Négociants en bestiaux
« Oui, nous allons faire monter les prix »

Publié par Cédric Michelin
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Les négociants en bestiaux construisent leur avenir par le biais de leur fédération (FFCB), en se positionnant comme des acteurs « fiables » « aux côtés » des éleveurs. Et pour preuve de cette volonté, son président, Gérard Poyer invitait ses confrères à « faire monter les prix ». Reste d’autres inquiétudes et incertitudes –géopolitiques, économiques et sanitaires– qui menacent toujours les marchés exports.
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Vendredi 29 août à La Chapelle-de-Guinchay (71), la Fédération française des Commerçants en bestiaux (FFCB) tenait sa réunion interrégionale : Auvergne, Bourgogne, Franche-Comté, Rhône-Alpes. Après des réunions de travail le matin, l’après-midi débutait par la présentation des grands chiffres des marchés viande. La nouvelle animatrice, Anne-Laure Paquin rappelait que la filière a compté pour un milliard d’€ d’excédent dans la balance commerciale. Sauf que, en 2013 toujours, le cheptel se réduit, avec un « net recul » des naissances et notamment pour les races allaitantes (-40.000 têtes). Côté consommation, la crise se fait toujours ressentir. La guerre des monnaies se fait au détriment de l’euro et profite aux Etats-Unis et Brésil. Avec 1,3 million de têtes exportées, la France perd en compétitivité (343 €/100 kg de vif). L’Italie reste toujours son premier marché, malgré la baisse et les incertitudes des soutiens de la futur Pac. Le président des négociants en Rhône-Alpes, Christian Berthet regrettait « qu’aujourd’hui, en France comme en Italie, tous les produits engraissés perdent de l’argent ! ».

Apporter la connaissance des pays clients


C’est aussi pour cela que les négociants en Bestiaux souhaitent « revenir vers les races », d’où la présence de la FFCB au Mondial du Charolais ou prochainement au concours national des Blondes d’Aquitaines.
Ce qui n’empêchait pas Gérard Poyer, le président de la FFCB, de donner un avis tranché : « Actuellement, la FNB nous excite. Oui, nous allons faire monter les prix. Nous devons maitriser nos coûts et nous organiser pour cela. Mais eux aussi (les éleveurs, NDLR), doivent écouter nos conseils. On a la connaissance des clients, les demandes des pays. Et, notre génétique, pillée pour faire des croisements, est à la source de nos problèmes et nous prive maintenant de nouveaux marchés (des pays émergents, NDLR). Il faut faire sauter les blocages et oser dire que l’on peut croiser des races », lançait-il.
En tout cas, les négociants en bestiaux ne veulent pas se poser en donneurs de leçons pour autant mais demandent plutôt la paix dans la filière. « On va accompagner les éleveurs même si on doit se prendre des claques à l’export. Ce qui est important c’est que certains donnent l’exemple pour redémarrer la dynamique. On va gagner ensemble, avec eux et à côté des coopératives et abatteurs », appelait-il de ces vœux. L’occasion de faire le parallèle avec la structure nationale, FC2A (Fédération du commerce agricole et agroalimentaire) qui regroupe tous les commerçants agricoles et agroalimentaires pour leur « donner du poids politique » au national, notamment en comparaison de Coop de France. C’est aussi pour cela que les négociants en bestiaux ont commandité une étude (voir encadré) montrant qu’ils sont des « banquiers » et acteurs « fiables » de la filière élevage, revendiquant entre 60 et 65 % de part de marché –en terme de chiffre d’affaires– en France.



« Banquiers fiables » de la filière


Du cabinet JBG Consultants à Rennes, Clarisse Hamon a été mandatée pour suivre un panel de négociants pour analyser leurs résultats économiques et financiers. Une étude sur une période de neuf années, suffisamment renseignée pour que FranceAgriMer puisse la prendre en considération. Cela va dans le sens des axes que s’est fixée la FFCB, « suggérer et peser sur les normes, la réglementation et les pratiques professionnelles », expliquait le directeur, Hugues Beyler.

Il ressort de cette étude que le taux de marge (9 %) des négociants sondés et leur valeur ajoutée (4,55 en 2011) sont « peu élevés ». Pas d’inquiétude cependant, une « majorité conserve une bonne autonomie financière ». Le « secteur se porte bien », situation qui « s’améliore » même en 2013, estimait-elle, redonnant ainsi des perspectives positives aux jeunes souhaitant reprendre ou démarrer dans le métier, première priorité de la FFCB. Si le résultat net de ces entreprises augmente en moyenne grâce à une baisse du taux d’endettement et des frais financiers, la rentabilité économique (résultat d’exploitation) a diminué en 2011-2012. « Vous confortez votre rôle de banquiers fiables de la filière avec des fonds propres relativement importants et une gestion en bon père de famille qui vous permet d’absorber les aléas économiques que vous avez à gérer régulièrement », concluait Clarisse Hamon.





Difficile mondialisation


Les négociants en bestiaux restent vigilants sur l’Ecotaxe qui sera remplacé d'ici au 1er janvier 2015 par un "péage de transit poids lourds" concernant les camions de plus de 3,5 tonnes et 4.000 km de routes.

Autre menace, plus récurrente, celle des barrières sanitaires à l’export. Si les animaux vivants ne sont pas concernés par l’embargo Russe, Moscou a mis en place des barrières sanitaires avec l’Europe et le Brésil va en sortir gagnant. « Au 7 août, 89 nouveaux établissements ont été agréés par les services vétérinaires russes dont 58 pour la viande ». Autre potentiel « inexploité » jusque là, la Turquie a des exigences sanitaires « difficiles voire impossibles » pour des animaux français (broutards < 300 kg, reproducteurs 8.000 litres de lait…). Pays dans lequel sévit la FCO comme en Roumanie (sérotype 4).

Maladie « la plus contaminante », la fièvre aphteuse continue de sévir en Algérie et Tunisie et le risque de propagation existe. Seul le Maroc au Maghreb reste ouvert aux échanges.

Véritable "atout" commercial, le GDS et DDCSPP (ex-DDPP) insistaient pour conserver le « capital sanitaire » français, en intensifiant la campagne IBR ou en faisant attention à la « résurgence » de la tuberculose.

En parallèle, le marché intérieur pourrait bientôt être attaqué par des importations massives en provenance du continent américain, puisque les premières négociations trans-atlantiques laissent craindre dès 2016, l’arrivée prochaine de 76.000 t de viandes provenant du Canada, 300.000 t des Etats-Unis (réciprocité) et 500.000 t d’Amérique du Sud, soit près d’un million de t au total chaque année.





BPI : 90 % des décisions prises en régions


René Gaucher de la Banque publique d’investissement (BPI, ex-OSEO) présentait les soutiens économiques que peut apporter la BPI. « Avec 37 implantations régionales, 90 % des décisions sont prises dans les régions contrairement à avant ou cela était centralisé au siège » de Maison Alfort. Deuxième élément important, la BPI se propose d’être présente à tous les stades de la vie de l’entreprise, de la création jusqu’à la transmission et toutes les étapes intermédiaires, comme le développement ou l’exportation. Particularité, la BPI garantit les banques classiques. Les taux de garantie varient en fonction des finalités. Pour une reprise, la BPI peut aller jusqu’à garantir 50 %, évitant d’hypothéquer trop ses biens personnels. Autre dispositif pour les petites entreprises en création, une rallonge, un prêt allant jusqu’à 7.000 € sur 5 ans à un taux de 2,14 % à condition d’avoir levé une dette bancaire au même moment.

La BPI peut également intervenir pour soutenir et renforcer des besoins de trésorerie. « On est là pour accompagner les projets et pas pour les censurer. On vérifie la pérennité des entreprises malgré les difficultés passagères ou la conjoncture sectorielle difficile ».

Des arguments qui séduisaient les négociants. La FFCB vient d’ailleurs de créer une commission Jeune. Son président invitait tous les volontaires à la rejoindre. « Il faut pérenniser le métier et éclairer l’avenir », motivait Alexandre Carcouet. Une trentaine de « soldats » sont déjà inscrits partout en France.