Artémis
Des sous-sols jusqu’aux drones

Publié par Cédric Michelin
-
La plateforme d’innovation agro-environnementale des coopératives de Bourgogne - Franche-Comté, Artémis organisait une visite d’essais le 11 juin à Virey-le-Grand. L’objectif : présenter ses recherches pour améliorer le potentiel agricole et la réduction d’intrants, pour développer une agriculture de précision et pour améliorer la qualité des produits en fonction de l’attente des marchés.
128720--DSC_0160.JPG
Depuis 2010, la coopérative Bourgogne du Sud –qui fait partie d’Artémis– a mis en place au Gaec du Défriché, une des huit plateformes pluriannuelles qui expérimentent des systèmes de cultures remettant l’agronomie "au cœur du raisonnement" : travail et fertilité du sol, rotation, réduction d’intrants… Du projet Genosol à l’Inra de Dijon, Samuel Dequiet expliquait ainsi ses recherches sur la biologie des sols. En moyenne, 6 à 10 UGB –plusieurs tonnes donc– de vers de terres et autres micro-organismes vivent dans un hectare de sol français. Plus de 100.000 espèces différentes de bactéries aussi par… gramme de sol. Idem pour les champignons. Au-delà des chiffres, les scientifiques veulent comprendre leurs fonctions biologiques, intervenant dans le recyclage des nutriments, dans la transformation du carbone, dans la maintenance de la structure du sol, dans la régulation des populations y compris pathogènes… « Les sols sont une assurance pour l’avenir. Avec une bonne biodiversité, ils peuvent revenir à une productivité durable », rassure Samuel Dequiet. A Dijon, il s’intéresse plus particulièrement à ces « communautés microbiennes ». « Avec moins de biodiversité, vos sols perdent en potentiel de minéralisation ou en capacité à assurer le cycle du carbone », prévient-il. Mais, « la nature a horreur du vide et les bactéries recolonisent un milieu stérilisé » sauf que des pathogènes peuvent également s’installer dans l’écosystème.

Champignons ou bactéries ?



Avec ses sols argileux, le Nord de la Bourgogne est « riche » en biomasse et constitue donc une « meilleure niche écologique », contrairement aux sols sableux des Landes par exemple. Comme les sols n’ont pas le même potentiel et que les pratiques agriculturales ont un « impact » sur eux, l’Inra fait des essais de modulation des apports de matière organique. « Le semis direct fait grimper la diversité des champignons et baisse la diversité des bactéries. Inversement, pour le labour, son action mécanique à un effet drastique sur les champignons et du coup les microbes s’installent plus après ». Mais pas de conclusion hâtive pour autant. « L’un n’est pas meilleur que l’autre. Ils fonctionnent différemment. Le labour facilite la minéralisation tandis que le sans labour est plus lent ». Le laboratoire Genosol étudie également les solutions commerciales "activant le sol" mais conseille plutôt « toutes les plantes qui font des associations (rhizobium) enrichissant les sols ».

« Même drainé, ça déborde »



Après la fertilité biologique, place à la fertilité physique du sol, avec Christian Barnéoud, pédologue au Grap de Franche-Comté. Plongé dans son profil, il montrait deux couches de sol distinctes. « Ici, le sol est très vieux, plus de 50.000 ans, et donc fatigué. Il a perdu sa capacité d’infiltration des eaux qui vont rester bloquées à 40-50 cm de profondeur et s’évacueront latéralement ou par évaporation. Mais, en hiver, même drainé, ça déborde », explique-t-il. Il conseille alors de passer une dent à 45 cm de profondeur pour le fissurer et « ne pas le laisser s’installer ». « Cela serait dommage d’avoir un rendement limité par la sécheresse alors qu’on est assis sur un tas d’eau », faisait comprendre Christian Barnéoud. Surtout actuellement, avec le manque de précipitations printanières…


Cartographie parcellaire à l’aide de drone



3 ha à la minute. 60 km/h avec une largeur de passage de 200 m. Le rêve de tout céréalier. C’est pourtant ce que permettent les drones. Ces objets volants découlent de la miniaturisation des smartphones (GPS, informatique, batterie…). Antoine François présentait celui d’Airinov, leader européen, qui pèse 700 grammes. Mais c’est la technologie embarquée qui fait la différence. Le capteur d’images fait grimper le coût de l’unité à 18.000 €. Rien à voir donc avec son grand frère, Parrot, à 200 €.
La technologie est issue des laboratoires de l’Inra pour mesurer et interpréter le taux de chlorophylle ou le développement foliaire, « en allant voir dans l’infrarouge ». Ce fils d’agriculteur ne perd pas le nord. « Il faut voler plus qu’on roule », martèle-t-il pour que ce soit rentable. D’où son travail principalement avec des instituts ou des coopératives. Surtout, « plus besoin d’ingénieurs » mais un simple technicien suffit sur le terrain pour le faire décoller. L’entreprise compte en recruter une quarantaine, y compris parmi les agriculteurs « voulant se faire un complément de revenu ». Programmé pour couvrir un secteur, le drone va effectuer une trentaine de vols par jour. Les données sont récupérées (sur cartes SD) et transmises (4G) immédiatement pour interprétation dans laboratoire agronomique. « Cela vous donne la vision globale réelle partout sur vos parcelles. Ces données sont ensuite compatibles avec vos outils d’aide à la décision. Croisées avec vos dates de semis, plan de fumure… on peut alors donner la dose d’azote moyenne (U/ha) simplifiée par grandes zones homogènes (trois maximum). Pour ceux qui sont équipés de modulateurs, nous sommes compatibles avec tout boitier (Isobus) puisque l’on communique uniquement avec le GPS ». Il en coûte 15 €/ha pour deux vols. Ou 10 € si la coopérative trouve 500 ha de parcelles groupées. Cette année, Bourgogne du Sud a fait un essai sur Colza. Airinov est en phase de « calage » sur blé.