajoutée de cette viande premium trouvera le chemin de la poche des éleveurs, sous forme de prix premium lui... Et quand Mc Do observe que depuis 2007 « les prix des avants ont flambé », la salle apprécie l'information et retourne ses poches en cherchant où a bien pu passé cette plus value...

S'adapter aux nouvelles tendances, c'est l'objectif de Système U qui recrute et forme des bouchers en conséquence. L'enseigne a été l'une des premières à s'investir dans la démarche du coeur de gamme. Elle cible une clientèle attirée par le premium, travaille à la création de nouvelles spécialités bouchères et installe des caves à maturer dans certains de ses magasins...

De nombreux éleveurs, notamment des jeunes comme Jérôme Pitot, apprécieraient d'en savoir un peu plus sur les critères qui participent à l'amélioration qualitative de la production de viande dans les élevages.

Prix et qualité s'affirment donc comme deux objectifs indissociables et ses deux batailles s'inscrivent dans la durée. Dès l'ouverture du congrès Stéphane Aurousseau, président de la FDSEA 58 qui accueillait les congressistes, n'y est pas allé par quatre chemins, « nos conditions d'élevage ne garantissent pas la qualité attendue sur la tendreté. Il faut donc agir où c'est nécessaire pour que la situation s'améliore ». La tendreté est conditionnée à de nombreux paramètres : conditions d'élevage, choix des carcasses, génétique et, sur ce dernier point, beaucoup reste à faire en terme de sélection. « Il faut s'intéresser à ce qui intéresse le consommateur, et quand il est face à son assiette, la seule chose qui compte c'est qu'il ne soit pas déçu par la qualité ».

Dans sa conclusion Jean-Pierre Fleury ne pas dit autre chose, quand il rappelle que « la finalité du métier d'éleveur est d'abord de produire une viande qualitative, gustative, selon les attentes du consommateur. La viande reste un produit festif, un produit plaisir ».



Les combats pour aujourd'hui et pour demain



Un certain nombre de combats restent à mener que Jean-Pierre Fleury a énuméré : la dématérialisation, le bouclage électronique (le bouclage financier tarde et la FNB s'oppose à tout lancement avant que ce point soit clarifié), un nouveau contrat pour les veaux de boucherie, la gestion des aides Pac, les négociations en cours et à venir des accords de libre-échanges et la défense de l'élevage français au sein de ces nouveaux équilibres, la Pac post 2020... Dossier de tous les dangers, la future Pac doit montrer que l'Europe ne cède pas un pouce de terrain en matière de sécurité et d'indépendance alimentaire. Cette négociation sera l'occasion de rappeler que l'Agriculture a toute sa place pour lutter contre le changement climatique et qu'elle représente aussi une alternative sensée à la production et à la transformation de matières carbonées.