Union viticole de Saône-et-Loire
Sur le dos des vignerons

Publié par Cédric Michelin
-
Le 6 avril à Mâcon, l’Union viticole de Saône-et-Loire tenait son assemblée générale. Représentant le Chalonnais/Couchois, le Mâconnais nord et sud et le Beaujolais, les quatre co-présidents faisaient le tour de l’actualité des vignobles. Tous remarquaient les contraintes réglementaires s’accumulant sur le terrain et au bureau. En effet, derrière la « simplification » législative promise se cache - au contraire - une complexification couplée à une accumulation de saisies et des déclarations, les vignerons faisant en réalité le travail des administrations. Une situation dénoncée et combattue… mais qui nécessite toujours plus d’accompagnement en attendant.
131968--2695_UV71_prefet.JPG
Étonnamment avec les nouvelles grandes régions, l’éloignement - des centres de décisions et des services de l’Etat - renforce fortement le besoin de proximité. La viticulture ne fait pas exception. Le récapitulatif des actions de l’Union viticole de Saône-et-Loire en 2015 le prouvait une nouvelle fois. Ainsi, le président de la FDSEA de Saône-et-Loire, Bernard Lacour tenait à rappeler « la force de nos organisations » et « la chance d’avoir un réseau structuré ». Car, plus que jamais, il faut être partout à la fois.
Débutant le rapport d’activité, pour le vignoble mâconnais, Marc Sangoy le résumait ainsi par « des rencontres - avec le préfet et ses administrations - quasiment au quotidien pour remonter les soucis » du terrain. Et ces derniers ont encore été nombreux en 2015 : Esca, réglementation liée aux traitements phyto, loi Santé, permis de construire… Sans oublier, l’accompagnement par les services : G@mma, Prodouanes, dossier Pac pour l’assurance récolte, Vitiplantation… Pour les “hauts fonctionnaires”, la simplification se traduisant par donner le travail à faire aux autres, vignerons en tête.

Lissage des fermages


Mais de nombreux dossiers restent dans l’ombre. Pourtant, « l’attaque des Douanes sur le statut des bailleurs, requalifiés en négociants ou débitants de boisson », prouve que la vigilance doit être permanente. Des changements qui peuvent être lourds de conséquences, dans les deux sens d’ailleurs.
Le nouveau mode de calcul des fermages en est la preuve. « Au bout de ces cinq dernières années, les effets sont assez remarquables. Comparativement aux hausses importantes du vrac, les fermages ont été lissés à +7,21 %, au lieu de +26 % sans que personne - notamment les propriétaires - ne soit lésés », se félicitait l’Union viticole. Sur le volet fiscal, un « assouplissement » de la déduction pour aléas (DPA) est actuellement présenté aux parlementaires.
D’autres dossiers sont aussi en négociations. Des « avancées » ont pour l’instant été obtenues sur le compte pénibilité en ce qui concerne l'emploi, mais, comme pour la complémentaire santé, l’Union viticole « ne veut pas de surenchère administrative », insistait Christophe Brenot du Mâconnais.

Scaphandre dans les vignes


Ce qui ne semble pas gagné pour l’heure... Viticulteur à Saint-Désert, Pierre-François Goubard dénonçait le projet de mise en place des Certificats d’économie de produits phytosanitaires ou les traitements en période de floraison : « 2 heures avant ou 3 heures suivant l’heure légale de lever ou coucher du soleil. Ça va mettre de l’ambiance dans les mairies », préférait-il en plaisanter. Un rire nerveux qui parcourait aussi la salle à l’évocation des équipements de protection individuelle obligatoires dans les parcelles après traitements. « Avec ce genre de scaphandres en plein été, on risque d’être encore plus stigmatisés », mettait-il en garde.

Expliquer plutôt que réglementer


Une conséquence directe sera de renforcer plus encore les « dogmatiques » et les oppositions professionnelles. « Alors que la viticulture fait des progrès considérables, on nous oppose des objectifs arbitraires de réduction de doses, -50 % pour EcoPhyto, sans tenir compte des réalités climatiques. Stop ! », lâchait le vigneron du Beaujolais, Guillaume Bouchacourt, qui n’oublie pas que sa région est, par ailleurs, toujours en crise économique. « Nous sommes prêts à aller vers la société civile, avec l’aide de l’Etat, pour avoir un dialogue apaisé, mais arrêtons les réglementations franco-françaises », plaidait-il, pour éviter toute distorsion de concurrence manifeste avec les autres pays producteurs.
C’est dans ce sens de communication positive que l’Union viticole de Saône-et-Loire - en lien avec le réseau des fermes Dephy - avait organisé en juin 2015 une démonstration pour expliquer à l’Etat et à la société civile « qu’on n’est pas des pollueurs ».

Transversalités à tous les échelons


Il faudra des années de pédagogie pour expliquer les maladies et les ravageurs de la vigne aux concitoyens. Parfois même en interne à la filière qui a des stratégies et problématiques différentes entre régions viticoles. Après avoir « tirer depuis des années - bien seuls - la sonnette d’alarme » autour des maladies de dépérissement, une “prise de conscience” semble enfin s’opérer au niveau national (lire aussi en page 10), sous l’impulsion d’ailleurs de l’ancien secrétaire général de la FDSEA de Saône-et-Loire, Michel Baldassini. Une problématique - parmi les autres - « remontée aux candidats » lors des élections régionales.
Des dossiers longs et complexes à monter, mais qui visent à soulager les vignerons les plus impactés ou les plus en difficultés. Au nom du Beaujolais, Guillaume Bouchacourt remerciait la FDSEA de Saône-et-Loire d’avoir demandé à nouveau des mesures d’accompagnement, tel que le Fond d’aménagement des charges (Fac) ou, avec la MSA, « de repousser l’appel de cotisation d’avril et les suivants » en les abaissant.
Et Bernard Lacour de conclure sur l’intérêt de la proximité pour faire bouger les lignes : « quand on perd de la proximité, on perd de l’efficacité. On a des politiques qui cherchent le confort d’être éloignés du terrain car, à Paris, ils courent moins le risque de se prendre une “décharge”, que chez eux ». Une métaphore qui synthétisait la volonté d’adapter le réseau professionnel aux découpages des nouvelles intercommunalités pour continuer d’être présent et surtout d’être plus que jamais efficace à tous les niveaux.




Savoir pour développer son exploitation


Les deux intervenants avaient une même approche pour répondre à la demande de l’Union viticole sur le thème du “développement de son entreprise”. Le directeur du pôle Marché du BIVB, Philippe Longepierre, et la conseillère Vivéa, Delphine Cuvillier, plaçaient tous deux le savoir au cœur de leur cœur de métier, respectivement l’économie et la formation. Si le premier ne pouvait encore présenter tous les chiffres et résultats de l’étude sur les coûts de production, toujours en cours pour les volontaires, il rappelait l’objectif central de monter en gamme (qualité/prix/image) avec non seulement des moyennes économiques par ateliers mais aussi « avec des mini et des maxi » selon les itinéraires et les appellations (€/ha et €/hl).
De leur côté, les élus du Vivéa et du BIVB viennent juste de prendre connaissance de deux études sur la formation continue des viticulteurs en Bourgogne. Le constat est amer : les vignerons sont ceux qui se forment le moins « et en Saône-et-Loire, encore moins : 13 % en 2015 » et « encore moins, pour les viticultrices ! », regrettait Delphine Cuvillier. D’autant que les obligatoires CertiPhyto sont comptabilisés dans ces chiffres.
Pour le vice-président de Vivéa Bourgogne, désormais rapproché avec la Franche-Comté, Robert Martin rappelait pourtant que, dans les deux cas, « cela fait du bien d’échanger sur des façons de faire différentes » de son exploitation.




Quid des traitements près des personnes vulnérables !


Représentant le préfet de Saône-et-Loire, le directeur de la Direction départementale des territoires, Christian Dussarat, remerciait les adhérents de l’Union viticole de Saône-et-Loire pour le travail effectué sur les nombreux dossiers communs (sécheresse, avance de trésorerie remboursable…), mais il se montrait plus ambigu sur les questions soulevées autour des traitements phytosanitaires à proximité d'enfants, de personnes âgées ou de malades. Une récente réponse ministérielle vient de rappeler que la loi d’Avenir pour l'agriculture (du 13 octobre 2014) réglemente ces utilisations. L'utilisation des pesticides à proximité des établissements étant subordonnée à la mise en place de mesures de protection adaptées telles que des haies, des équipements pour le traitement ou le respect de dates et d'horaires de traitement pour éviter la présence des personnes. Mais lorsque de telles mesures ne peuvent pas être mises en place, le préfet détermine une distance minimale, en deçà de laquelle il est interdit d'utiliser des pesticides. De nombreux cas en Bourgogne du Sud pourraient exister même si Christian Dussarat reconnaissait n'avoir « identifié » que « trois problèmes » réels l’an passé. La profession ne les conteste pas et souhaite éviter d’ailleurs que les « agissements de quelques-uns nuisent et rejaillissent sur tous » les vignerons, condamnait Guillaume Bouchacourt, un peu plus tôt.
La DDT 71 entend maintenant « travailler l’organisation des pratiques avant un arrêté préfectoral ». Sont envisagés des « capacités de répondre aux habitants », « mais aussi » de « compléter le dispositif par des réponses ciblées, localisées, avec les viticulteurs des villages concernés, le maire, le directeur d’école… » « pour que tout le monde soit clair et professionnel », quitte à répondre enfin « aux grands porteurs de théories » contestant tous traitements pesticides, de synthèse ou bio. Et ce, sans prendre en compte la réalité des maladies et ravageurs de la vigne…