Bourgognes Côte chalonnaise
Bourgogne(s) cherche(nt) identité(s)

Publié par Cédric Michelin
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Le 16 mars à Jully-lès-Buxy, le syndicat des bourgognes Côte chalonnaise se réunissait en assemblée générale pour revenir sur son activité passée et à venir. Les vignerons avaient également invité l’ODG bourgogne pour faire le point sur leur identité ou plutôt ses identités. Un travail de longue durée se profile donc à nouveau avec l’INAO. Une caractérisation qui aura aussi un impact sur la délimitation des parcelles en Bourgogne… et en Beaujolais.
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Vigneron à Saint-Denis-de-Vaux, Bruno Landré, le président de l’ODG bourgogne Côte chalonnaise déroulait les actions maintenant habituelles et reconduites. En 2014, le syndicat viticole fut partenaire du festival "Chalon dans la rue". Cette opération de communication consiste à fournir 300 bouteilles au festival. En échange, l’ODG reverse 6,5 €/col aux vignerons et aux caves coopératives participants. Ainsi, les journalistes et les compagnies de théâtre de rue ont-ils la possibilité de découvrir le millésime et les qualités de l’appellation. Difficile toutefois de mesurer les retombées économiques ou médiatiques, tant la diversité est grande lors de telle manifestation. La Maison des vins de la Côte chalonnaise est également partenaire de l’événement et peut en témoigner.
Autre événement auquel participe l’ODG, la vente de la Fête des grands vins de Bourgogne organisée chaque année à Beaune lors du weekend de la célèbre vente de charité des Hospices de Beaune.
Pour financer ces opérations de promotion de l’appellation, l’ODG vend des verres, ce qui permet de maintenir les cotisations à un niveau « stable » depuis plusieurs années, fixées à 8 €/ha, rappelait le trésorier, Pierre-François Goubard, vigneron à Saint-Désert.

Tensions autour de vignes abandonnées


En revanche, lors des visites de vignes (Aluze, Chassey-le-Camp…) en 2014, la commission technique de l’ODG a remarqué « pas mal de vignes à l’abandon » « avec parfois 30 à 40 % de pieds manquants » dans certaines parcelles, provoquant un avertissement et une contre-visite. Renseignements pris, après des difficultés pour retrouver les propriétaires ou exploitants, la CAVB fait souvent le constat qu’il s’agit malheureusement bien souvent de vignerons « en difficulté ». Un dilemme se pose alors pour la profession d’appliquer ou non des sanctions pour ces derniers, déjà mal en point. Ce qui parfois « peut provoquer des tensions » avec les vignerons riverains qui, eux, constatent une détérioration des vignes. Cette année, le secteur inspecté - toujours autour de 20 % de l’AOC - sera celui de Saint-Boil, sans doute moins problématique faisaient remarquer les vignerons et vigneronnes du secteur présents dans la salle.

Quelles couleurs demain ?


Le directeur de l’ODG bourgogne, Guillaume Willette, enchaînait sur le nouveau système de gestion de la production en Europe avec maintenant des autorisations de plantation. Si la libéralisation totale n’a pas eu lieu, reste des changements importants « de philosophie » qu’il résumait ainsi : « depuis le 1er janvier, le système s’est inversé avec un droit à la croissance. C’est si l’on veut moins de plantations dans une appellation qu’il faut argumenter ». Pour cette campagne, 100 hectares sont à planter en Bourgogne, soit « plus de 1 % de croissance, volontairement car, en AOC bourgogne rouge, l’idée était de redonner du souffle », face à une pénurie actuelle bien réelle et la demande croissante des marchés. L’aligoté a lui été « limité » à 20 hectares et le passetoutgrain à 1 hectare, « car on ne pouvait pas mettre 0 ». 50 hectares de coteaux bourguignons sont aussi possibles. Un signe clair en direction du négoce pour voir s’ils veulent vraiment développer cette appellation.

Accentuation des cycles d’arrachages/plantations


Un système qui reste donc « d’essence libérale » qui, à terme selon les analystes, pourrait refaire surgir le spectre de « la surproduction » en Europe. Ce nouveau système pourrait même « accentuer les cycles » arrachages/plantations.
Car les ODG ont perdu au passage le droit de gérer les "contingents" par couleur, ce qui pour l’appellation bourgogne veut dire que l’ODG ne peut plus orienter vers des plantations en pinot, chardonnay, gamay ou aligoté, « alors que ces marchés ne vivent pas de la même façon », mettait en garde l’ODG bourgogne.
Ainsi, concrètement, un vigneron arrachant une vigne de bourgogne aligoté obtiendrait, s’il le demande avant sur Vitiplantation, une autorisation à replanter dans l’appellation bourgogne de son choix : pinot, gamay, chardonnay ou, bien sûr, aligoté. Le président de l’ODG bourgogne, Gérard Maître précisait que FranceAgriMer a néanmoins laissé le choix aux ODG « de bloquer » ce système à l’avenir en fonction des bilans annualisés. « Mais avec les replis, cela s’imposerait à toutes les ODG d’une même région » laissait-il sous-entendre, ce qui ne manquerait pas de créer des tensions en cascade chez les professionnels.

Délimitation « ambiguë »


Enfin une dernière régulation est possible pour les nouvelles demandes de plantations, l’autorisation est délivrée avec un engagement jusqu’en 2030 pour l’appellation revendiquée sur la parcelle. « Les replis seraient possibles, mais FranceAgriMer ne sait pas répondre si c’est par origine d’appellation ou par segment (AOP, IGP, VSIG) », prévenait Guillaume Willette qui conseille donc d’attendre « encore 15 jours ». L’ODG enverra une information à tous les producteurs, alors que bien d’autres questions sont encore sans réponse de la part des administrations. A commencer par la délimitation même de l’appellation bourgogne « dans le Beaujolais et le Chablisien », pointait Guillaume Willette. Les crémants de Bourgogne sont dans cette même situation et d’autres appellations françaises aussi. A l’été 2015, l’Institut a donc du « se positionner pour ne pas permettre les plantations dans les secteurs non délimités encore ».
Pour Gérard Maître, il s’agit surtout de « la clarification d’une situation ambiguë, puisque nous avons connu des plantations importantes de chardonnays et de pinots, contournant toutes les règles qu’on essayait de mettre en place ».

Pour une délimitation « inattaquable »


Résultat, le dossier de délimitation « repart de zéro » avec une volonté d’une « délimitation cohérente ». Reste qu’à ce jour les experts de la commission d’enquête (non mandatée à ce jour) ont devant eux « un travail de fond » à effectuer pour déterminer une « règle globale du Nord au Sud » pour que cette délimitation « soit inattaquable » en Grande Bourgogne. « C’est ce que tout le monde voulait mais, à ce jour, personne ne sait le résultat final, s’il y aura plus ou moins de communes » délimitées, notamment dans le Beaujolais. Réponse dans quelques années. Trois ans annoncés par la Commission nationale de l’INAO, mais… l’Institut sait qu’il joue gros puisqu'il risque alors de se retrouver une nouvelle fois "désavoué" par les juges du Conseil d’Etat sur sa capacité à délimiter une appellation.

Une identité commune avec des différences


Reste que ce travail peut au final être bénéfique pour tous. En se posant ces questions d’identité "basiques", les bourgognes identifiés avec dénomination géographique - tels que ceux de la Côte chalonnaise - vont pouvoir travailler leurs caractéristiques communes et leurs différences. « L’idée est maintenant d’enrichir le discours : argumentaire et vocabulaire », encourage l’ODG. Avec à terme, des « outils » de communication qui serviront à tous et notamment au BIVB.
Un travail de dégustation doit donc maintenant se mettre en place pour faire des bourgognes Côte chalonnaise des régionales « haut de gamme ». La visibilité d’une telle démarche pourrait rapidement être gagnante, puisque les journalistes sont demandeurs d’information sur les futurs bourgognes… Côte-d’Or, annoncés depuis longtemps, qui pourraient être annoncés cet été et dont le premier millésime pourrait être le 2017. Dès lors, les "anciens" bourgognes identifiés pourraient bien en profiter...