ODG pouilly-fuissé
L’éperon blanc des premiers crus bourguignons

Publié par Cédric Michelin
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Le 5 avril à Vergisson, l’ODG pouilly-fuissé revenait sur une année 2013 chargée. Avec des marchés porteurs, les faibles volumes récoltés font que les stocks s’amenuisent. Les prix en vrac et en bouteille s’en trouvent « valorisés ». Dans ce même sens, le dossier d’obtention des 1ers crus se poursuit à l’INAO. Ce classement peut permettre de positionner l’appellation du Mâconnais à un niveau d’exigences supérieur aux cahiers des charges de Côte-d’Or ou de Chablis. Ce qui a des avantages et des inconvénients…
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Il fallait s’y attendre : le dossier Premiers crus remet « tout sur la table ». Viticulteur à Vergisson, Daniel Barraud expliquait donc les dernières avancées du dossier. Le 13 février dernier, le rapport fondateur de l’appellation a été validé par le Comité national Vins de l'INAO, ce qui déclencha une nouvelle mission pour les experts, qui travaillent ainsi depuis le 25 mars sur le terrain. Patience toutefois, les 1er crus ne seront pas attendus avant la récolte 2017 dans le meilleur des cas.
Mais, désormais, les producteurs doivent se positionner. « Avant d’aller négocier avec l’INAO, il nous faut débattre en interne de façon intelligente », invitait Frédéric-Marc Burrier, le président de l’ODG. Résultat, tout a été abordé lors de l’assemblée générale, non pas dans les détails ou les chiffres, mais pour connaître l’avis des vignerons quant aux points à négocier ou pas : délimitations, rendements, revendications des noms de climats, vendanges mécaniques… De toute façon, les experts mandatés par l’INAO vont venir « gratter là où on ne veut pas », prévient Denis Bouchacourt de Solutré-Pouilly.

Un niveau de plus à la hiérarchie


Surtout que l’INAO compte bien en profiter pour imposer « sa doctrine » pour ce type de nouvelles demandes de hiérarchisation. Historiquement, la dernière hiérarchisation en premiers crus d’une appellation bourguignonne a eu lieu en 1943. Aujourd’hui, l’Institut prévient qu’un « toilettage » des aires communales délimitées aura lieu à toute ouverture de dossier, et que trois niveaux seront distingués : Communale, Communale + lieu-dit et Premiers crus, avec des conditions de productions distinctes pour chaque niveau. « Dès lors qu’il y a une mention géographique complémentaire indiquée aux consommateurs, les conditions de production doivent être différentes et restrictives ». Par ailleurs, l’INAO est opposé aux homonymes et en cas de délimitation en premier cru d’une partie d’un Climat, le reste, non classé, ne pourrait plus porter le nom.
Le début d’une grande remise en cause de la hiérarchisation en place en Bourgogne ? Les Côtes-d’Oriens le craignent, eux dont les appellations communales ont généralement les mêmes conditions de production entre AOC communale et AOC communale + nom de lieu-dit. Et ça, l’INAO souhaite le remettre en question.

La tradition est moderne mais demain ?


Pour l’heure, 25 à 30 % des surfaces de l’aire d’appellation seraient susceptibles d’être classées en premiers crus. « De notre capacité à accepter des conditions restrictives dépendra les surfaces qu’ils seront prêts à délimiter », pense Frédéric-Marc Burrier. Du coup, la question de privilégier la récolte manuelle - dans le cahier des charges des 1ers crus uniquement - était par exemple posée. Paradoxalement, la vendange manuelle est considérée comme « moderne » et qualitative d’un point de vue des consommateurs. Pour certains vignerons en revanche, « cela fait peur de d’interdire la récolte mécanique ». Des moratoires ou dérogations sont envisageables, selon les premières discussions avec l’INAO.
« On va négocier, mais il faut montrer qu’on peut aller au-delà de ce qu’ont fait les autres à une toute autre époque », estime le président de l’ODG. Idem pour les rendements autorisés : Actuellement fixés à 60 hl/ha pour la communale et 58 hl/ha pour les noms de climats, quel rendement alors pour les premiers crus ? Il s’agit là d’une question économique majeure. La campagne de commercialisation du vrac 2013/2014 positionne la pièce de pouilly-fuissé à près de 2.006 € pour 228 litres de vin. Les négociants soutiennent la démarche de classification en premiers crus, permettant de passer des hausses car, « aux Etats-Unis, ils ont pris une "ratatouille" avec +120 % des cours du vrac ici ». Selon l’enquête de l’Interprofession, l’appellation fait déjà partie des sept premières appellations les plus renommées de Bourgogne. La qualité des vins et terroirs en est l’origine. « Il manque la reconnaissance ».
Généralement, les écarts de prix moyens se situent aux alentours de +30 % entre l’AOC communale et ses premiers crus, sans compter les retombées pour l’appellation communale, valorisée. Une « opportunité de propulser nos prix bouteilles au niveau de ceux de nos confrères de Côte-d’Or », espère Frédéric-Marc Burrier. Voire même, pourquoi pas, être en pointe de la Bourgogne, tels les deux éperons rocheux qui ont toujours caractérisé les vins pouilly-fuissé.