Cru viré-clessé
Test de cépages à fin d’adaptation et dégustation de Resdur

Cédric Michelin
-

Le 9 avril au foyer rural de Viré se tenait l’AG du cru viré-clessé. Outre la mise au vote d’une demande de réflexion sur de futurs 1ers crus, l’appellation a également débattu autour des cépages accessoires, à fin d'adaptation climatique, avec même une dégustation de cépages résistants à la clé. Sans conclusion hâtive.

Test de cépages à fin d’adaptation et dégustation de Resdur

Fidèle à son habitude, le président du cru viré-clessé, Benjamin Dananchet allait droit au but devant une quarantaine de déclarants de récolte. Il qualifiait tout d’abord le millésime 2023 comme « exceptionnel », tant en termes de qualité que de quantité avec 27.042 hl produits sur 444 ha, soit un rendement moyen de 61 hl/ha. Et même 68 hl/ha avec les volumes complémentaires individuels (VCI) et les dépassements de rendement autorisé (DRA), rappelait-il. Il fallait une bonne récolte tant les stocks étaient au plus bas depuis 2021. « On espère une récolte aussi qualitative en 2024 », réclamait-il au ciel qui ne cessait de pleuvoir jusqu’à ce début avril. Il rappelait également à tous l’obligation d’avoir enherbé en permanence les tournières, car ces dernières ont fait l’objet de plusieurs manquements l’an dernier lors des visites de vigne. Rien d’alarmant puisqu’aucune notification n’a été faite auprès de Siqocert.

En revanche, Benjamin Dananchet appelait à la plus grande vigilance contre la flavescence dorée. « Il faut poursuivre les efforts ». Il avait d’ailleurs demandé à Dominique Crozier, chef de service adjoint du Sral Bourgogne-Franche-Comté, de donner les dernières consignes et nouveautés dans le cadre de la lutte obligatoire 2024 (lire encadré).

Trois catégories de cépages

Une réflexion est également engagée par le cru sur l’intérêt des cépages accessoires, des cépages résistants (Resdur) et ceux à fin d’adaptation (Vifa). Respectivement en raison de l’évolution organoleptique des vins, des demandes sociétales et réglementations durcies autour des traitements et enfin en raison du dérèglement climatique pour s’adapter dans tous les cas. « Rien n’est acté ou figé, mais vu le temps long de la recherche, il faut agir dès maintenant », encourageait le président. Il invitait Véronique Lacharme, en charge de ce dossier à la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB), à rejoindre la scène.

La technicienne rappelait tout d’abord que toutes les modifications de cahier des charges sont le fruit de débats et de négociations avec les autres appellations bourguignonnes, pour notamment pouvoir respecter les règles de replis. Une « cohérence » dans la hiérarchie entre régionales et communales est obligatoire pour l’INAO. Également en AG, les bourgognes ou les vins mâcon, ont déjà intégré les cépages accessoires, qui étaient proposés ce 9 avril aux producteurs de viré-clessé. Après avoir débattu, notamment sur l’intérêt avec uniquement « 5 % de replis » sur l’ensemble du cru, l’assemblée donnait pouvoir à l’ODG et à la CAVB pour demander à l’INAO de rajouter les cépages accessoires : pinot blanc, aligoté et pinot gris. Ce qu’avait d’ailleurs voté une autre appellation communale, l’ODG saint-véran la semaine précédente. Ces cépages connus sont des cépages historiques de la Bourgogne.

Sacy et melon B pour s’adapter au climat de demain

Venaient ensuite deux nouvelles catégories de cépages. En premier, les vignerons étaient invités à voter sur une demande d’expérimentation, dans le cadre de l’ODG, sur des cépages à des fins d’adaptation face au changement climatique (Vifa). Les cépages sacy et melon B « peuvent être intéressants en assemblage » côté vins. Cette expérimentation serait encadrée par l’INAO (DEI) – « et certainement la chambre d’Agriculture pour le suivi technique » sur dix ans – et dans ce cadre expérimental, les vignerons pourraient garder le bénéfice de l’AOC, à condition de ne pas dépasser 5 % de l’encépagement et 10 % pour l’assemblage final. Les ODG bourgogne et mâcon ont fait la même demande. « L’INAO n’était pas motivé au début mais grâce à l’ODG meursault (Côte-d’Or), qui a planté des Vifa, peut-être même que demain, on pourra tester d’autres cépages, voire résistants », entrevoit Véronique Lacharme.

Des Resdur qui ne font pas l’unanimité

Dernière catégorie de cépages, celui des cépages résistants – dit Resdur pour « résistance durable » - au mildiou et à l’oïdium. Les premières générations, Resdur1, ont vu leurs résistances polygéniques renforcées (Resdur2) pour éviter l’apparition de souches résistantes mildiou ou oïdium. « Ils demandent peu de traitements phyto et il y a un intérêt à les planter autour des maisons, Ehpad, écoles… », expliquait Véronique Lacharme qui sait que les réglementations sur les distances de traitement se durcissent et les collectifs anti-phytos se multiplient. Pour avancer, plusieurs membres du bureau du cru viré-clessé suivent les essais au niveau national et Benjamin Alban, directeur du Vinipôle Sud Bourgogne, avait amené trois Resdur pour dégustation et avis.

Pour l’heure, les ODG bourgogne et mâcon « ne sont pas opposés, mais n’y ont pas vu d’intérêt à la dégustation », mais « on va arriver à les débloquer », souriait Benjamin Dananchet. Ce qui a pour conséquence de freiner le lancement de l’expérimentation à viré-clessé. Dans le cadre du GIEE, les cépages opalor, voltis, muscaris, sélénor et floréal pourront néanmoins être plantés mais l’appellation viré-clessé ne pourra pas être revendiquée. Le cahier des charges de l’ODG des vins en IGP de Saône-et-Loire « enclenche sa demande de modification de cahier des charges » pour les accueillir. « La CAVB essaye de mettre de l’huile dans les rouages », redisait Véronique Lacharme qui à certes 84 appellations mais beaucoup plus de cahiers des charges à mettre « en cohérence » à chaque fois. « Quitte à les rouvrir, autant prévoir tous les cépages souhaités, car il nous faut argumenter et écrire » avant de proposer à l’INAO, qui lui-même les soumet à la Commission européenne tous les deux ans.

Au milieu du gué

Les trois cépages « classiques » et les deux cépages « accessoires » (Vifa) ont reçu l’unanimité des votants (138 ; 93 déclarants de récolte). Prenant note des fiches de dégustation, les vignerons partaient à la découverte de voltis (Resdur1), de floréal (Resdur1) et d’opalor (Resdur2), notamment testé en Champagne car « plus neutre » et qui permettrait de « laisser les chardonnays s’exprimer ». Chacun semblait apprécié ou non. Benjamin Alban précisait qu’il y a mille et une façons de les vinifier, sans oublier les terroirs et millésimes. « Je ne sais pas ce que c’est un chardonnay entre une parcelle à Chablis et une parcelle à Viré-Clessé », comparait-il, appelant à rester « indulgent » à ce stade de vins vinifiés au Domaine de Vassal près de Montpellier. Des cépages qui ont des potentiels de rendements « de 30 jusqu’à 120 hl/ha » ou encore, « voltis est annoncé mature deux semaines après un chasselas », donnait-il d’autres clés de lecture.

Reste que pour lui, la Bourgogne viticole se retrouve dans un « moment compliqué ». Entre ces cépages et ceux du programme de recherche Cep Innov qui devrait donner « un mariage inespéré de variétés résistantes par croisement de nos pinots et nos chardonnays… pour 2040 ». Pas avant quinze ans car il faudra les tester et retester dans le cadre de l’agrément des candidats sans parler ensuite de la production de clones. En clair, jusqu’en 2040, il faudra se contenter « de matériel végétal qui ne correspond pas au profil de vin recherché, mais qui répond aux objectifs de ne pas traiter », concluait-il.

Une commission créée en vue d’un dépôt de dossier 1ers crus

Après les pouilly-fuissé, déjà reconnu pour ses premiers crus, les crus pouilly-loché et pouilly-vinzelles sont les plus proches d’une accession à l’étage supérieur des Climats. Saint-Véran avance également pour monter dans la hiérarchie certains lieux-dits (lire notre précédente édition). Désormais, c’est une appellation du Nord mâconnais qui se positionne, en l’occurrence l’AOC viré-clessé qui a voté pour étudier la possibilité d’un dossier pour obtenir des 1ers crus. « Il faut que ce soit une réelle demande émanant d’un collectif », insiste Benjamin Dananchet, rajoutait même que l’Inao va tester leur motivation, comme pour les autres, par « une longue demande ». Après le feu vert de l’assemblée ce 9 avril, une commission ad hoc sera donc créée au sein de l’ODG pour se réunir et travailler les premiers aspects. La technicienne de l’Inao se voulait rassurante. Même si rien ne permet de donner un échéancier, « votre AOC est récente puisque reconnue en 1998 donc il y aura moins de grands traits à toucher. Mais, c’est certain, les parcelles devront répondre aux critères établis par l’ODG », notamment les délimitations des Climats revendiqués, qu’elle invitait à bien renseigner systématique lors des déclarations de récolte. « C’est ça qui fera foi », enfonçait le clou, Véronique Lacharme de la CAVB. Car l’Inao « fait de la reconnaissance de l’existant donc si vous n’avez pas une certaine notoriété, on ne peut pas inscrire » un Climat.

Flavescence dorée : une amende jusqu’à 17.000 €

Dominique Crozier, chef de service adjoint du Sral Bourgogne-Franche-Comté, ne perdait pas de temps non plus à rappeler les quatre piliers de la lutte obligatoire contre la flavescence dorée même s’il invitait les viticulteurs à donner leur avis sur le nouvel arrêté qui est en consultation publique. Il rappelait que l’arrêté garde le même état d’esprit, celui « d’être le plus efficace pour limiter l’extension » de la maladie, mais aussi de « limiter au maximum les traitements obligatoires ». Il évoquait également le choix de certaines ODG d’expérimenter sur certaines communes viticoles, après analyse de risque sanitaire et validation par les services de l’État, de passer d’une prospection collective obligatoire à une prospection individuelle obligatoire toujours. « Il faut voir pour ne pas dégrader la prospection, au contraire même », espère-t-il voir une efficacité accrue pour le repérage des ceps infectés et pour l’arrachage de ceux-ci rapidement ensuite.

La Fredon a d’ailleurs fait des contrôles avec le Sral cet hiver dans « 617 des 749 parcelles signalées flavescence dorée en 2023 ». Si l’arrachage n’a pas été réalisé, une tolérance est encore laissée après l’hiver pluvieux, lorsque les agents constatent que le pied « a été taillé très court en vue d’être arraché ». En revanche, aucune tolérance et même de premières sanctions sont tombées pour « certains producteurs qui nous amusent depuis trois-quatre ans ». Dominique Crozier a rencontré les 13 procureurs de la région BFC pour leur expliquer les enjeux de la lutte sanitaire contre la flavescence dorée. « Ils nous suivent si on fait un procès-verbal », même s’il sait que le suivi judiciaire est une action au long cours. De premières sanctions sont tombées suite à des contrôles en 2022. La profession et le Sral ont prouvé l’absence de prospection délibérée ou des non-traitements pourtant obligatoire, et les procureurs ont émis des amendes allant de « 3.000 à 17.000 € » ! Des chiffres qui ne doivent rien au hasard, mais calculés sur une base de prospection de 500 €/ha si c’est à la Fredon de le faire. « Un coefficient est appliqué dessus selon la taille, la zone, l’économie… ». Désormais, le Sral se penche sur les dossiers de 2023 et là encore, des « producteurs vont se faire tirer les oreilles ». Au cas par cas encore, les procureurs proposeront des peines. Des courriers seront envoyés. Les viticulteurs acceptent ou refusent. Dans ce dernier cas, le dossier part au tribunal pénal, avec le risque « de prendre beaucoup plus cher ». C’est le résultat d’une première affaire à Dijon. D’autres cas suivent. Et Dominique Crozier de conclure sans se réjouir : « une personne a été recrutée pour faire les contrôles et une autre le sera l’an prochain », à la demande des professionnels.