Formation universitaire
Le mutualisme à l'étude

Publié par Cédric Michelin
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La crise financière de 2008 est passée par là et avec elle le modèle économique du capitalisme mondialisé a montré ses limites. Tout à coup, le mutualisme pour qui l’économie est au service de l’homme et non l’inverse, s’impose comme une alternative performante. Les dirigeants du Crédit agricole Centre-Est et l’université Jean Moulin de Lyon veulent doter le mutualisme des références universitaires qui lui font défaut.
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Le mutualisme est une idée humaniste qui nous vient du XIXe siècle et qui structure encore l’organisation de notre agriculture. Déjà en 1884, avec la création des syndicats agricoles, l’entraide entre les agriculteurs s’organise. Ils inventent les mutuelles mortalité du bétail, achètent ensemble les engrais ou le fil de fer barbelé, la petite communauté s’équipe d’un trieur ou crée une coopérative de collecte… C’est l’âge de l’entraide qui libéra les paysans de l’emprise toute puissante et peu scrupuleuse de certains marchands et leur permit de prendre en main leur destin. L’idée mutualiste, portée par les idéaux du siècle des Lumières a soif de justice de solidarité et d’entraide. L’idée est neuve mais très vite elle se révèle, dans la pratique, efficace. Elle donne aux paysans du pouvoir économique, draine jusqu’à eux le progrès technique et surtout leur donne la dignité. L’agriculture moderne doit beaucoup au mutualisme et de très performants outils économiques, comme la Sodiaal, Groupama ou le Crédit agricole en sont issus et fonctionnent encore selon ses principes.


Répandre l’idée du mutualisme




Mais, « avec le temps va, tout s’en va » et les plus nobles idées s’émoussent. Le mutualisme n’échappe pas à cette pernicieuse usure du temps et ses partisans se doivent de le réincarner. C’est ce que viennent d’entreprendre les dirigeants du Crédit agricole Centre-Est en proposant à l’Université Jean Moulin Lyon 3 la création d’une chaire de recherche sur « la valorisation des modèles coopératifs et mutualistes ». Concrètement, il s’agit de confier à deux professeurs de marketing de l’université l’encadrement de plusieurs étudiants qui prépareront en trois ans une thèse sur le sujet du mutualisme. On connaît les arguments militants et l’efficacité démontrée du principe coopératif mais il manque au mutualisme l’approfondissement universitaire qui fait d’une pratique réussie un modèle économique reconnu. Depuis l’après-guerre, le modèle économique dominant est le capitalisme. « Il est redoutablement performant », reconnaît Raphaël Appert, le directeur général du Crédit agricole de la caisse Centre-Est mais le mutualisme « en plus d’être économiquement efficace donne du sens à l’action conduite. Notre objectif n’est pas seulement d’accumuler des profits même si la performance économique s’impose à nous, mais d’inscrire notre action dans la durée en privilégiant la proximité, les territoires et en respectant la place des hommes et des femmes dans l’économie ». C’est une vision « humaniste de l’économie », renchérit Marguerite Granjon, la vice-présidente du Crédit agricole de la caisse Centre-Est, très intéressée par « les liens que cette initiative peut créer entre l’université et le mutualisme. Deux mondes qui ne se connaissent pas et qui aujourd’hui se rencontrent ». Elle compte sur l’expertise des universitaires « pour porter un regard nouveau sur la coopération et pour nous dire ce que nous ne voyons plus, y compris nos travers, tant nous sommes immergés dans la pratique quotidienne du mutualisme ». Doté de ce bagage universitaire, le mutualisme travaille à son adaptation aux exigences de l’économie moderne comme aux demandes nouvelles notamment de ses jeunes sociétaires. Pour se réinventer et rester « un modèle d’utilité », selon l’expression de Raphaël Appert, le mutualisme se soumet à l’expertise universitaire et accepte d’être bousculé. Déjà la puissante et internationale coopérative Limagrain vient de se joindre à la caisse Centre-Est du Crédit agricole dans cette vaste entreprise d’introspection. Histoire de rester les dignes héritiers d’un mutualisme aujourd’hui réhabilité après le dévoiement d’un capitalisme échevelé à l’origine de la terrible et toujours présente crise de 2008.