Libéralisme européen
Un coût exorbitant…

Que n’a-t-on entendu sur l’agriculture subventionnée, qui coûte cher, qui - bien que seule politique commune à l’Union européenne ou presque - consommerait trop de budget… ! Le vent du libéralisme devait faire table rase de ce passé et signifier une nouvelle ère pour notre agriculture… Depuis 1992, et plus récemment la fin des quotas laitiers, les chantres de l’ultra-libéralisme économique déchantent…
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Il y a trois semaines, la Commission européenne a décidé d’un deuxième plan de soutien à l’Agriculture, principalement destiné aux producteurs de lait. Destiné principalement à inciter et compenser une réduction de la production laitière, ce plan pourrait coûter pas moins d’un milliard d’€ si les pays membres décidaient d’actionner le cofinancement de la mesure. Un précédent plan a déjà coûté presque autant. Et combien coûtera le troisième, pour ne pas parler du quatrième qui tentera, lui aussi, de sauver ce qui pourrait encore l’être… ? Sans parler des plans nationaux, ici ou là, et des budgets sociaux pour venir en aide à des catégories d'exploitants malmenés...
Tout cela pour tenter de compenser les effets ravageurs de la suppression des quotas laitiers qui, faut-il le rappeler, lorsqu’ils existaient ne coûtaient quasiment rien ! Ils ne coûtaient quasiment rien certes, mais idéologiquement, ces quotas laitiers dérangeaient.
Et ces milliards d’€, à quoi servent-ils donc ? À tenter de compenser, pour des producteurs de lait principalement, le coût d’une idéologie arcboutée sur le libéralisme absolu. Et, plus prosaïquement, à financer la possibilité pour quelques producteurs de lait du nord de l’Europe, de tirer le maximum de leurs troupeaux.
En supprimant les quotas, a-t-on rendu service aux industriels du lait en général qui croyaient pouvoir compter sur une matière première moins cher ? Ce n’est pas sûr même si les derniers de Danone pourraient faire croire le contraire. En effet, la zizanie est grande aujourd’hui en matière de concurrence. Or, comme les exploitations agricoles, les entreprises, notamment celles de l’agroalimentaire, ont besoin de stabilité et de visibilité. Et pas forcément d’approvisionnement aux prix les plus bas !
Une stratégie plus judicieuse aurait pu être de faire varier les quotas en fonction de la situation des marchés mondiaux. On connaît l’impact, en matière d’offre, d’une petite variation de quotas. Et surtout on évitait ainsi la baisse drastique des prix qu’il faudra ensuite, quoi qu’il advienne, politiquement compenser.
Et tout ceci sans évoquer ici les lourds dégâts humains, ceux que les chiffres ne font pas apparaître… Sans non plus parler et chiffrer les dégâts indirects comme ceux que la filière Viande bovine va avoir à affronter dans les mois à venir.
Alors, plutôt que de céder à une quelconque idéologie fusse-t-elle séduisante, la Commission européenne ferait bien de se remettre en urgence au travail, de réfléchir et de revisiter, voire d’abandonner !, ses vieux dogmes ultra-libéraux. Tous les autres grands pays producteurs l’ont fait depuis longtemps, à commencer par les plus libéraux comme les Etats-Unis… Mais eux sont avant tout des pragmatiques… Et nous, des idéologues !




Quand un train déraille, on doit réviser, revoir la voie ferrée ou le mode de conduite, mais pas le train qui, partout ailleurs, parcours des kilomètres de voie sans souci !
Sauf quand la vanité et la bêtise font croire que seul le train est à l’origine du drame.
C’est exactement ce que Bruxelles et nos dirigeants font alors que notre agriculture déraille, mais aucun d’entre eux ne remet en cause la ligne ultralibérale qui nous a conduit au drame, pas plus que la Commission européenne, pétrie d’idéologie, qui a accéléré sa course folle dans un virage dangereux… Et pour un peu encore, Bruxelles accuserait les producteurs. On marche sur la tête.