Zones vulnérables
Pollutions réglementaires

Publié par Cédric Michelin
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Le 24 septembre à Saint-Désert, le monde rural s’était réuni - maires, représentants de Communautés de communes et une centaine d’agriculteurs, concernés au premier chef - pour rejeter en bloc l’extension des Zones vulnérables. La nouvelle norme administrative - les « condamnant tous à perpétuité » - n’est pas fondée scientifiquement. La France d’ailleurs conteste sa condamnation européenne. Dans un contexte de tensions nationales, c’est un énième message du « ras-le-bol » rural qui a été envoyé aux élus…
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Quatre programmes d’actions ont déjà été mis en place. Et ce cinquième du genre ne passe plus. Suite à la proposition d’extension du classement des communes des zones vulnérables présentée en fin d’été 2014, le monde rural dit maintenant stop, « ras-le-bol ». Et l’administration départementale comme les agronomes n’en pensent pas moins.
En charge de ce dossier à la FDSEA et la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, Lionel Borey résumait l’état d’esprit qui l’anime lui et les responsables professionnels sur ce dossier : « on n’est pas là pour "casser" l’environnement. On n’est pas non plus là pour défendre le productivisme. On est là pour progresser. Nous ne sommes pas des pollueurs et nous raisonnons nos pratiques. Or là, cette décision n’est pas justifiée scientifiquement ! », mettait-il en avant.
Derrière, « se pose clairement maintenant la question des moyens d’exercer le métier d’agriculteur » et de toute « activité économique sur les territoires ruraux » d'ailleurs, pointait Bernard Lacour, président de la FDSEA. L’illustration parfaite de la « machine à perdre » franco-européenne, pour le directeur de la coopérative Bourgogne du Sud, Michel Duvernois. Le président des Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire, Guillaume Gauthier, voyant là une contrainte supplémentaire rendant encore « plus difficile de s’installer ». Car « notre métier ne se résume pas à appliquer des réglementations », poursuivait énervé Bernard Lacour.
Invités à réagir, les agriculteurs et les élus prenaient la parole. Et le ton était vif : « y en a ras-le-bol de ces conneries ! » ; « qu’ils viennent contrôler et ils verront ! » ; « on va bientôt en crever de travailler » ; « l’écologie consiste à décourager les gens qui travaillaient bien pour importer ensuite des produits de m... »... Dans le contexte des incendies à Morlaix, les renseignements généraux présents dans la salle n’étaient visiblement pas des plus sereins...
Si 61 nouvelles communes pourraient être concernées dans le département, Emmanuel Buisset appelait à trouver une position commune professionnelle et non d'essayer d’enlever telle ou telle commune du zonage. Représentant la profession sur le SDAGE (Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux), l’élu chambre, Samuel Chanussot réagissait et exprimait toutes les « difficultés » d’une profession pour « avoir du poids » dans ces instances : « nous ne sommes que six représentants de l’agriculture sur 145 votants ».
Pour faire pression et expliquer à la société civile que cette nouvelle réglementation va rendre vulnérables nos zones rurales, une manifestation régionale est d’ores-et-déjà prévue.  Pour le monde de l'élevage, Christian Bajard indiquait que cette mobilisation se déroulera dans quarante départements « réunis ».


Une opposition raisonnée


Avec deux Agences de l’eau (Loire-Bretagne et Rhône-Méditerranée-Corse) administrant les cours d’eau de Saône-et-Loire, le travail est double. Ingénieure agronome à la chambre d’agriculture, Pascale Moretty expliquait les raisons de l’opposition à l’extension des Zones vulnérables. « Ce qui va surtout nous concerner, c’est l’eutrophisation des eaux continentales, c’est-à-dire les cours d’eau », débutait-elle, avec l’utilisation d’un seuil unique pour les eaux superficielles fixé à 18 mg/l « sans adaptation régionale ou départementale », déplore-t-elle. « On classe sans se poser de questions. Dès le premier m2 d’eau dépassant la norme, la commune est classée ». Or, en partant de la définition scientifique, l’eutrophisation des eaux douces continentales est principalement due aux excès de phosphates et non de nitrates, contrairement aux eaux littorales. Cette observation scientifique est d’ailleurs confirmée par la DREAL Rhône-Alpes. Autant dire que cette réglementation de nouvelle Directive Nitrates, « n’aura aucun effet sur l’eutrophisation ou les risques d’eutrophisation du milieu naturel ».
Or, il faut le rappeler, les sources de nitrates en eaux superficielles peuvent également être d’origines diverses (stations d’épurations, "bruit de fond"). Des sources jamais abordées. De plus, de nombreuses rivières de notre région sont des rivières de plaine, avec un faible débit notamment d’étiage, présentant des risques d’eutrophisation plus importants. Du coup, cette règle sur les nitrates ne préjugera en rien une baisse des teneurs des eaux superficielles, ni ne changera la situation morphologique des rivières en partie responsable de l’eutrophisation.
« Pire, elle laissera entendre que les agriculteurs de ces zones gèrent mal l’azote au niveau de leur exploitation, alors qu’aucun élément ne permet de le démontrer ». Autrement dit, les huit mesures prévues dans le 5e programme d’actions (obligations de stockages, périodes d’épandages, limitation des fertilisants azotés…) n’amélioreront rien. Et les opposants de l'agriculture continueront de l'accuser de tous les maux de la société. Contre-productif sur tous les points…