Antonio De Sousa
Excellence et innovation pour credo

Propriétaire de deux enseignes à Montceau-les-Mines et au Creusot, Antonio De Sousa est devenu l’un des acheteurs les plus emblématiques des concours d’animaux de boucherie de Saône-et-Loire. Digne héritier d’une tradition de bouchers achetant en ferme, cet artisan a su faire évoluer son entreprise en misant sur le haut de gamme et en se diversifiant vers davantage de produits transformés.
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Depuis plusieurs années, Antonio De Sousa s’est forgé une solide réputation sur les concours d’animaux de boucherie. A Autun, Romenay, Saint-Christophe-en-Brionnais comme au Festival du Bœuf, l'artisan boucher n’hésite pas à tenir tête aux grands groupes d’abattage ou de distribution pour leur disputer les culardes les mieux primées !
Cette prédilection pour les concours de bovins de boucherie de haute qualité est le fruit d’une stratégie d’achat de bêtes sur pied de longue haleine. « Lorsque je me suis installé en 1988 à Montceau, j’ai commencé par acheter ma viande en demie carcasse à des chevilles. Après quelques déceptions, je me suis mis à m’intéresser à l’élevage pour mieux trouver ce que je voulais. J’ai acheté mes premières bêtes en ferme moi-même. Ma première génisse provenait de l’élevage de l’oncle de mon épouse à Saint-Bérain-sous-Sanvignes ! », se souvient Antonio. Le boucher avoue avoir très vite pris goût à ce mode d’approvisionnement en direct. En 1995, tandis qu’il reprenait une seconde boucherie à Palinges, le jeune artisan se lançait dans l’abattage exclusif de génisses culardes. Et pour dégoter ces femelles d’exception, il s’en est remis à Alain Lemoine, un commerçant indépendant qui lui repère ses animaux en ferme depuis vingt ans.
« Il me trouve les bêtes sur pied et je lui dit ce que j’en pense après les avoir travaillées en magasin. Certains élevages conviennent mieux que d’autres. Il faut tuer plusieurs animaux pour voir si la qualité est régulière ». Antonio avoue avoir une préférence pour les naisseurs dont les produits sont plus constants. Quant au choix des culardes, « c’est pour le rendement et la tendreté », justifie le boucher. En expert, ce dernier explique que « la viande de cularde est pourtant plus sèche et moins goûteuse que celle d’une génisse ou d’une jeune vache ». Mais pour la clientèle, ce qui compte le plus, c’est la tendreté : « les amateurs de viande persillée sont rares ! », ajoute Antonio.

Le summum de la viande charolaise


Depuis 1995, l’artisan travaille toute l’année des culardes et quelques génisses épaisses. C’est en découvrant la photo d’une championne acquise sur un concours par un confrère qu’Antonio a eu le déclic : « c’est ce que je veux ! », a-t-il annoncé à son complice Alain Lemoine. « Le summum en viande charolaise. D’ailleurs, c’est ce que je recherche dans tout ce que je fais ! », poursuit l’artisan dont la boutique est ornée de nombreux prix et trophées. L’an dernier, il remportait rien moins que le Championnat du monde du jambon persillé !
Exigeant sur la qualité de ses produits, Antonio De Sousa est aussi un chef d’entreprise combatif dans un métier qui a pourtant beaucoup souffert en l’espace de trois décennies d’activité. « Dans les années 1970, il y avait 75 bouchers tuant à l’abattoir de Montceau », se souvient-il. Aujourd’hui, Antonio est le dernier charcutier-boucher traditionnel de la ville. « Nous sommes entourés de sept grandes surfaces à moins de trois kilomètres », confie son épouse. Au bout de douze années d’exploitation, le boucher montcellien a été contraint de vendre son enseigne de Palinges, ne parvenant pas à trouver un remplaçant à son salarié gérant. A la place, il a repris la célèbre maison Demaizière au Creusot.

De plus en plus de produits transformés


Aujourd’hui, Antonio De Sousa exploite ainsi deux boucheries-charcuteries de ville. Celle de Montceau emploie à elle seule 14 personnes ! Trois bouchers dont Antonio, cinq charcutiers traiteurs, trois vendeuses et trois femmes de ménages… Au fil des ans, l’activité traiteur a pris le pas sur le métier traditionnel. C’est cette activité nouvelle qui a d’ailleurs remplacé les tournées pour assurer la clientèle. Et c’est au rayon traiteur que les boucheries traditionnelles doivent leur salut, explique en outre l’artisan. La consommation de viande fraiche a en effet beaucoup diminué et les consommateurs sont désormais demandeurs de produits transformés. « La viande de boucherie, c’est sous forme de cordons bleus, de lasagne, de Parmentier qu’elle se consomme désormais… Plus que jamais, le métier de boucher nécessite beaucoup de savoir-faire. On démonte plus les muscles qu’autrefois car les clients veulent des rôtis plus petits. Même le veau, même les gigots d’agneaux ne sont plus vendus entiers… On vend de plus en plus de volailles désossées ; même les cuisses de poulet sont désossées ! », confie Antonio.
Outre le savoir-faire traditionnel de boucher-charcutier, l’artisan devenu traiteur doit sans cesse acquérir de nouvelles recettes, innover, pour coller au mieux aux nouvelles attentes des consommateurs. Des clients qu’Antonio bichonne en leur apportant le conseil adapté. En cela, la compétence de traiteur est un plus face à des consommateurs qui ne savent plus cuisiner… Ce conseil, l’artisan y croit beaucoup, tant il peut faire la différence avec une grande distribution beaucoup plus impersonnelle.

Sauvé par l’activité traiteur


A la vue de la magnifique et appétissante vitrine, si large et si richement achalandée et en visitant l’immense laboratoire en coulisse, on comprend mieux l’importance de l’activité traiteur dans la pérennité de l’entreprise. Antonio De Sousa l’explique en toute transparence : « c’est avec les plats cuisinés que nous sauvons notre marge. Des carottes achetées 1 € le kilo et vendues râpées 9 € le kilo ; du Parmentier vendu 13 € le kilo… Parce que pour ce qui est de la viande bovine, c’est une autre histoire ! ». S’il s’est fait une spécialité de la viande charolaise très haut de gamme et qu’il n’hésite pas y mettre le prix en ferme, en revanche, le boucher avoue avoir « toutes les peines du monde à répercuter ce prix en magasin ». Là est toute la difficulté du métier. « Lorsque j’achète une bête 13 € le kilo de carcasse sur un concours, je perds forcément de l’argent », révèle Antonio. Et même à 6,50 € ou 7 € le reste de l’année, le chef d’entreprise doit jouer finement pour récupérer sa marge.
De toute façon, « une fois qu’on est partis là-dedans, on ne peut pas revenir en arrière », confie Antonio. « Je travaille ce type de bête toute l’année et pour le faire savoir, j’ai besoin de me faire remarquer sur les concours ! C’est une excellente promotion. Les éleveurs eux-mêmes parlent de ma boucherie et mes clients attendent ces rendez-vous avec impatience pour savoir ce que j’ai acheté ! », reconnaît l’artisan.

La pression du lobby industriel


C’est la présence des artisans-bouchers qui force la grande distribution à jouer le jeu sur les concours, estime encore Antonio. Sans cette concurrence d’artisans, « les grandes enseignes pourraient faire ce qu’elles veulent ! ». Une grande distribution et des industriels face auxquels les artisans traditionnels sont très pénalisés par des règles du jeu bien inéquitables. « Les industriels font pression pour que nous nous imposions les mêmes contraintes de traçabilité qu’eux ! Mais chez les artisans, les recettes évoluent régulièrement… On ne peut pas éditer un nouvel étiquetage pour seulement dix parts d’un produit ! Nous supportons les mêmes frais que les industriels. Nous payons énormément de taxes… », déplore Antonio qui est investi dans deux syndicats professionnels : celui de la boucherie et celui des charcutiers-traiteurs.





Installer des jeunes bouchers


Le chef d’entreprise aimerait que des jeunes reprennent ou créent davantage d’affaires. Malheureusement, les nouvelles normes dissuadent d’entreprendre et « la grande distribution offre 2.500 € par mois à un jeune diplômé alors qu’un artisan ne peut pas lui donner plus de 2.000 € », explique Antonio. Lui qui est passé par le CIFA de Mercurey et dont un fils envisage de prendre la relève, a entamé l’apprentissage du métier dès 14 ans et défend son métier avec beaucoup de passion. Et c’est sans langue de bois qu’il dit préférer voir s’installer des jeunes artisans plutôt que des éleveurs se diversifier dans la boucherie… L’installation est pour lui un enjeu crucial. Sans doute - estime-t-il -faudrait-il aider les jeunes financièrement, à l’instar par exemple de ce que font certains meuniers pour installer des boulangers… Une idée à creuser… D’autant que la valeur d’une boucherie rentable avoisine aujourd’hui 300.000 € !, confie Antonio De Sousa.




Cularde
Pour le rendement et la tendreté


Ce qui fait la différence dans une cularde, c’est le rendement et la tendreté, explique Antonio De Sousa. « Les globes des cuisses doivent reposer au moins trois semaines en chambre froide avant d’être retouchées, sinon, la viande manquera de goût », indique le boucher qui déplore que certaines dates de concours obligent à écourter ces précieux temps de maturation avant les fêtes. A l’opposé, la viande des avants n’a pas besoin d’attendre : cularde ou pas, pot-au-feu, braisés, bourguignon restent des bas morceaux. « On les vend à perte ! », confie même l’artisan. Là où le type culard fait la différence, c’est que « le paleron peut passer en beefsteak ; les entrecôtes, on va les chercher un peu plus loin ; la basse côté, elle se rapproche d’une entrecôte », explique Antonio.