Agriculture de Bourgogne Franche-Comté
Un secteur sinistré

Les agriculteurs de BFC font face à une crise sans précédent. La perte pour l’année est dès lors déjà estimée à plus de 443 millions d’€. Une crise en cascade qui aura un impact considérable pour le milieu rural…
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Christiane Barret, préfète de région, et Sophie Fonquernie, vice-présidente à l’agriculture du Conseil régional, ont reçu les organisations agricoles le 29 juillet pour un passage en revue complet des dossiers d’actualité. La profession a insisté sur la nécessité de trouver rapidement des solutions concrètes aux difficultés rencontrées par les agriculteurs.
Rapidement, les responsables agricoles sont rentrés dans le vif du sujet, alors que la profession est confrontée à une crise sans précédent qui frappe par son ampleur, par sa durée et qui conjugue plusieurs phénomènes :
- une baisse de prix simultanée dans plusieurs productions (lait, viande, céréales…) ;
- une chute des volumes et de la qualité des moissons avec des conditions climatiques extrêmes (inondations et intempéries…) ;
- des complications administratives avec des retards de paiement des aides et de nouvelles contraintes…
Pour Frédéric Perrot, président de la FRSEA BFC, « à ce jour, les pertes sont estimées à plus de 442 millions d’€ en Bourgogne Franche-Comté ». « Si nous ne prenons garde, l’automne sera très compliqué. Et il y a beaucoup d’inquiétudes dans les campagnes », complétait Michel Renevier, vice-président de la chambre régionale d’agriculture.
« Au regard de la situation, il faudra sortir du cadre pour trouver des solutions », insistait Stéphane Aurousseau, président de la FDSEA de la Nièvre. « Un des sujets qui préoccupent est la date de versement du solde des aides Pac 2015, toujours en attente, alors que les agriculteurs vont être obligés d’acheter maintenant les semences et d’assurer les frais de cultures pour la prochaine récolte », notait Fabrice Faivre, président de la FDSEA de Côte-d’Or. « Les banques ont compris la situation », soulignait Philippe Monnet, président de la FDSEA du Doubs, pour qui « elles vont proposer la restructuration de la dette aux exploitations agricoles fragilisées ».

Des filières en souffrance


Pour la filière viande, Jean-Pierre Fleury, président de la FNB, avertissait : « la crise est devant nous, les mesures européennes pour la filière Lait vont se traduire par un gigantesque plan de restructuration et plus de 300.000 vaches laitières vont se trouver sur le marché. Pour éviter le pire, il faut un soutien massif à l’exportation ». Mais au-delà de cela, « nous devrons nous reposer la question sur l’Europe qui est passée, en quelques années, d’un marché unique à une dérégulation des marchés conjuguée à une concurrence exacerbée entre pays ».
Pour les grandes cultures, Jacques de Loisy, responsable de la section céréales, rappelait que « la moisson a été catastrophique en particulier pour les blés et les orges. La réglementation pèse pour 100 € par hectare, la baisse des aides Pac représente au moins 100 € par ha, en cumulant les difficultés, les producteurs de grandes cultures se trouvent maintenant en situation financière difficile. Nous souhaitons pouvoir regarder rapidement et concrètement la mise en place du plan d’urgence annoncé par le ministre ».
« Concernant le lait, il est urgent de connaître les modalités des mesures européennes en particulier les aides à la trésorerie », avançait Frédéric Perrot qui poursuivait sur les dossiers qui fâchent : « en pleine crise pourquoi charger encore un peu plus la barque avec les nouvelles zones vulnérables ? ».

Et les dossiers de fond…


Stéphane Aurousseau abordait la question des Zones défavorisées simples : « nous attendons la nouvelle carte au sujet de laquelle la Bourgogne Franche-Comté pourrait perdre plus du tiers de son zonage actuel. Nous vous demandons de suivre ce dossier de très près ! ».
« Cette crise est encore plus difficile à vivre pour les récents investisseurs comme les JA, et l’administration devra en tenir compte, qu’est-ce qu’on fait des jeunes qui n’ont pas prévu la chute des cours dans leur plan d’entreprise ? », soulignait Guillaume Gautier, président des JA de BFC.
Enfin, Christian Decerle, président de la chambre régionale d’agriculture, relançait l’État et la Région pour que les mesures annoncées soient rapidement opérationnelles : « les chambres vont professionnaliser l’accompagnement des exploitations fragilisées, mais il faut accélérer le lancement des audits et nous attendons une réponse pour avoir un commissaire au redressement productif dédié au monde agricole ».

Quelques avancées


Face à ces interpellations, Christiane Barret s’engageait à organiser une réunion avec les banques début septembre. Les cellules d’urgence vont être relancées dans les départements. Les modalités du plan d’urgence pour le secteur céréalier seront examinées dès que le dispositif sera opérationnel.
Pour le commissaire au redressement productif, une proposition est à l’étude. Une dérogation sera prise pour la possibilité de réaliser des faux semis à la place des cultures intermédiaires, pièges à nitrates.
Par ailleurs (lire dans notre édition du 27 juillet en page 4), l’État et la Région entendent mobiliser des crédits supplémentaires pour le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles Bourgogne (PCAE). Mais malgré de nombreuses relances et un courrier du ministre, les 2 millions d’€ encore disponibles du Fac 2 n’ont toujours pas été affectés faute d’avoir reçu les consignes du ministère sur ce sujet…
Enfin, concernant le plan d’actions immédiates de la Région, la vice-présidente s’est engagée à faire accélérer la mise en place des différentes mesures annoncées…




Premier bilan…



La préfète de région en a profité de cette rencontre pour dresser le bilan du Plan de soutien à l’élevage en Bourgogne Franche-Comté : plus de 20 millions d’€ (15,1 M€ de fonds d’allègement des charges pour 5.500 agriculteurs ; 3,3 M€ d’aides gérées par la MSA pour 2.132 agriculteurs ; 3,2 M€ de dégrèvements d’impôts). A cela, s’ajoutent :
- la modification de l’assiette pour le calcul des cotisations sociales pour les revenus annuels inférieurs à 4.184 €, soit 1.854 exploitants éligibles en 2015 ;
- la diminution de 7 % des cotisations MSA ;
- es indemnités Sécheresse 2015, soit environ 27 M€.
Des cellules d’urgence assurent la mise en œuvre du plan ainsi que le suivi coordonné des exploitations les plus fragilisées.

Plan d’urgence régional


Décidé par la préfète et la présidente de région le 9 mars dernier, le plan d’action régional comporte principalement un volet structurel, dont les avancées sont les suivantes :
- l’extension du rôle des cellules d'urgence pour continuer le suivi et l’accompagnement des entreprises les plus en difficultés, en lien avec le Conseil régional ;
- la valorisation des filières par la réalisation d’une cartographie des établissements publics de restauration hors domicile pour aider à la structuration de l'offre en produits agricoles ; la mise en place d’une charte de la commande publique pour améliorer les pratiques en matière de commande publique et la signature d’une convention le 1er juillet ; enfin, la mise au point d’un outil de communication pour favoriser le développement des exportations de produits agricoles et alimentaires, en partenariat avec EABFC (Entreprises alimentaires de Bourgogne Franche-Comté) ;
- le lancement d'audits des exploitations et des filières les plus en difficulté ;
- un travail autour des énergies renouvelables pour identifier les problématiques précises de la profession, avec mise en place d’un suivi rapproché des demandes de raccordement déposées par les agriculteurs.

Urgences climatiques


Au sujet des dégâts climatiques (gel, grêle et inondations) qui ont touché les productions agricoles depuis début 2016 :
- la reconnaissance en calamités agricoles : si les dégâts climatiques étaient pour la plupart assurables et ne peuvent donc pas bénéficier d’aides au titre des calamités agricoles, les cultures qui peuvent y prétendre sont en cours d’étude pour porter des demandes de reconnaissance pour perte de fonds (vigne, arboriculture, cassis…) ;
- le classement en catastrophe naturelle d’une cinquantaine de communes, où infrastructures et bâtiments ont été touchés ;
- en complément, la prise d’arrêtés préfectoraux de "force majeure" pour les cultures, pour permettre aux autres agriculteurs touchés de bénéficier de manière dérogatoire des aides de la Pac (absence de semis, destruction des cultures).
Par ailleurs et quelle que soit la nature des intempéries, des dégrèvements de TFNB peuvent être sollicités auprès des DDFip ainsi que des demandes de report ou de prise en charge de cotisations sociales auprès de la MSA. Enfin, dans le mois qui suit l’intempérie, il est possible de demander une prise en charge d’activité partielle auprès des services de la Direccte via le site https://activitepartielle.emploi.gouv.fr.
Et au regard des mesures de soutien aux filières, notamment laitière et céréalière, récemment décidées, les services de l’Etat se sont dits mobilisés pour leur mise en œuvre.