Beaujolais nouveau 2014
Destins liés

Publié par Cédric Michelin
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Bruno Mallet, directeur général de la maison Aujoux, a accepté d’analyser le marché des beaujolais primeurs. Il incite aussi à valoriser les vins de garde. Interview.
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Quelles analyses faites-vous du marché pour les vins nouveaux ?
Bruno Mallet : « même si on note une légère baisse du prix moyen de vente des beaujolais nouveaux par rapport aux orientations fixées par l’ODG beaujolais-beaujolais villages
(220 € / hl), les cours se stabilisent. En revanche, ceux des beaujolais villages nouveaux ont baissé. N’oublions pas que la récolte de 2013 était tardive. En matière d’organisation, les négociants avaient privilégié la précocité de certains secteurs en beaujolais villages.
Cela fausse donc les chiffres actuels. La stabilisation des cours depuis trois ans permet à la viticulture de vivre. Malgré tout, il faut l’avouer, les volumes commercialisés ne sont pas satisfaisants. Certes, les enregistrements ne sont pas encore terminés. Sans prendre en compte les chiffres liés à la vente directe, il va manquer entre 30.000 et 40.000 hl. En 2013, 200.000 hl avaient été enregistrés contre 166.600 hl au 22 octobre*. »

Comment expliquez-vous cette baisse de volume ?
B.M. : « il est primordial de contextualiser l’état actuel du marché. Le millésime 2011 était exceptionnel, avec des vins de qualité mais peu rémunérateurs, soit 162 €/hl pour les beaujolais nouveaux et 170 €/hl pour les beaujolais villages nouveaux. En juillet 2012, lors d’une réunion, nous avions convenu d’une remontée progressive des prix sur deux ou
trois années. La pénurie de récolte de 2012 a entraîné une hausse importante des cours. Les responsables de l’ODG ont pris les bonnes mesures en adoptant un coefficient à 0,6. Mais c’est en juillet 2013 que le rendez-vous avec les responsables de la viticulture a été manqué.
Selon moi, il fallait récupérer ces volumes perdus en privilégiant une base de prix de 200 à 205 €/hl et non de 220 €/hl pour les beaujolais. Cela ne s’est pas fait. Certains s’en sont félicités, pas moi. Je considère donc que la campagne 2013 a été mauvaise. Elle a d’ailleurs des répercussions sur celle de 2014. Les opérateurs français et étrangers avec qui nous travaillons, notamment le Japon, établissent leur budget promotion en fonction des cours. Nos clients n’ont pas voulu amputer leurs opérations de promotion autour du beaujolais
nouveau, ce qui explique la perte des volumes. Certes, Inter Beaujolais alloue des budgets importants pour la promotion, mais il ne faut pas tout attendre de cette instance. Nos importateurs participent aussi au rayonnement du beaujolais nouveau. »

En tant que négociant, quelle est la place des vins du Beaujolais sur le marché actuel du vin et, selon vous, quels sont les axes de progression à privilégier pour développer leurs ventes ?
B.M. : « l’image du Beaujolais n’a jamais été aussi porteuse. Ses vins restent incontournables. La presse est également unanime à ce sujet et ne cesse de valoriser l’effort qualitatif des producteurs. Les campagnes d’Inter Beaujolais de mises en avant des vins de garde englobant les appellations beaujolais, beaujolais villages et les dix crus portent leurs
fruits. Mais, je le conçois, la demande est plus forte autour des crus. Il faut donc faire le maximum pour développer les ventes de beaujolais et beaujolais villages de garde. Dans un récent communiqué, l’ODG beaujolais-beaujolais villages a justement rappelé la nécessité
de travailler sur la force de vente et la valorisation des deux appellations.
Sur ce second axe de travail, je suis entièrement d’accord avec leurs représentants. La vente directe à la propriété est une solution. Les viticulteurs doivent insister sur la valorisation de cuvées haut de gamme, à condition que les prix augmentent dans les mêmes proportions que le vrac sur ces trois dernières années. En revanche, je considère inapproprié le reproche fait aux négociants quant à leur force de vente. Tous nos salariés travaillent chaque jour à la promotion du vignoble à travers le monde et la France. Aujourd’hui, la situation est telle que la perte de surfaces menace encore. Comme les viticulteurs, nous ne pouvons qu’être concernés par ce risque. Nos destins sont liés. On se doit donc de travailler main dans la main. » ■

* Au 27 octobre : 168.420 hl.