Laurie Gauthey
L’art unique du filet de marqueterie

Alors que la France demeure l’un des leaders mondiaux en matière de création de produits de luxe, de nombreux artisans tentent de vivre de leur art aux quatre coins de l'hexagone. A l’image de Laurie Gauthey qui est aujourd’hui quasiment la seule à produire dans notre pays des filets de marqueterie.
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De longues années durant, le nom de Gauthey a été une référence en matière de marqueterie. Tout d’abord dans la capitale, puis du côté de Lacanche. Une société familiale qui bénéficiait alors d’une forte implantation sur les marchés asiatiques. Tandis que l’entreprise fermait définitivement ses portes, Laurie Gauthey émettait le souhait de ne pas laisser perdre ce savoir-faire absolument unique dont elle est aujourd’hui l’une des seules, sinon la seule, dépositaires en France. Un pari particulièrement audacieux pour une jeune femme de vingt-deux ans. « A la base, je n’avais pas l’ambition de poursuivre dans la tradition familiale de la marqueterie. Mais mes parents ont eu besoin d’un coup de main lorsque j’étais élève en terminale. C’est à ce moment précis que j’ai attrapé le virus. J’ai ensuite fait le choix de devenir apprentie et de me consacrer à la marqueterie ». Ce qui lui vaut de décrocher en 2009 un CAP d’ébénisterie.

Un pari sur l’avenir


Forte de cette formation, Laurie Gauthey a recherché des locaux pour s’installer. Ce qui a été le cas à Tournus. « Je suis ravie de l’accueil de la municipalité. Je dispose aujourd’hui d’une surface de 300 m² ». Et c’est le 1er avril dernier qu’a démarré officiellement l'activité de Placage et filets Gauthey. « Je travaille seule et je me suis spécialisée dans la fabrication de filets de marqueterie », lesquels peuvent se présenter sous trois formes. Ils sont, soit composés –avec un liseré de bois décoratif disposant de motifs–, soit simples, soit de luthier. Laurie Gauthey s’est pour sa part concentrée sur les filets de marqueterie composés. Dans ce cas, il y a l’utilisation soit de bois massif (de tout type d’essence) soit de placages, c’est-à-dire des feuilles de bois. Pour réaliser de tels filets, plusieurs étapes sont nécessaires. A savoir le découpage, l’usinage et le collage. Des pièces dont la dimension varie d’un modèle à l’autre de 2 mm à 8 cm en largeur, la longueur étant invariablement d’un mètre. « Par le passé, cela servait à agrémenter les façades de tiroirs et de portes. Ou encore des plateaux de machines à coudre ». Aujourd’hui, cela permet de décorer aussi bien des meubles que des panneaux, des parquets, des coffrets, des cadres, des bijoux, des portes, des fenêtres ou encore des escaliers.

Transmettre ses connaissances


Par ailleurs, l’une des autres activités de Laurie Gauthey consiste en la réalisation de placages teints qu’on ne trouve aujourd’hui qu’en Italie. Des transalpins qui utilisent un mode de production industriel et extrêmement chimique. « Par rapport aux Italiens, j’obtiens des couleurs beaucoup plus vives et donc qui correspondent mieux aux attentes des marqueteurs français ». Un ensemble de compétences uniques que Laurie Gauthey doit désormais développer en allant à la rencontre aussi bien des lycées que des ébénistes et des tabletiers, ces derniers utilisant beaucoup de placage peint. Quant à son futur, cette jeune chef d’entreprise entend trouver la personne idoine pour partager ses connaissances. « Je n’ai pas envie de garder ce savoir-faire uniquement pour moi. J’ai la volonté de le partager. Dès lors, il s’agira de trouver dans l’avenir quelqu’un avec qui travailler ».

Qu’est ce que la marqueterie ?


La marqueterie est l’art de combiner différents placages de bois teintés ou naturels en les juxtaposant ou en les incrustant sur un support (meuble, boiserie, ou tableau). Les images ainsi obtenues peuvent être géométriques (on parle alors de frisage), figuratives ou abstraites. Le placage de bois est un morceau de bois d’environ 0,6 mm d’épaisseur. Sa longueur et sa largeur dépendent de la taille du tronc de l’arbre dont il provient. Ces placages sont assemblés et collés sur une surface en bois. Pour obtenir une surface d’épaisseur égale et lisse, il est nécessaire de poncer le motif réalisé. Le motif peut représenter tout ce qu’il est possible de dessiner. C’est à dire fleurs, paysages, animaux, formes géométriques et tout autre thème au gré de l’imagination de son créateur. Cet ornement permet non seulement de décorer ou de compléter la décoration d’un meuble et de n’importe quel objet en bois mais aussi de réaliser des tableaux de toute forme et couleur.



La marqueterie et sa longue histoire


À l’origine de la marqueterie, il y a en fait l’incrustation. Pratiquée dans la décoration d’objets en bois depuis le début de l’antiquité égyptienne, cette technique consiste à creuser le bois pour y placer les morceaux d’une autre matière (os, corne, ivoire, pâte de verre, pierre...) ou d’une essence différente. Cette technique décorative est particulièrement utilisée et s’est rapidement diffusée dans tout le monde antique. Une incrustation qui ne survit toutefois pas à l’empire romain. C’est au XIVe siècle que les Italiens réutilisent cette technique pour orner le mobilier. La marqueterie atteint son apogée aux XVIIe et XVIIIe siècles sous les styles Louis XIV et Louis XV notamment. Ensuite, la marqueterie est délaissée au XIXe siècle, utilisée principalement en frisage (style Louis-Philippe). La fin du dix-neuvième siècle voit renaître cet art pour magnifier formes naturelles et torturées de l’Art nouveau. Pour sa part, le filet de marqueterie s'est imposé au fil des siècles, notamment dans l’évolution du meuble et de la décoration. A partir de 1880, les frères Buffard passent de l'artisanat au stade industriel en conservant la qualité et la créativité des grands maîtres français. Une reconnaissance internationale de leur production a ainsi permis au filet de marqueterie de voyager à travers les cinq continents.