Environnement et simplification
« Condamnés à l’excellence »

Publié par Cédric Michelin
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Avec et devant un parterre d’élus, la CAVB organisait pour la première fois deux tables rondes lors de son AG. La première portant sur les « enjeux environnementaux », la seconde sur « l’explosion des normes » avec, dans les deux cas, l’obligation de trouver des solutions pour accompagner ou simplifier le métier de vigneron.
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L’anecdote n’est en rien anodine. Au contraire, elle illustre le cercle vicieux qui se met doucement en place. Jean-Michel Aubinel l’a déjà dénoncé à de nombreuses occasions auprès de la préfète de Région mais, devant les élus et les parlementaires, il a un peu plus encore enfoncé le clou : « on nous accable des pires maux sur les réseaux sociaux. De faux procès sont faits à la viticulture dans les médias. Et lors des pics de pollution en janvier, nous sommes la seule profession à devoir arrêter son travail ! », s’exclame-t-il. Si l’arrêté préfectoral n’interdisait que le brulage des sarments, Jean-Michel Aubinel « veut bien assumer notre part… réelle » dans le pic de pollution, mais trouve étrange cette interdiction ciblée « comparée aux milliers de poids lourds qui continuaient de circuler sur l’autoroute » toute proche.

Bio contre conventionnels ?


Une preuve de plus que législateur et exécutif jugent dûrement une profession qui réalise pourtant beaucoup d’efforts. La CAVB réclame dès lors « plus de concertation en amont » et avait à ce titre invité à sa table ronde Alain Suguenot, député-maire de Beaune (21), Jean-Yves Caullet, député-maire d’Avallon (89), et Jérôme Durain, sénateur de Saône-et-Loire etr conseiller régional.
Pour Alain Suguenot, les vignerons « deviennent les boucs émissaires d’un problème qui concerne l’aménagement de nos territoires ». La proximité entre les habitations et les vignes « peut provoquer des réactions hostiles » et ce, d’autant plus si s’installe un manque d’informations de proximité alors que les opposants aux pesticides grossissent et communiquent sans relâche.
Animant la table ronde, Jérôme Chevalier s’inquiétait de revoir « bio contre conventionnels ». Pour Jean-Yves Caullet, « le public ne sait pas les efforts que vous faites ». Une situation qui n’est pas prête de s’inverser face au « tsunami médiatique », préférant détruire que construire. Il dressait un parallèle similaire dans les filières viandes ou bois. Dès lors, pour lui, impossible de dire « circulez, y a rien à voir », surtout en Bourgogne, laquelle est en quelque sorte « condamnée à l’excellence. Elle qui s’est ainsi construite » sur ce principe. Et cela alors que l'écologie est devenue dans l'imaginaire collectif, la suite logique des vins de qualité.

Parler d'une seule voix


L’excellence étant relative aux autres vignobles, Jean-Hugues Goisot ne désespère pas de l’atteindre avec la Charte régionale des bonnes pratiques phytosanitaires, construite avec la filière entière (BIVB, Sedarb, MSA, Anses, Fredon, Atmos’fair, constructeurs de pulvés,…). Visant déjà « à parler d’une seule voix », toutes les ODG ont validé cette charte, « sauf une », Chablis en l’occurrence, qui « ne voit pas encore bien les enjeux sociétaux et environnementaux ». Pour lui, il faut utiliser les chemins à travers les vignes et autres "voies vertes" pour « expliquer nos bonnes pratiques ». La viticulture a « une vraie responsabilité envers la société » et cette charte ne pourra « réussir qu’avec l’ensemble de la société civile ».
La charte vise à limiter les dérives des traitements phytos mais aussi, d’ici à 2025, à « abandonner les canons ». Le plan d’action comporte aussi un large volet formations et communication.

Transparence à double tranchant


« Nous aurons besoin du soutien de tous les élus », insistait Jérôme Chevalier, réclamant des financements notamment pour moderniser le parc de pulvérisateurs en Bourgogne mais aussi pour les formations. Si le conseiller régional, Jérôme Durain, ne répondait pas directement, il promettait le « soutien de la Région pour gagner ce combat » en mettant toutefois en garde sur la communication grand public : « la transparence se retourne assez souvent contre soi, et vous devrez être très fins dans vos messages ».
D’ailleurs, à la question de la salle pour des vignes OGM résistantes aux maladies, Jean-Michel Aubinel concluait justement que « c’est casse gueule d’accoler le terme OGM à celui de Bourgogne, même si je suis convaincu de la nécessité de la recherche », avant de demander aux parlementaires, sur ce dossier comme sur les autres d'ailleurs, « de ne pas légiférer sous la pression » de la société civile notamment.



Simplifier, c’est déjà compliquer !


« Nous sommes parfois victimes de réformes conçues loin de la concertation avec la filière ». C’est par ces propos introductifs que débutait la seconde table ronde sur le sujet de la simplification. Si les sénateurs Jean-Paul Emorine et François Patriat « prenaient de la hauteur », ils s’éloignaient trop des problèmes du quotidien, ce que leur rappelait Nicolas Rossignol, sans dénier l’influence du traité Transatlantique (Tafta), de l’ISF ou encore du principe de précaution inscrit dans la constitution. Une viticultrice dans la salle indiquait qu’elle passait « trois jours de plus par mois au bureau » depuis son installation en 2008, en raison d’une dématérialisation faite dans le mauvais sens, c’est-à-dire sans formation informatique et avec un débit Internet lent, de 512 k.
Président de Siqocert, Christophe Ferrari tenait également un discours de vérité. « Nous avons mis dans nos cahiers des charges plus ou moins de normes, imposées ou non, avec un plan de contrôle chez le voisin, qui ne l’accepte plus trop et encore, quand c’est bien contrôlable ». Le directeur de la Cnaoc, Pascal Bobillier-Monnot, voyait là aussi le fait qu'il est « difficile de changer ce qui a été installé », déplorant à ce propos les faibles moyens mis en place par la filière pour défendre ses intérêts à Bruxelles. Sénatrice en Côte-d’Or, Anne-Catherine Loisier regrettait aussi de ne « pas assez travailler avec nos collègues parlementaires européens ». Finalement, avant de chercher de "grands" coupables, chacun était invité à faire sa propre autocritique et à remettre le métier sur l'ouvrage...