Vinification des vins rouges
Maîtriser ses fermentations "naturelles"

Publié par Cédric Michelin
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De l’IFV Bourgogne-Beaujolais-Jura-Savoie, Vinvent Gerbaux a présenté ses études sur les fermentations alcooliques (FA). Ses analyses montrent que Saccharomyces cerevisiae ne domine pas sur le raisin. Du coup, la composition du moût ne garantit pas le bon déroulement de la FA. La maîtrise des phases pré-fermentaire et fermentaire est donc importante. Pour cela, l’IFV de Beaune a sélectionné une souche levurienne –isolée en Bourgogne– pour la macération pré-fermentaire à froid des vins rouges.
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Coup sur coup, au Forum œnologique de Davayé puis en partie à Vinosphère à Beaune, Vincent Gerbaux est revenu sur la maitrise du déroulement de la fermentation alcoolique en conditions pratiques. Il s’est penché sur les levures, expliquant en préambule qu’elles font « l’objet de discussions avec la notion de typicité » des vins.
Surtout dans notre région bourguignonne, mono-cépage pour les vins tranquilles –chardonnay, pinot noir, aligoté– où la notion de terroir « prend une importance considérable » pour expliquer la diversité des vins. Le chercheur s’est donc penché sur la question du rôle des levures présentes sur le raisin dans l’élaboration desdits vins. Pour y répondre, des raisins (issus d’une viticulture biologique) ont été récoltés, puis traités en cuverie expérimentale avec du matériel désinfecté et donc neutre. Les moûts, non sulfités et sulfités (à 5 g/hl), ont été placés dans des petites cuves inox. Après plus d’une semaine d’incubation à 20 °C, l’observation de la surface a démontré le développement de diverses moisissures mais il a fallu attendre dix jours pour observer une FA active. Cette expérimentation confirme donc que le raisin renferme « très peu de levures fermentaires dans sa flore microbienne » à la vigne.

Vinification qualifiées de nature



Ce qui pose problème dans la perspective de faire des vinifications pouvant être qualifiée ou dites "naturelles". Pour enclencher, la première solution est en effet de laisser les levures S. cerevisiae coloniser la cave et le matériel et attendre leur développement dans les moûts (cuvée ou pied de cuve). Paradoxalement, « le problème est alors lié au niveau d’hygiène de la cave. Plus l’hygiène sera stricte, moins cette solution sera intéressante », prévient-il, alors que le vigneron cherche aussi l’infestation et le développement de déviations organoleptiques dans le même temps.
La seconde solution est d’ensemencer le moût avec une levure sélectionnée mais « il y a peu de rémanence d’une souche majoritaire d’un millésime à l’autre », pouvant perturber les clients qui cherchent une signature ou un même type de vin propre au Domaine ou à la cave.

Gare à l’acide acétique



Car sans maîtrise des phases de fermentations, il faut savoir que naturellement la levure Kloeckera apiculata est mieux représentée sur le raisin et malheureusement, elle a une forte aptitude à produire de l’acide acétique. Résultat, la "contamination" (préalablement pasteurisé dans les essais) d’un moût de pinot noir avec K. apiculata montre un développement rapide malgré une température fraiche de 15 °C. Pour éviter ce développement, la solution "classique" est de levurer précocement avec S. cerevisiae pour coloniser le milieu et permettre la FA. En effet, K. apiculata est inhibée par une teneur en alcool supérieure à 5/7 %v/v.

Bio-contrôle dans le moût



Mais Vincent Gerbaux et l’IFV ont trouvé une autre solution. Il s’agit d’effectuer un levurage précoce avec Metschnikowia pour assurer un bio-contrôle dans le moût. Cette levure, courante sur le raisin, est non fermentaire, non-productrice d’acide acétique et « potentiellement productrice d’arômes ». L’IFV de Beaune a donc sélectionné une souche spécifique M. fructicola, isolée en Bourgogne, pour la macération pré-fermentaire à froid des vins rouges.
Ainsi, après vérification, il s’avère que le levurage précoce avec M. fructicola inhibe le métabolisme et développement de l’indésirable K. apiculata. « Le bio-contrôle de Kloeckera apiculata par Metschnikowia fructicola assure donc une qualité proche de celle du lot non-contaminé », se réjouit en conclusion Vincent Gerbaux.