71e AG de la FDSEA 71
Ça méritait d’être dit…

La dernière assemblée générale de la FDSEA 71 (lire notre édition du 27 mai en page 9) a été un moment de la vie du réseau, de ces moments où chacun revient à l’essentiel. Retour sous la forme des prises de parole de la seconde table ronde.
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Bernard Lacour
« Agir collectivement sur son territoire »
En ouverture de son rapport moral, le président Bernard Lacour évoquait le contexte problématique « d’une société française qui n’a pas su choisir son modèle agricole depuis les années 80 ». Alors que les modèles bretons ou du bassin parisien à vocation exportatrice ont montré leurs inconvénients, les mêmes exigences et les mêmes contraintes ont été attendues des territoires plus extensifs. Ce qui pose un problème de compétitivité et de compréhension aujourd’hui, selon Bernard Lacour. Faisant allusion à l’absence de parlementaires en cette assemblée, le président de la FDSEA déplorait « l’écart qui se creuse entre un parisianisme cultivé et la réalité du territoire », évoquant aussi des contre-pouvoirs associatifs - souvent défavorables à l’agriculture - qui ont pris de l’ampleur. Il y a « nécessité de se poser les bonnes questions et d’orienter les choses », résumait le président avant d’énumérer les actions que la FDSEA 71 mène au niveau de son territoire, avec comme idée maîtresse : « comment tirer vers le haut l’ensemble des valeurs de nos territoires ? ».
Un travail est en cours pour « faire coller » le réseau syndical aux nouveaux découpages administratifs : région, intercommunalités… Invités par la FDSEA, les présidents de communautés de communes « se sont montrés très intéressés par notre démarche », confiait Bernard Lacour. Ces échanges très importants ont pour but d’avancer sur les questions d’environnement ou d’approvisionnement local dans les collectivités… « L’idée est de créer au sein des territoires une forme de commission agricole avec la chambre d’agriculture, la FDSEA, les JA », expliquait Bernard Lacour. Dans le même ordre d’idée, la Fédé travaille également en relation avec les maires (association des maires de Saône-et-Loire et union des maires des communes rurales), ainsi que les entreprises (CGPME) avec lesquelles elle partage des problématiques communes, argumentait le président. Tout ce travail à l’échelle du réseau vise à « trouver une vraie complémentarité avec les différents acteurs, pour régler à notre niveau les problèmes de notre territoire ».
Dans le même temps, la FDSEA cherche également à rétablir « une vraie complémentarité entre les différentes organisations agricoles » avec comme « socle une juste répartition des marges où le producteur ne serait plus la variable d’ajustement en permanence ».
« Sur le terrain, on sent plus que jamais de la détresse avec une absence de perspectives très inquiétante, amplifiée par la montée de lobbys idéologiques et la fuite des responsables politiques… Mais je pense pourtant que l’agriculture française a de l’avenir ; de belles lettres à écrire pour l’alimentation ; les garanties à apporter à la société », concluait Bernard Lacour.

Damien Lemière
« Savoir enclencher des changements »

« Qu’on nous donne une ligne directrice pour savoir où on doit aller ! ». C’est en ces mots que Damien Lemière débutait son intervention, désireux d’ébaucher des perspectives pour les jeunes. Et le nouveau président des JA 71 n’hésitait pas à en appeler à une part de remise en cause dans la profession. « La contractualisation est un pilier pour retrouver des relations sereines avec nos partenaires », estimait-il, mais cela suppose aussi de savoir reconnaître « qu’on n’est pas toujours en face avec la demande du marché » et « savoir enclencher des changements », avertissait-il. Cela vaut pour le maigre à l’export, mais aussi pour les volumes en animaux viande. « Les GMS veulent des animaux toutes l’année, or nous avons du mal à les fournir de façon constante… ». Un travail sur les sorties d’animaux en ferme est à envisager, suggérait Damien Lemière. Tout comme son aîné Bernard Lacour, il prévenait que « la recherche de prix ne peut se faire que collectivement et non tout seul dans sa cour de ferme ! ». Par contre, le responsable JA invitait les agriculteurs à explorer individuellement toutes les marges de manœuvre économiques qui existent dans leurs exploitations. Faisant état « d’écarts monstrueux » entre exploitations pointés par les centres de gestion, Damien Lemière évoquait notamment les postes Alimentation et Mécanisation, pointant une meilleure valorisation de l’herbe pour le premier et dénonçant « les abus d’investissement » pour le second, faisant au passage un éloge des Cuma. Sur la question de l’installation, malgré un retour à la normale en 2015 avec une centaine d’installations, la Saône-et-Loire demeure au ratio critique d’une seule installation pour deux départs, regrettait-il, faisant remarquer que désormais, « on s’aperçoit que l’agrandissement systématique des exploitations n’était plus la solution ».

Christian Decerle
« Le besoin d’être respectés »

« Il faut prendre au sérieux les messages que les paysans ont adressés à la puissance publique cet été », réagissait le président de la chambre d’agriculture en écho au rapport d’activité présenté plus tôt. Constatant que depuis 30 ans, seuls deux secteurs - d’ailleurs dépourvus de soutiens publics - la viticulture et l’aviculture étaient parvenus à mieux résister, Christian Decerle déplorait les effets d’une Pac farouchement défendue et savamment argumentée en 1992, qui a pourtant conduit à la disparition de 25 % des paysans aujourd’hui… « Je pense vraiment qu’à l’intérieur de l’Europe, la France - du fait de son histoire, de son particularisme, de sa richesse, de sa diversité, avec partout des hommes qui se sont battus pour préserver des espèces, des races, une alimentation diversifiée, des crus… - est un pays où la question de l’agriculture se pose à tous au niveau national. Est-ce-que nous allons gagner la bataille pour ne pas gaspiller ce joyau ? », interrogeait Christian Decerle. Rejoignant les propos de Bernard Lacour, le responsable estimait qu’il fallait « redessiner une politique publique qui s’inscrive cette fois dans le temps. Car à moins de dix ans, une politique n’est pas crédible », avertissait Christian Decerle. « Il faut redonner des perspectives aux paysans, une stratégie pour l’économie agricole française », poursuivait-il. A l’instar de la FDSEA, le président de la chambre régionale estimait par ailleurs qu’il fallait aussi « gagner la bataille de la communication, que l’on reconquiert la confiance de nos concitoyens ». Un défi qui passe par « l’acceptation de reconnaître que les paysans n’arrêtent pas de faire des efforts, couronnés de succès. Car jamais la nourriture n’a été tant sécurisée dans l’assiette du consommateur », défendait Christian Decerle.
Rappelant que 75 % des vaches sont aujourd’hui détenues par des éleveurs de plus de 50 ans, le président de la chambre observait que, dans certaines campagnes, l’on se battait déjà moins pour le terrain… Une déprise agricole inquiétante, que le responsable mettait en parallèle à l’essor des loups, ours et autres vautours… « Une concurrence nouvelle », qualifiait-il avec amertume. Mais pour qu’il y ait encore des paysans - et avec eux toute l’économie rurale qu’ils irriguent - encore faut-il du revenu ! Et, dans un contexte de baisse des aides, cela ne sera possible qu’avec « des dirigeants d’exploitations agricoles pointus car l’acte technico-économique sera déterminant », présent-il. Il faudra aussi « des filières qui valorisent ainsi que le civisme, voire le patriotisme, des consommateurs pour privilégier les produits français. Mais au-delà de tout, ce dont ont le plus besoin les paysans, c’est d’être respectés ! », concluait Christian Decerle.

Joël Limouzin
« Enrayer la décroissance agricole ! »

« Quelle Europe voulons-nous demain ? Pourquoi le citoyen doute-t-il de tout ? Comment répondre à l’obligation de permettre aux jeunes de s’installer ? Telles sont les questions cruciales inscrites dans le rapport d’orientation de la FNSEA », rapportait Joël Limouzin. Le syndicalisme national est également très préoccupé par le décalage qui s’est installé entre la profession et la règlementation, la pression médiatique, les consommateurs… avec « cette sensation qu’on accable toujours un peu plus le monde agricole », constatait le responsable national. Saluant le travail sur la proximité territoriale accompli en Saône-et-Loire, Joël Limouzin confirmait qu’il était du devoir des organisations agricoles d’être aux premières loges des régions. A propos de l’avenir du lait, alors que la volatilité a définitivement remplacé les quotas, le représentant national appelait à « reconstruire à travers une contractualisation digne de ce nom. Mais pas que dans l’ouest ! », affirmait avec force l’éleveur vendéen. « Il faut des producteurs de lait et de viande bovine partout et la coopération a des responsabilités dans cet impératif territorial », livrait sans langue de bois Joël Limouzin. « La France est un grand pays agricole. Mais elle se fait damer le pion depuis des années à l’export par des pays comme l’Allemagne. On est en pleine décroissance agricole et l’on ne peut pas se satisfaire de cela ! D’autant qu’il y a des pays qui ont besoin de notre production », défendait Joël Limouzin.