Beaujolais primeurs
Le « bras de fer » paye mais...

Publié par Cédric Michelin
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En l’espace d’une semaine, la filière viticole par l’intermédiaire du collectif de vignerons a enchaîné les rencontres avec des négociants. Et ce lundi 5 octobre, les premiers contrats d’achat ont été enregistrés.
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Depuis plus de deux semaines, le Beaujolais vit une osmose qu’on ne lui connaissait pas. Que ce soit à travers les communiqués transmis par l’ODG beaujolais-beaujolais villages et le collectif de vignerons, ou dans la presse spécialisée, on n’hésite pas à parler d’un « bras de fer » entre les viticulteurs et le négoce.
Le collectif des vignerons n’a toujours pas relâché la pression. Après la réunion du mercredi 23 septembre à Rivolet, qui avait été suivie de la manifestation devant la sous-préfecture du Villefranche-sur-Saône deux jours plus tard, une délégation de viticulteurs a cette fois rencontré individuellement plusieurs négociants du Beaujolais et du département, mercredi 30 septembre et jeudi 1er octobre. Cette délégation s’est notamment rendue à Saint-Priest, afin d’échanger avec les représentants du groupe Castel. Puis, la douzaine de viticulteurs a fait le point avec la maison Mommessin à Quincié-en-Beaujolais, la Maison Dubœuf à Romanèche-Thorins et Philippe Tranchand, responsable de la Maison Georges Benon à Blaceret et représentant des négociants du Beaujolais et du Mâconnais. Entre temps, les membres du collectif se sont retrouvés chaque jour au 210 en Beaujolais afin de suivre l’évolution du marché et transmettre des informations aux viticulteurs.
Vendredi 2 octobre, dès 7 h, le collectif a de nouveau convié la filière viticole sur le parking du gymnase l’Escale à Arnas, afin de tirer un premier bilan de ces rencontres « constructives » mais aussi faire le point sur une situation qui, au fil des jours, s’est sensiblement améliorée. Devant plus de 200 viticulteurs dont une vingtaine venant du canton de La Chapelle-de-Guinchay, Emmanuel Fellot et Cyril Picard, les deux viticulteurs à l’origine de ce mouvement, ont annoncé l’obtention d’un prix plancher à 200 € / hl. « Les négociants nous ont assuré qu’ils ne feraient aucune proposition en dessous de ce prix. Des propositions à 180 € / hl, comme nous avons pu l’entendre avant ou pendant la mobilisation, sont inacceptables et intolérables. Même s’il s’agit d’un prix minimum, les viticulteurs ne doivent surtout pas hésiter à négocier avec leurs opérateurs. Les mêmes bases de prix que la campagne 2014 doivent être reconduites pour éviter la disparition de certaines exploitations. Nous avons justement alerté les négociants sur ce risque-là. Des cuvées valorisées méritent aussi une meilleure rémunération, d’autant que le millésime 2015 est exceptionnel », affirme Cyril Picard, viticulteur à Denicé.

Une rencontre avec des négociants bourguignons



Cette première annonce est intervenue quelques minutes après une réunion au 210 en Beaujolais entre les représentants des caves coopératives du vignoble. « Les caves coopératives ont également décidé de ne pas vendre leur vin en dessous de 200 € / hl. On a toujours essayé de diviser les caves coopératives et les viticulteurs indépendants. Ce mouvement nous a permis de renouer des liens forts et de retrouver une confiance réciproque », complète Cyril Picard.
Ce mouvement a déjà eu des effets escomptés sur le marché des primeurs qui a véritablement démarré lundi 5 octobre. Dans un communiqué transmis aux viticulteurs le soir-même, l’ODG beaujolais-beaujolais villages a dévoilé les premiers contrats établis. « Nous constatons que des volumes significatifs : 19.574 hl en beaujolais et 4.088 hl en beaujolais villages ont été enregistrés ce lundi à des prix se rapprochant de nos besoins fondamentaux. Les beaujolais villages remontent de 5 € avec un prix moyen de 218,84 € / hl pour les volumes les mieux valorisés (soit 25 % des volumes vendus en beaujolais villages). Cet écart est justifié, outre le coût de production, par le prix de vente -constaté- des bouteilles aux consommateurs. Nous ne pouvons que vous encourager à rester fiers de ce beau millésime », a annoncé Sébastien Coquard, président de l’ODG. Le marché vrac devrait encore s’emballer dans les jours à venir, notamment pour les beaujolais nouveaux destinés au marché export.
Pour autant, le collectif des vignerons a décidé de maintenir la pression jusqu’au bout. Cette semaine, une délégation doit rencontrer les négociants bourguignons, mis au courant de la mobilisation de la filière viticole. « Nous avons contacté Claude Chevalier, président du bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne, et son directeur. L’échange par téléphone a été long et fructueux. Les opérateurs sont prêts à nous recevoir afin que nous puissions échanger sur le marché des beaujolais nouveaux. Les négociants s’intéressent de près à notre millésime 2015 et à nos revendications », affirme le vigneron de Denicé. La mobilisation des viticulteurs n’est donc pas encore terminée. « Chaque jour, nous scrutons les opérations réalisées dans le vignoble afin d’éviter d’éventuels dérapages. Nous voulons à tout prix maintenir cette pression pour que le marché des beaujolais nouveaux soit satisfaisant », conclut Cyril Picard.