Temps de travail
Un diagnostic pour y voir clair !

Si la restructuration des troupeaux laitiers s’accompagne d’un accroissement de la productivité de la main-d’œuvre, elle n’est pas nécessairement synonyme d’amélioration du revenu des éleveurs. Face à ce constat, Acsel Conseil Elevage propose à ses adhérents un diagnostic sur l’organisation du travail. A Devrouze, le Gaec des Vions y a eu recours.
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En 2015, le Gaec des Vions a fait réaliser un diagnostic "Organisation du travail par Acsel Conseil Elevage. Le Gaec des Vions est l’exploitation créée par la famille Richard à Devrouze. De dix vaches laitières et polycultures il y a quarante ans, la ferme s’est progressivement spécialisée dans le lait et les céréales pour atteindre 252 hectares aujourd’hui, dont 180 de cultures. Elle détient un troupeau d’environ 110 montbéliardes produisant 8.540 kg de lait chacune. Installé en 1974, Jean-Claude Richard a été rejoint par son épouse Marie-Claire en 1991. Quelques années plus tard, ils installaient leur fils, Denis, avant que ce dernier ne quitte le Gaec pour suivre son épouse aux Etats-Unis. C’est Emmanuelle, la sœur de Denis qui a finalement rejoint le Gaec ainsi que son époux, Fabrice Mayo. En 2015, la structure comptait ainsi quatre associés familiaux - Jean-Claude, Marie-Claire, Emmanuel et Fabrice - ainsi qu’un salarié à mi-temps. Âgé de 62 ans, Jean-Claude a choisi de prolonger son activité de cinq ans au-delà de l’âge de la retraite. « Nous avons besoin d’avoir Jean-Claude avec nous, pour apprendre le B-A Ba du métier », justifie son gendre Fabrice. Ayant auparavant travaillé dans une Chambre d’agriculture pour Emmanuelle et dans un service vétérinaire pour Fabrice, le jeune couple estime avoir besoin « d’être formé » à ce nouveau métier. Fin 2015, Marie-Claire a fait le choix de prendre sa retraite. C’est cet évènement et le départ à moyen terme de Jean-Claude qui ont conduit les associés à examiner l’organisation du travail sur l’exploitation. « Le diagnostic avait pour objectif de décrire la répartition des tâches sur l’exploitation et de voir ce que faisait notamment Marie-Claire », expliquent les associés.

Qui fait quoi dans le Gaec ?


Actuellement, Emmanuelle assure l’essentiel de la traite (lire encadré), aidée selon les saisons par sa mère ou son père. Pour les autres travaux d’astreinte, le second poste en importance est l’alimentation des vaches, réalisée par Fabrice. Réalisant jusqu’alors tous les soins aux veaux, Marie-Claire effectuait à elle seule 50 % des autres travaux d’astreinte, dont les remplacements des hommes en été lorsqu’ils sont pris par les travaux des champs. Outre ces travaux saisonniers, Jean-Claude et Fabrice accomplissent aussi le curage et le paillage. Le travail administratif était jusqu’alors réalisé par Marie-Claire et Emmanuelle.
Le départ de Marie-Claire devrait être compensé par l’embauche d’un salarié à plein-temps en remplacement du mi-temps. L’enjeu sera de remplacer Marie-Claire au niveau des travaux d’astreinte (veaux notamment). Pour permettre à Emmanuelle d’assumer seule la traite et la gestion du troupeau, le Gaec réfléchit à l’installation d’un robot. Le Gaec devra également prévoir le remplacement de Jean-Claude sur les cultures à moyen terme.

Une exploitation dans la moyenne


En offrant un véritable audit des temps de travaux réalisés et de la répartition des tâches sur la ferme, le diagnostic a pointé les enjeux de la future évolution du Gaec. Il a notamment mis en évidence le poids des travaux d’astreinte et le fait que ces travaux reposaient finalement essentiellement sur trois personnes : Emmanuelle pour la traite, Marie-Claire pour les veaux, Fabrice pour l’alimentation des vaches… L’étude pointe aussi le rôle central de Jean-Claude qui assure une grande partie des travaux de culture ainsi que l’entretien du matériel avec Fabrice. Jean-Claude, Fabrice et Emmanuelle participent aux réunions. Comparé aux références issues d’autres élevages, le Gaec des Vions se situe dans la moyenne en termes de travail d’astreinte et de saison. Il se place toutefois dans le tiers inférieur pour ce qui concerne les travaux aux cultures avec seulement 0,5 jour de travail par hectare de culture. Cette performance s’explique par une habitude de travail en commun avec une exploitation voisine. L’un se charge du labour et du travail du sol tandis que l’autre assure le semis. Cette mutualisation des chantiers et des équipements permet d’augmenter l’efficacité des travaux de culture. Le Gaec des Vions s’appuie aussi sur la Cuma et une banque d’entraide. Les fenaisons sont réalisées en commun à trois exploitations « ce qui permet de gagner environ une semaine de travail par an », confie Jean-Claude.
« L’arrivée d’un robot devrait permettre une économie de 1.200 heures de travail d’astreinte », évalue Cécile Pandrot d’Acsel Conseil Elevage. Un équipement qui s’accompagnerait aussi d’une hausse de production laitière mais également d’une augmentation du nombre de vaches à traire pour amortir le robot. Une partie du temps économisé sur la traite serait ainsi perdue par l’augmentation d’effectif (550 heures).

Le poids prépondérant du travail d’astreinte


Représentant 38 % du temps de travail à réaliser sur l’exploitation, la traite est le poste le plus chronophage au Gaec des Vions avec 2.917 heures dans l’année à raison de 25 heures de traite par vache. Ce poste est suivi de près par les autres travaux d’astreinte de la ferme : l’alimentation (21 % de l’astreinte totale avec les élèves, curage paillage…) ; les soins aux veaux (15 % de l’astreinte totale). Le travail d’astreinte représente ainsi 73% du travail à réaliser dans l’année soit 5.603 heures avec peu de différence selon les saisons. Les 27 % restants se partagent entre les travaux de saison - fourrages, cultures… (1.776 heures) et le travail administratif (328 heures) pour un total de 7.690 heures réalisées jusqu’alors par les quatre associés et leur salarié à mi-temps.

Précieux temps disponible…


En décomptant les travaux d’astreinte et les travaux de saison, le diagnostic fait ressortir « un temps disponible calculé » d’environ trois heures par personne et par jour au Gaec des Vions. C’est le temps qu’il reste par personne pour accomplir le travail administratif et de gestion, réaliser l’entretien du matériel et des bâtiments, gérer les imprévus, participer aux réunions et formations… A titre d’exemple, en 2015, les associés ont consacré vingt jours à la réalisation de leur dossier bâtiment. Trois fois 15 jours ont également été consacrés à un projet collectif de méthanisation. Sans oublier le temps pris par les engagements professionnels (Jean-Claude est administrateur MSA et président de Cuma, Marie-Claire est présidente d’un groupement d’employeurs).




Miser sur l’efficacité du travail plutôt que le volume


En dix ans en Saône-et-Loire, le volume de lait produit par UMO a augmenté de + 47 % pour atteindre 220.000 litres, rappelle Cécile Pandrot d’Acsel Conseil Elevage citant des données issues de Fermoscopie. Une étude bretonne datant de 2012 faisait état d’une « productivité physique moyenne de 240.000 litres de lait par UTHF pour une productivité économique moyenne de 27.000 € par UTHF". Mais ces moyennes cachent en fait de grandes disparités. Disparité de productivité, disparité de revenu, disparité de rentabilité. Il ressort que des exploitations qui produisent beaucoup de lait par UTHF peuvent malgré tout se retrouver avec des revenus faibles. L’inverse peut être vrai aussi. « Améliorer l’organisation du travail, c’est optimiser les marges plutôt que les produits », résume Cécile Pandrot d’ACSEL Conseil Elevage. La démarche va en effet favoriser davantage l’efficacité du travail que le volume. Il s’agit d’avoir un système avant tout cohérent : main-d’œuvre, investissement… De sorte que la productivité par UTH soit au rendez-vous, sans que le travail ne soit trop pénible, analyse la conseillère.




Temps de travail

Le diagnostic "Actel"


Depuis l’an dernier, Acsel Conseil Elevage propose à ses adhérents le diagnostic Actel. Cet outil reprend une méthode mise au point par l’Institut de l’Elevage et l’Inra. Il s’agit d’un instrument de quantification rapide (4 heures d’entretien environ) assorti d’une méthode de réflexion sur les évolutions possibles. La méthode aborde l’organisation du travail sous l’angle de l’efficience (évaluation des temps de travaux d’astreinte et de saison) et sous l’angle de la fragilité et de la souplesse au sein de l’exploitation. Il s’agit là d’évaluer « la marge de manœuvre en temps de la cellule de base » (les travailleurs permanents de la ferme). Elle se fait au moyen du Temps disponible calculé (TDC) : celui qui reste une fois les travaux d’astreinte et de saison effectués. C’est le temps disponible pour les aléas, les travaux non quantifiés, les activités privées, les réunions, les mandats… Ce TDC est un véritable indicateur en matière d’organisation du travail.