Lait de chèvre
Sortir de la crise

Publié par Cédric Michelin
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Alors que la France est en pénurie de lait de chèvre depuis une crise de surproduction en 2010, la filière lait de chèvre veut rebondir, et espère que le prix du lait, actuellement élevé, incitera les éleveurs à produire.
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La filière lait de chèvre espère entrer dans une spirale positive en 2015, pour enfin sortir de la crise dans laquelle elle s'enlise depuis quatre ans. En 2010, une hausse de la collecte hexagonale, augmentée d'importations, a abouti à une surproduction et une chute des cours, qui a provoqué une crise et une énorme baisse de la production.
« Nous sommes obligés de faire des arbitrages entre les différentes références, on privilégie les produits qui ont une forte rentabilité », témoigne Dominique Verneau, président de l'Association nationale interprofessionnelle caprine (Anicap) et directeur de la production des Laiteries Triballat. Aujourd'hui, des produits premiers prix sont absents des rayons, ce qui entraîne une baisse de la consommation : depuis le début de l'année, les achats des ménages en fromages de lait de chèvres ont diminué de 6,8%, et de 11,7% pour les bûchettes, qui représentent la moitié des volumes achetés, d'après le Kantar Worldpanel.

La collecte se stabilise, les prix augmentent



De janvier à mai 2014, la collecte est en repli de 2% par rapport à la même période l'année précédente. La collecte recule moins qu'en 2013, où elle avait été 10% inférieure à 2012, indiquait FranceAgriMer en juin. Dans le même temps, le prix moyen payé au producteur continue d'augmenter, de 6,7% sur les trois premiers mois de l'année pour atteindre 702 euros les milles litres, chiffre l'Institut de l'élevage. « Le prix du lait est élevé, mais les hausses des charges ne sont pas totalement compensées, il manque une trentaine d'euros les mille litres », tempère Jacky Salingardes, éleveur en Aveyron et président de la Fédération nationale des éleveurs de chèvres (Fnec). En effet, les coûts de production, calculés par l'Ipampa, « se maintiennent à un niveau élevé et progressent légèrement en 2014 », note FranceAgriMer.


Vers un retour de la production ?



FranceAgriMer pose la possibilité d'une recapitalisation du cheptel, encouragée par l'augmentation du prix du lait. Fin 2013, l'institut note une augmentation du nombre de chevrettes (+0,8%) et une baisse de l'abattage de caprins début 2014. Jacky Salingardes veut croire en cette tendance, « mais ce sera compliqué car les trésoreries des éleveurs sont très basses. Il n'y a quand même pas un engouement énorme, et ceux qui ont arrêté ne reviendront pas ». S'il espère une reprise de la production en 2015, il ne pense pas que la France atteigne une collecte correcte avant 2017. Dominique Verneau abonde : « Avec un revenu au plus bas chez les producteurs de lait, nous sommes en incapacité d'attirer les installations et d'entraîner une augmentation de la production ».


La grande distribution devra augmenter ses tarifs



Pour les deux professionnels, la solution passe par une hausse des prix payés par la grande distribution. « Il faudra avoir de nouvelles hausses, qui passent par des augmentations des prix de vente au consommateur », assène Dominique Verneau. « En mars, nous avions réussi à faire comprendre à la grande distribution que sa stratégie était dangereuse. Mais ils ont recommencé leur guerre des prix depuis mai, avec des prix de vente aux consommateurs qui ont baissé », témoigne-t-il.
« La perte de revenus touche les gros comme les petits élevages, les producteurs ne pourront pas trouver leur salut dans la hausse de la productivité », précise le président de l'Anicap.
« La grande distribution doit passer des hausses, la situation n'est pas tenable, ils n'ont pas le choix s'ils veulent des produits en rayons », renchérit Jacky Salingardes, qui calcule qu'« avec une hausse de 30/50 euros les 1.000 litres de lait, ça fait moins d'un euro par an par ménage ».
La production va chuter à partir d'octobre, et avec le tarissement des animaux en novembre. « Il y aura une nouvelle pénurie de fromage à la fin de l'année », anticipe t-il.